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La porte de Damas à Jérusalem, une «scène» médiatique du conflit israélo-palestinien

La porte de Damas à Jérusalem, une «scène» médiatique du conflit israélo-palestinien

INTERVIEW - Avec l'esplanade des mosquées, la porte de Damas est le lieu où convergent manifestants et journalistes. Le journaliste du «Figaro» Cyrille Louis nous aide à comprendre.

Propos recueillis par Julien Boudisseau - Publié le 12.05.2021 - Mis à jour le 14.05.2021
Esplanade des Mosquées - 2000 - 02:34 - vidéo
 

Depuis le début du mois de mai 2021, Israéliens et Palestiniens ont engagé une importante flambée de violences. Après des heurts survenus à Jérusalem, l'affrontement a gagné la bande de Gaza où des centaines de tirs de roquettes sur Israël ont précédé des raids israéliens visant des responsables islamistes. Israël et le Hamas, le parti au pouvoir dans la bande de Gaza, se dirigent vers une "guerre à grande échelle", a prévenu l'émissaire de l'ONU pour le Proche-Orient, Tor Wennesland.

À la porte de Damas à Jérusalem, où des heurts réguliers arrivent comme ce fut le cas au cours des premiers jours du mois de mai 2021, chaque image compte. Le reportage en tête de cet article et qui date du début des années 2000 le rappelle. Lieu de rassemblement des Palestiniens, cette entrée dans la Vieille ville est aussi utilisée par des Juifs ultraorthodoxes.

Cyrille Louis est journaliste au Figaro. Correspondant du quotidien à Jérusalem de 2013 à 2018, il nous raconte pourquoi ce lieu est emblématique.

Pourquoi est-ce un lieu très médiatique ?

Cyrille Louis. - Chacune des huit portes qui permettent d’accéder à la Vieille ville de Jérusalem revêt, aux yeux de ses habitants, une fonction et une importance propres. La porte neuve conduit les Chrétiens au Saint-Sépulcre ; la porte de Jaffa est celle qu’empruntent le plus volontiers les habitants du quartier juif et les touristes ; la porte des Maghrébins mène aux murs des Lamentations… Quant à la porte de Damas, percée dans le tronçon nord du mur d’enceinte et située à la jonction entre les deux moitiés de la ville, elle est sans doute la plus mixte et la plus passante de toutes. On y croise des habitants arabes de Jérusalem-Est qui descendent ainsi dans le souq, des Juifs ultraorthodoxes venus du quartier voisin de Mea Shéarim mais aussi des Palestiniens de Cisjordanie qui convergent, le vendredi, vers l’Esplanade des mosquées. Lieu de rencontres, de détente, de mélanges et de friction, la porte de Damas est surveillée par la police israélienne, qui l’investit en force à chaque regain de tension. Ce qui en fait, aux yeux des Palestiniens, un symbole de l’occupation militaire mais aussi une cible de choix. A chaque fois que le conflit se réactive à Jérusalem, elle aimante logiquement les caméras de télévision du monde entier.

Depuis quand ce lieu est-il devenu important pour les médias ?

La dimension « nationaliste » de la porte de Damas s’est progressivement affirmée depuis la conquête de la Vieille ville, en juin 1967, par l’armée israélienne. Les Palestiniens de Jérusalem-Est, dont l’espace d’expression politique a été constamment restreint par la puissance occupante et qui ne se sentent pas représentés par l’Autorité autonome de Ramallah, ont pris l’habitude d’y improviser des manifestations politiques ou artistiques. Hormis l’esplanade des mosquées, il s’agit du seul lieu suffisamment central, vaste et ouvert pour accueillir de tels rassemblements. Depuis la première intifada en 1987, les autorités israéliennes ont d’ailleurs remodelé à plusieurs reprises son architecture pour empêcher la formation d’attroupements. Ces dernières années, après une succession d’attaques au couteau contre des garde-frontière postés devant la porte de Damas, la police y a installé deux kiosques surélevés où des agents veillent en permanence sur les allées et venue. En 2015, des snipers avaient même été postés sur les remparts au-dessus afin d’en sécuriser les abords. Tout début mai 2021, enfin, c’est un nouveau réaménagement de cette place qui a déclenché les tensions à Jérusalem. Le chef de la police locale y a fait installer des barrières pour empêcher les Palestiniens de s’y rassembler, le soir, après la rupture du jeûne. Cette décision humiliante a été perçue comme un empiétement inacceptable par les habitants de la Vieille ville. Après plusieurs soirées houleuses, les autorités ont fini par faire marche arrière. Il était manifestement trop tard.

Y a-t-il d'autres lieux emblématiquement forts en termes d'images à Jérusalem ?

L’esplanade des Lieux saints, que les musulmans appellent Noble sanctuaire et les Juifs Mont du Temple, est bien sûr le lieu le plus emblématique de Jérusalem. De nombreuses flambées de violence y ont démarré, notamment la seconde intifada qui a éclaté en septembre 2000 après une visite de l'ancien premier ministre Ariel Sharon. Mais cet espace clos, dont l’accès est interdit aux non musulmans en dehors de certaines heures, n’est guère accessible aux équipes de télévisions étrangères. En 2017, lorsque l’installation de portiques électriques aux entrées du sanctuaire a déclenché un nouveau cycle de violences, l’attention s’est concentrée sur la porte des Lions. Située à l’extrémité nord de l’Esplanade, celle-ci fut pendant plusieurs jours le théâtre de prières collectives qui ont nourri les reportages télévisés. Le Mur des lamentations, devant lequel d’immenses foules se rassemblent à chaque grande fête juive, est une autre « scène » emblématique. Mais la porte de Damas demeure sans doute celle qui incarne le mieux le retour, ces dernières années, de Jérusalem-Est aux avant-postes du conflit israélo-palestinien.

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