"C'est une compétition qui rassemble le monde entier, où tout s'arrête : les guerres, les conflits. C'est un grand rassemblement pour la paix dans le monde et c'est important car le sport est un élément essentiel dans la vie de tous les jours".
Ainsi débute cet entretien réalisé le 20 avril 2004 avec Colette Besson, celle qui obtint la seule médaille d'or française des J.O. de 1968. Une récompense que personne n'attendait, pas même l'intéressée. Cette année-là, la jeune femme alors âgée de 22 ans est professeure d'éducation physique dans une école primaire, à La Réole, en Gironde. Depuis ses 15 ans, elle pratique l'athlétisme et s'entraîne avec Yves Durand Saint-Omer, un entraîneur du club universitaire du Bordeaux Etudiant Club (BEC). Qualifiée pour participer à la compétition internationale, elle va se préparer dans des conditions particulières.
Alors que la France est en plein marasme, la jeune enseignante va bénéficier de la grève générale qui bloque le pays pour partir beaucoup plus tôt en préparation, "pour pouvoir récupérer entre chaque course, parce que la raréfaction de l'oxygène est bien évidemment un handicap. En effet, Mexico se situe à 2 245 mètres d'altitude, il n'est pas question d'arriver non préparée à cet aspect particulier. Un entrainement qui va durer quatre mois et demi jusque fin septembre. Elle poursuit : "Ce qui fait qu'en mai, j'étais déjà en altitude, à Font-Romeu pour m'adapter à courir en altitude. Ce qui explique mon état de fraîcheur à la dernière ligne droite, alors que mes concurrentes n'avaient certainement pas eu une préparation aussi longue et elles ont énormément souffert".
"Je n'ai fait que m'améliorer à chaque course"
Début octobre, Colette s'envole pour Mexico. Bien que prête physiquement, elle décolle sans grand espoir de victoire. Classée au 23e temps des engagées de l’épreuve du 400m, elle espère au mieux accéder à la finale. Mais LE miracle va se produire ! Elle le raconte avec des étoiles encore plein les yeux : "C'était le record olympique ! Le record d'Europe et mon record personnel !" Toujours étonnée par sa performance, elle précise : "je n'ai fait que m'améliorer à chaque course. C'est des échelons et j'ai fini par accéder à ce que mon entraîneur disait : "Tu vas faire 52 secondes et tu ne seras pas loin du podium". Et pourtant, elle précise bien que personne ne croyait vraiment en elle. Avec ironie, elle ajoute : "Les journalistes ne se sont pas intéressés à moi et ne m'ont pas mis la pression finalement…". Après les séries, elle se qualifie "sous des trombes d'eau" pour la finale qui se déroule le "16 octobre à 17h30 le soir. Il était donc presque minuit et demi en France".
"Le public se demandait qui était cette jeune fille inconnue... qui dépassait tout le monde"
Une date gravée dans sa mémoire. Tout en se remémorant les détails de sa course, elle semble revivre cette finale exceptionnelle : "Les 80 000 personnes présentes en tribune m'ont portées. Je me demandais ce qui m'arrivait ! Je voyais toutes mes adversaires grimacer et moi je me sentais très, très à l'aise. Comme si j'avais des ailes !" Elle ajoute avec malice : "Et le public se demandait qui était cette jeune fille aux cheveux longs, avec un nœud dans les cheveux ? Qui dépassait tout le monde, qu'on ne connaissait pas ! Et donc, ils ont crié, crié et j'ai pris tout ça pour moi et ça m'a aidé jusqu'au bout".
"J'étais la seule médaille d'or en athlétisme !"
Une fois sur le podium, l'athlète pense à ses parents bien-sûr, qui ont loué une télévision pour l'occasion, mais surtout à Yves Durand Saint-Omer, son entraîneur. Elle sait qu'il est dans les gradins, interdit de l'encourager sur le stade. Boudé par la fédération pour ses méthodes jugées iconoclastes, il n'a pas reçu l'autorisation se rendre au Mexique. "On disait que mon entraîneur avait un chronomètre en bois !" Il a dû payer son propre billet d'avion. Sur place, faute d'accréditation, il a falsifié sa carte de pêche pour tromper le service de sécurité et pour entrer dans le stade ! De son côté, Colette Besson est quasiment ignorée : "Beaucoup de gens étaient contre moi car il avait ses méthodes et son franc-parler qui déplaisait à la direction technique".
Au moment de la remise des médaille ses sentiments sont donc doubles, comme elle le décrit très bien ici : "J'étais très heureuse de réussir et de montrer que tout le monde s'était trompé. Il y a la passion du sport et puis ce désir de revanche car on n'avait pas été très gentil avec moi". Colette Besson déplore : "J'ai eu beaucoup de bâtons dans les roues pour arriver à Mexico".
Quant aux athlètes tricolores, à la fin de son entretien de 2004, elle ne s'attarde guère sur leurs exploits, puisqu'à part une médaille de bronze dans le 4x100m masculin, aucun autre français n'a remporté de médaille lors de cette édition 1968. Avec un petit sourire de fierté, elle conclut : "J'étais la seule médaille d'or en athlétisme". Belle revanche pour celle que personne n'avait vu venir et en qui personne ou presque ne croyait…
L'interview de la revanche
Découvrez une interview de Colette et de son entraîneur, réalisée par le 20h00 de TF1 juste après sa victoire. Ils répondent de bonne grâce aux questions du journaliste qui semble les découvrir.
Pour aller plus loin :
Poitou Charentes actualités : Colette Besson, recordwoman roannaise. Quelques images de Colette Besson et de son entraîneur "Quand on travaille, on finit par y arriver". (18 juillet 1966)
Poitou Charentes actualités : portrait de la jeune sportive et interview de ses parents heureux de ses résultats bien mérités après tous ses efforts "elle disait, je vais leur montrer que je sais courir…"(17 octobre 1968)
Championnat d'Europe d'Athlétisme en salle : Victoire française en relais féminin. Intégralité de la course avec le relais français composé entre autres par Colette Besson et Nicole Duclos.
Colette Besson qui depuis les Jeux Olympiques de Mexico n'a remporté aucune médaille est aujourd'hui aux Jeux méditerranéens à Izmir en Turquie. Rencontre avec l'athlète à propos de ses problèmes de santé et de son entraîneur longtemps décrié sur les difficultés et son entraînement intensif.
Lorraine soir : Colette Besson s'entraîne à Vittel. Interview de l'athlète et de son nouvel entraîneur qui a confiance en ses capacités après une année difficile. (6 septembre 1973).
A voir sur madelen :
La Joie de vivre : Colette Besson. En 1968, Colette Besson créé une formidable surprise aux JO de Mexico en devenant championne olympique du 400 mètres ! Georges Guetary, Les Charlots, Sheila, Pierre Dac, Jacques Dutronc, Fernand Raynaud, Mady Mesplé, Joe Dassin, Robert Hossein et Luis Mariano, se réunissent aujourd'hui à ses côtés. (2H00 — 16-02-1970 — Réal : Jean Pignol)
Florence Dartois