Accusée de l'empoisonnement de son mari, puis de celui de douze personnes, Marie Besnard s'est trouvée plongée dans l'une des affaires judiciaires les plus commentées du XXe siècle. L'archive proposée en tête de cet article est son témoignage. En mai 1962, dans l'émission « Lectures pour tous » de Pierre Dumayet, elle présentait son ouvrage intitulé Mes mémoires, dans lequel elle racontait sa propre expérience de ses trois procès et de son acquittement, survenu le 12 décembre 1961.
« Ça a été très pénible de se replonger dans l'affaire, mais ça a été aussi un soulagement », confiait-elle d'emblée. Elle ajoutait avoir voulu aussi dire « les choses qu'on avait pas dites », ces petites choses qui l'avaient aidée à tenir, notamment la sympathie et la ténacité de ses avocats. Car elle s'est toujours dit innocente. « J'aurais préféré entendre dire par le président du procès : Marie Besnard est innocente, plutôt qu’acquittée. J'ai toujours eu confiance car je n'avais rien fait. Alors je me disais, pourquoi on me condamnerait ! C'est pour ça que j'ai pu tenir 14 ans. »
L'ancienne accusée confiait ensuite vouloir passer à autre chose et avoir pardonné à ceux qui avaient voulu lui faire du mal, et qui avaient depuis quitté la ville de Loudun où elle vivait.
Des morts mystérieuses
Car l'affaire Marie Besnard avait débuté le 25 octobre 1947 dans cette ville du département de la Vienne. Ce jour-là, Léon Besnard, commerçant, mourait après une agonie de plusieurs jours. Le diagnostic supposait une crise de foie, mais la rumeur, elle, accusait déjà son épouse. Une amie et locataire des époux Besnard, Madame Pintou, avait rapporté à un proche que le mari, avant de mourir, aurait confié que sa femme « lui aurait servi de la soupe dans une assiette où se trouvait déjà un liquide. » A l'ouverture de son premier procès, le 20 février 1952, Marie Besnard avait ainsi été d'ores-et-déjà condamnée par l'opinion publique, bien qu'elle clamait son innocence.
Le corps du défunt allait être exhumé : on allait y retrouver 19,45 mg d'arsenic, sans que la terre du caveau et le bois du cercueil n'en portent la moindre trace. Marie Besnard allait être inculpée.
En 1949, l'enquête, soutenue par le témoignage de nombreux habitants de Loudun, mettait en avant plusieurs décès dans l'entourage de l'accusée. Les autopsies réalisées sur douze autres corps révélant des traces d'arsenic dans chacune des dépouilles. Parmi les victimes : le premier mari de Marie Besnard, sa grande-tante par alliance, sa mère, son beau-père, sa belle-mère.
Deux mobiles allaient attirer l'attention du magistrat : l'argent d'abord, Marie Besnard ayant hérité directement ou indirectement des biens de ces personnes. Et la passion : Marie Besnard était supposée avoir noué une relation très intime avec un ancien prisonnier allemand, Alfred Dietz, que le couple avait recueilli chez lui et conservé comme homme à tout faire.
Des procès à rebondissements
Lors du premier procès, un rapport psychiatrique concluait que Marie Besnard était « anormalement normale ». Les experts scientifiques se succédant à la barre allaient apporter des conclusions opposées et alimentant alors le trouble. Dans l'émission « Les dossiers de l'écran », en 1980, le toxicologue Jean-Marc Rouziaux revenait sur les ratés de ces expertises, qui permirent par la suite de faire évoluer la discipline vers plus de rigueur. Dans l'impossibilité de trancher, le juge allait donc reporter le procès.
Jean-Marc Rouzioux à propos de l'expertise dans l'affaire Marie Besnard
1980 - 03:31 - vidéo
Deux ans plus tard débutait le second procès dans la confusion la plus totale. Il était toujours impossible de déterminer d'où provenait l'arsenic contenu dans les corps. D'un empoisonnement ? D'engrais chimiques qui auraient pollué la terre du cimetière ? La Cour de Poitiers allait elle aussi renvoyer l'affaire devant la Cour d'Assises de la Gironde, et Marie Besnard en détention au fort du Hâ.
Libération de Marie Besnard
1954 - 00:25 - vidéo
En 1960, Maître Gauthrat, son avocat, revenait sur l'affaire de sa cliente qui lui avait demandé de l'aider avec cette phrase : « "Si vous avez refusé mon dossier, c'est que vous me croyez coupable, et vous me croyez coupable, c'est que vous n'avez pas lu mon dossier". Et Marie Besnard avait raison ! ». Il décrivait alors les expertises et les fréquentes erreurs judiciaires dans les affaires d’empoisonnement.
Maître Gautrat à propos de l'affaire Marie Besnard
1960 - 04:56 - vidéo
Troisième et dernier procès
Le 21 février 1961, le chroniqueur judiciaire Frédéric Pottecher, qui a suivi toute l'affaire depuis ses débuts, faisait le compte-rendu de l'ouverture du troisième procès de Marie Besnard, alors âgée de 65 ans. Il précisait : « Si ce n'est pas une femme intelligente, c'est une femme de tête . »
Ouverture du troisième procès de Marie Besnard à Bordeaux
1961 - 03:25 - vidéo
Après un long parcours judiciaire, elle sera acquittée le 12 décembre 1961. D'après les expertises de ce dernier procès, l'arsenic aurait contaminé les sols du cimetière à cause du sulfatage des fleurs et des ornements funéraires. Les preuves étaient donc infondées. Devant les jurés, celle que l'on surnommait désormais « la bonne dame de Loudun » pardonnait même à son ancienne amie, Madame Pintou. Le verdict du troisième procès mettait fin à 12 ans de rebondissements judiciaires. Marie Besnard allait enfin rentrer chez elle, où elle s'éteindrait le 14 février 1980.
Troisième procès Marie Besnard : l'attente du verdict
1961 - 01:51 - vidéo
Marie Besnard est acquittée. La voilà avant son verdict.
Pour aller plus loin :
Cinq colonnes à la Une : rétrospective de l'affaire Besnard (6 mars 1959)
D'autres documents vidéos et audios sur cette affaire.