Face au dérèglement climatique et à l'avenir incertain de la planète, de plus en plus de jeunes souffrent d’éco-anxiété. La Conférence sur les changements climatiques (COP26), qui se déroule à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre 202 met en lumière ce phénomène d'anxiété. Une angoisse, voire de la dépression, suscitées par l'emballement de la crise environnementale, largement relayée dans les médias et sur les réseaux sociaux : effondrement d'icebergs, terre craquelée, ours polaires squelettiques, incendies géants, inondations destructrices… Ces images anxiogènes tournent en boucle sur tous les écrans, révélant une planète qui se dégrade devant nous en temps réel. Cauchemardesque, l'idée de l'effondrement irréversible du monde tel qu'on le connaît se répand. Face au dérèglement climatique, de plus en plus de jeunes avouent souffrir d’éco-anxiété. Un nouveau mal étudié depuis quelques mois par les chercheurs qui tirent la sonnette d'alarme.
En septembre 2021, neuf chercheurs en psychologie issus d’universités britanniques, américaines et finlandaise publiaient dans le journal scientifique The Lancet Planetary Health, une étude réalisée auprès de 10 000 jeunes, âgés de 16 à 25 ans. Ce focus dévoilait qu'en moyenne, près de 60% des jeunes interrogés étaient "très" ou "extrêmement" préoccupés par le changement climatique. Encore plus troublant, plus de 50% du panel estimait que l’humanité était condamnée. Enfin, pas moins de 39% avouaient hésiter à faire des enfants. Mais cette éco-anxiété est-elle si récente que cela ? Ne ressurgirait-elle pas à chaque nouvelle crise auprès des plus jeunes ? C'est sans doute le cas, mais la nouveauté c'est que pour l'instant, aucune échappatoire ne semble envisageable pour ces jeunes.
Mais, vous allez le constater, le pessimisme était déjà de mise dans l'archive proposée en tête d'article. Nous sommes en mars 1974, la crise du pétrole fait rage. A la télévision, dans des spots publicitaires, le gouvernement incite à faire des économies d'énergie. Dans le magazine "Aujourd'hui madame", consacré ce jour-là aux 13-16 ans, on interroge les adolescents sur leur vision de l'avenir. Patrice Laffont s'est rendu pour l'occasion au Lycée Buffon à Paris et dans un collège de banlieue à Vélizy-Villacoublay, où des jeunes entre 13 et 16 ans ont accepté de répondre à ses questions sur leur vision de la société contemporaine.
Décroissance, déclassement et autres désespérances
L'un des sujets abordés avec eux est la peur de l'avenir. Quand il leur demande à quoi ressemblera leur vie dans 20 ans, les réponses sont surprenantes, à l'image de cette fillette qui anticipe d'une certaine manière ce qu'on appelle aujourd'hui la décroissance, estimant que "le monde aura beaucoup changé. Ou ce sera beaucoup plus moderne, ou alors on aura un retournement en arrière". Même pessimisme du côté de son camarade qui surprend même le journaliste par ses propos déprimants : "J'ose pas imaginer. L'avenir parait bouché. Vu tout ce qui se passe en ce moment".
La parole passe à un autre adolescent encore plus défaitiste : "Tel que c'est parti, avec toutes les crises de l'énergie qu'on a en ce moment, les hausses de prix (…) ça ne s'améliorera jamais!", déclare-t-il comme un jugement sans appel. Lui aussi anticipe une dégradation de la qualité de la vie : "on retombera à un état de…", soupire-t-il. Pour ce garçon, c'est clair, sa vie sera pire que celle de ses parents, "ça ne s'améliorera pas, ça sera beaucoup plus difficile". Patrice Laffont lui demande si ce qu'il décrit lui fait peur, le garçon lui répond avec un zeste d'insouciance que la peur viendra avec l'âge mais qu'on "s'y habituera progressivement".
Dans l'étude publiée en septembre 2021, les jeunes interrogés estimaient douter de la réponse apportée par les gouvernements à la crise climatique. Se sentant ignorés et estimant que la réaction des puissants est inadéquate. Une opinion relayée par Greta Thunberg, le 1er novembre, dans son appel à dénoncer la trahison des dirigeants du monde entier. "En tant que citoyens de toute la planète, nous vous appelons à répondre à l’urgence climatique. Pas l’année prochaine. Pas le mois prochain. Maintenant".
Pour aller plus loin :
En janvier 2021, une étude réalisée par l'Ipsos pour la Fondation FondaMental confirmait cette tendance. Les chiffres montraient qu'avec l'épidémie de Covid-19, la santé mentale des Français s’était dégradée, en particulier chez les jeunes. Cette enquête, réalisée auprès d’un échantillon de 1300 personnes, dont 404 jeunes âgés de 18 à 24 ans, soulignait que 40% des jeunes de moins de 25 ans rapportaient un trouble anxieux généralisé (+9 points par rapport à l’ensemble des Français). Et presque 3 jeunes sur 10 pensaient qu’il vaudrait mieux qu’ils soient morts ou ont songé à se blesser.