La guerre vue par les enfants : trois époques, trois regards. Lorsqu'on demande aux enfants ce qu'ils pensent de la guerre, on est souvent surpris par l'intelligence et la sensibilité de leurs réponses, tant leurs remarques se révèlent justes et affûtées. Nous vous proposons de découvrir plusieurs archives filmées à différentes époques, dans les années 70, 90 et 2000. À chaque fois les enfants font preuve de lucidité sur le monde qui les entoure et sur l'origine des guerres.
La première archive présentée en tête d’article est la plus ancienne. Elle date de décembre 1971 et a été diffusée dans le magazine « Le troisième œil ». À l'époque, la guerre d'indépendance du Bangladesh faisait rage. Cette guerre indo-pakistanaise faisait énormément de victimes et créait un important déplacement de population, soit 10 millions d’habitants en Inde. La veille de ce reportage, le 16 décembre 1971, l’armée pakistanaise s'était rendue, et le Pakistan reconnaissait le Bangladesh officiellement.
C'est donc à chaud que des enfants étaient interrogés. Une fillette faisait part de ses réflexions sur l’origine de la guerre. Son constat était implacable. La guerre lui paraissait avant tout une question de société belliqueuse. Le mot qui lui venait en tête lorsqu’on lui demandait de définir la guerre, c’était un mot enfantin, « idiot ». Un terme qui reviendrait plusieurs fois dans cette archive.
Un autre gamin, dont on entend juste la voix, essayait, lui, de trouver un sens à la guerre : « C’est toujours des imbéciles qui déclarent la guerre », estimait-il. Les motivations d’un conflit, il les décrivait avec beaucoup de lucidité. On fait la guerre « pour aller chercher des sous ». Mais une vie avait-elle un prix s'interrogeait-t-il ? Pour un autre école,r la guerre, c’était avant tout une histoire de grands et d’injustice. Les conséquences, il les percevait clairement, les victimes innocentes, c'étaient les enfants : « Les adultes déclarent la guerre et nous, on subit. C'est quand même vache ! »
À cette époque, la télévision et la presse ne montraient que peu d'images des conflits et les enfants évoquaient la guerre de manière conceptuelle et humaniste. Les choses vont changer dans les années 1990.
La perception enfantine
Pour les enfants des années 1990, la guerre se côtoyait à travers les films, les jouets ou les jeux vidéo. En janvier 1991, les enfants assistaient en direct à la guerre du Golfe. C’est l’un des premiers conflits à être largement relayé par la télévision, notamment à travers des éditions spéciales. Après trois jours d’images de bombardements et de combats, la télé se demandait comment les plus jeunes percevaient ces images violentes. Dans l'archive ci-dessous, un petit garçon de 8 ans commente cette guerre qu'il suivait sur son canapé.
Les enfants et la guerre
1991 - 01:54 - vidéo
Très concerné par le spectacle des bombes, cet enfant paraissait parfaitement au fait de l’avancée du conflit. Il analysait déjà ses enjeux, et notamment le principal : « L’Irak a envahi le Koweït pour prendre le pétrole ».
Les questions d'argent, d'intérêts économiques et de puissance semblaient déjà intégrées par le garçonnet de 8 ans aux allures de spécialiste de géopolitique, mais avec des mots d'enfant : « Les pays, ils se sont réunis et ils ont dit à l’Irak que s’il ne libère pas le Koweit avant le 15 janvier, il sera attaqué. ». Bien que sensible aux images, le petit confiait son désarroi et sa difficulté à appréhender une vérité si éloignée de son quotidien.
La guerre du Kosovo
En mars 1999, les enfants assistaient à un nouveau conflit, celui du Kosovo. Dans la prochaine vidéo, la télé interroge, à Nantes, de jeunes rugbymen à l’issue d’un match. Et les sportifs en herbe se montrent très loquaces sur cette nouvelle guerre.
Paroles d'enfants sur la guerre au Kosovo
1999 - 02:00 - vidéo
Les « poussins » avaient beaucoup à dire sur l’intervention de l'OTAN et sur les négociations à mener. Une fois de plus, le sérieux et la justesse de leurs réflexions étonne. Ils réclamaient des « négociations » plutôt que « de faire parler les armes ». L’arbitre, une jeune fille très philosophe, déplorait le nombre de tués, arguant que la paix était toujours possible, « si on le veut, on le peut ». Un autre joueur décrivait ce conflit comme « une guerre de religion » et critiquait l’enchaînement de la violence. Comme pour les enfants de 1971, la bêtise était au centre des remarques : « C’est complètement bête la guerre ! ».
Enfantillages
Injustice, bêtise, sous le regard des enfants, ce sont les adultes qui font preuve d’enfantillages. En 2003, les enfants assistaient à la deuxième guerre en Irak. Cette fois, les caméras s’étaient rendues dans une classe de 6e du collège Notre-Dame de Sion de Strasbourg, pour recueillir les réactions des collégiens.
Les enfants et la guerre
2003 - 02:44 - vidéo
Sans surprise, à l'heure où internet n'en était encore qu'à ses balbutiements, les collégiens s'informaient essentiellement à la télé, quelquefois aussi à la radio. Comme leurs prédécesseurs, les élèves partageaient leur vision géostratégique du conflit, à l'image d'un garçon qui déclarait trouver injuste « que les Américains déploient tant de forces pour un pays qui n’en a pas tellement ». L'angoisse pointait chez certains qui craignent une« troisième guerre mondiale ».
Dans cet échange, les enfants abordaient le thème de la manipulation des images, ce que ne faisaient pas leurs prédécesseurs. L'esprit critique paraissait très présent chez ces élèves qui remettaient en cause l'impartialité des images diffusées : « Les médias ne montrent pas tout, ils font une sélection d’images et c’est un petit peu de la censure ».
Accompagner les enfants
En plateau, après la diffusion du sujet, deux spécialistes décrivaient l’impact des images, violentes et choquantes, sur les enfants, un « impact énorme ». Ils expliquaient comment minimiser les « effets traumatisants ». Dominique Jouffroy, pédiatre à Strasbourg, déconseillait de laisser les petits regarder ce type d'images, mais incitait les parents à accompagner les plus vieux dans leur compréhension. Michèle Lewonczuk, directrice d'école maternelle, insistait, quant à elle, sur l'importance de l’initiation à l’analyse d’images et au développement de l’esprit critique dès le plus jeune âge. Elle concluait : « On ne lit pas des images douloureuses, mais on apprend à lire des images et à relativiser. »
L'impact des images de guerre sur les enfants
2003 - 01:52 - vidéo