Nous commémorons aujourd’hui le 81e anniversaire de cet événement dramatique qui a précipité la persécution des Juifs dans le IIIe Reich. Mais dès 1933, date à laquelle Hitler et les nazis arrivent au pouvoir à Berlin, les Juifs d’Allemagne sont stigmatisés et persécutés. Les spoliations de leurs biens commencent.
De 1933 à 1938, l'évolution de la politique antisémite du Reich
Dès le mois d’avril 1933, Hitler a l’idée d’un grand pogrom à l’encontre des Juifs, mais seule la perspective de représailles américaines l’en dissuade.
En 1935, la situation juridique des Juifs se détériore encore considérablement avec l’adoption des terribles lois de Nuremberg. De citoyens, ils deviennent de simples sujets du Reich.
Un an après, en 1936, l’Allemagne hitlérienne organise les Jeux olympiques. Face à l’opinion internationale, Hitler décide de temporiser sa politique antisémite. Ce qui explique pourquoi l’assassinat d’un politique nazi en Suisse par un jeune Juif yougoslave, le 4 février 1936, passe relativement inaperçu.
En 1938, l'Allemagne nazie, sûre d'elle-même, laisse éclater son antisémitisme, qui se traduit par la Nuit de Cristal du 9 novembre
Mais en 1938, la situation internationale change, en faveur des nazis. Pour Hitler, qui vient d’annexer l’Autriche, l'Allemagne est désormais assez sure d'elle-même, assez forte sur les plans militaire et idéologique, pour que la politique antisémite du Reich reprenne, plus intensément encore.
L’étincelle qui permet aux nazis de perpétrer le vaste pogrom de la Nuit de Cristal du 9 novembre 1938, c’est l’assassinat à Paris d’un diplomate nazi, Ernst vom Rath, par un jeune Juif allemand de Pologne, Herschel Grynszpan. L’excuse rêvée pour les nazis, qui feront alors croire à une réaction spontanée de la population allemande.
Les historiens savent aujourd’hui que le pogrom était au contraire préparé et encadré par l’appareil nazi. Des ordres précis donnés par les haut-dignitaires nazis, sans aucune référence à l’assassinat d’Ernst vom Rath (ce qui laisse à penser que les ordres auraient pu être écrits antérieurement à l'assassinat), ont en effet été donnés aux SA et aux SS, avec ordre à la police de ne pas intervenir contre les incendiaires. Le travail des pompiers consistant à s’assurer seulement que les propriétés non juives aux abords des synagogues ne prennent pas feu.
C’est devant l’une de ces synagogues, en Autriche, qu’une archive impressionnante nous est parvenue, diffusée dans l'émission 2000 ans d’histoire, en 2008. Il s'agit du commentaire d’un journaliste acquis au régime nazi s’enthousiasmant de l’incendie d’une synagogue.
Aujourd'hui, de nombreux historiens, à l'image de Rita Thalmann, opèrent une distinction entre les pogroms qui culminent avec la Nuit de Cristal, et l'extermination systématique des Juifs d'Europe (la Shoah), commencée au début de la Seconde guerre mondiale, et amplifiée à partir des années 1941-1942.
Dans le premier cas, il s'agirait, selon Rita Thalmann, pour les nazis d'encourager l'exil de tous les Juifs d'Allemagne, tout en s'emparant de leurs biens.
La Solution finale, quant à elle, procède d'une politique différente, inédite dans la longue et dramatique histoire des persécutions antisémites, ayant pour but, directement, l'extermination physique de tous les Juifs du continent européen.
Cyrille Beyer