Hervé Vilard qui a fêté ses 75 ans le 24 juillet 2021 n'a jamais caché son homosexualité. Il fut même l'un des premiers chanteurs à l'avouer publiquement alors qu'il débutait à peine sa carrière. Idole des yéyés, il n'a pas hésité à casser son image de gendre idéal en dévoilant un pan de sa vie privée au micro de Jacques Chancel à la radio, c'était en 1967.
Invité de Claire Chazal dans Le Passage des Arts de France 5, le 7 décembre 2020, il avait accepté d'en dire plus sur ce coming-out médiatique. "lI [Jacques Chancel] m'a posé la question : "Alors la petite amie ? Ce bonheur partagé ? Vous aviez bien une petite amie à la maison ?" Je lui ai dit : "Ma petite amie s'appelle Robert", a-t-il raconté.
Nous n'avons pas retrouvé cette émission de 1967 dans nos archives. Mais nous avons ce document dans lequel il racontait cette histoire en mai 2018. A l'époque, il entamait une tournée d'adieux. "Moi, ce que je n'aime pas, c'est porter d'étendard", précisait-il d'emblée. Pour lui, il n'était alors pas question de courage. "Quel courage il y a, quand on vous pose une question, de dire la vérité ? Pourquoi aller mentir là-dessus ? C'est ridicule. Ils sont ridicules avec tout ça, cette ségrégation !"
Cette révélation aurait pu mettre un terme à sa carrière, c'est ce que lui prédisaient les oiseaux de mauvais augure, comme il le racontait encore : "Alors, on en a fait cas. C'est vrai qu'à l'époque certains disaient : 'il ne fera pas carrière'. Mais les gens n'en ont rien à foutre ! Mon public féminin n'en a rien à foutre!", s'insurgeait-il, avant d'ajouter pour l'anecdote : "Dans les années 1950, Trénet, Claveau, Mariano, Sablon, et je vous en passe, tous les chanteurs de charme en étaient. Et alors ? Est-ce que ça a empêché la chanson de charme d'exister ?"
Un chanteur à fleur de peau
Si nous n'avons pas pu mettre la main sur ce coming-out de 1967, nous vous proposons de retrouver ce jeune chanteur cette même année. Il est alors adulé par ses fans, il semble lui-même étonné de son succès, qui débuta en 1965, grâce à son tube Capri c'est fini. Ce reportage intitulé "Mourir ou chanter : Hervé Vilard", diffusé le 9 mars 1967, nous permet de le suivre en pleine gloire. Il a 21 ans.
Mourir ou chanter : Hervé Vilard
1967 - 13:30 - vidéo
Tout devoir au public
Entre ses concerts, des séances de dédicaces, ses fans, le jeune artiste savoure cette revanche que la chanson lui donne sur la vie. Avec beaucoup de sincérité, il raconte à Jean Vidal, son enfance à l'assistance publique, son envie de s'en sortir grâce à la chanson, "j'ai envie d'y arriver parce que j'ai envie de chanter parce que c'est une force pour moi. Je me dégage". Il confiera travailler beaucoup, douter de lui toujours, mais tout devoir à son public. Un public avec lequel il souhaitait être honnête, assurant avec beaucoup de maturité : "Je crois que je lui dois tout, c'est lui qui m'a accepté… Si le public me rejetait, ce serait affreux et ce serait certainement de ma faute de toute façon…" Il ajoutait avec conviction : "Parce que le public, on ne le trompe pas ! On ne le bluffe pas, ou alors, le jour où il s'en aperçoit, c'est foutu. Je serais pommé si je le perdais". Un public qui donnait alors un sens à sa vie, l'impression "d'exister pour quelque chose".
Et c'est sans doute dans cette même volonté de sincérité et d'authenticité qu'Hervé Vilard dévoilait, cette année-là, son homosexualité aux Français. Un aveu courageux qui ne mettra pas pour autant un terme à sa carrière. Au contraire, Hervé Vilard a chanté jusqu'à ses 71 ans, soit 50 ans de carrière et 45 millions de disques vendus. Il a tiré sa révérence musicale lors d'une dernière tournée nationale qui passa par l'Olympia en 2018, là où il avait débuté.