En 1976, un film met en émoi la planète cinéphile. Un producteur français, Anatole Dauman, commande à un réalisateur de la Nouvelle vague japonaise, Nagisa Ōshima, un film aux scènes sexuelles très explicites, proche de la pornographie. « L’empire des Sens » reprend une histoire vraie en racontant l’histoire d’un couple, un maître d’auberge et sa servante, entraîné dans une spirale érotique et sadique extrême qui mène à leur autodestruction et à la mort d’un des amants… Retour sur un chef-d'oeuvre du 7e art, que sa réputation sulfureuse depuis 40 ans et sa beauté esthétique ont classé au rang des mythes du cinéma...
Lors de la sortie du film, en 1976, Paula Jacques, dans les Après-midi de France Culture, présente le film, qu'elle place dans l'univers de Georges Bataille. La journaliste place le réalisateur Nagisa Ōshima comme le digne héritier des grands noms du cinéma nippon, les Kurosawa et Mizoguchi...
En 1995, Nagisa Ōshima est invité sur le plateau du Cercle de minuit, où il évoque la censure encore présente au Japon qui interdit la diffusion de certaines scènes du film. Cette oeuvre s'inscrit dans une histoire du 7e art japonais qui se caractérise par un retard par rapport aux cinématographies occidentales. Au Japon, le cinéma est d'abord un produit d'importation, et il faudra attendre les années 1920 pour que les cinéastes nippons se lancent dans une production proprement nationale. Jusqu'à la Seconde guerre mondiale, le sexe était absolument tabou dans la société et le cinéma japonais. Il faudra attendre l'Après-guerre pour que le fait d'aborder les questions de sexualité se conjugue avec une affirmation de soi...
Il évoque le rôle du cinéma dans la société japonaise des années 1990, qui est presque entièrement dédié à des publics jeunes à travers des dessins animés. Cependant, si "L'empire des sens" a connu un tel scandale et un si grand succès au Japon, c'est sans doute aussi parce qu'il révèle la conception antique qu'avaient les Nippons de la sexualité, avant qu'elle soit transformée par des cultures extérieures au pays du Soleil Levant, comme le Confucianisme, qui selon lui participa de ce tabou de la sexualité.
Mais revenons en 1976. Dans l'émission phare "Le masque et la plume", les discussions sont vives et passionnées, et une jeune nippone donne un avis bien particulier sur le film...
Toujours dans "Le masque et la plume", l'émission du 26 septembre 1976 devient un moment culte de radio. Les chroniqueurs donnent des avis totalement différents. Michel Ciment est absolument enthousiaste, qualifiant le film de "premier film sur l'amour physique que l'on ait fait". Alors Jean-Louis Bory évoque avec lyrisme les différences fondamentales selon lui entre la pornographie et l'érotisme : fondamentalement les mêmes images, pour un public différent. "Quand on fait des fellations sur une cantate de Bach, c'est de l'érotisme"...