En octobre et novembre 1972 se tenait le procès d'une jeune fille mineure, Marie-Claire, accusée d'avoir avorté après avoir subi un viol, et de quatre autres femmes, dont sa mère, accusées de l'avoir aidée. Pour les défendre, une avocate de 45 ans, Gisèle Halimi, avocate et militante féministe, qui avait déjà dénoncé les tortures et viols commis par l'armée française en Algérie.
Dans l'archive en tête d'article, nous sommes le 22 novembre 1972, à l'issue du procès de Michèle Chevalier et des trois autres femmes accusées de l'avoir aidé à faire avorter sa fille. Michèle Chevalier et la personne qui avait pratiqué l'avortement ne sont condamnées qu'à du sursis, les deux intermédiaires sont relaxées. L'avocate déclare alors à la presse massée devant le tribunal qu'avec ce verdict un « pas irréversible vers un changement de la loi [de 1920] » vient d'être franchi en faveur de l'avortement. À ses côtés, Michèle Chevalier est heureuse de ce dénouement inespéré.
Gisèle Halimi, fondatrice de l'association « Choisir » déclare à son tour que ce jugement était « à l'image même du désarroi des juges devant cette loi sur l'avortement (...) Je crois que les juges ont été troublés par ce débat qui a été fait (...). Je les ai engagés à faire le pas, à faire le saut qualitatif de prendre leurs responsabilités, c'est leur droit et c'est leur devoir. C'est aux juges de changer la loi et d'indiquer qu'elle ne peut plus être appliquée ».
Le combat d'une femme
À travers ce procès, Gisèle Halimi souhaitait faire évoluer les consciences et le regard de la société, mais surtout libérer les femmes du carcan des naissances non désirées. C'est ce qu'expliquait l'avocate dans l'archive ci-dessous diffusée dans le journal télévisé de FR3 Côte d'Azur Actualités, le 27 octobre 1972, au terme du procès relaxant la jeune fille. Ce n'était qu'une étape à ses yeux et elle évoquait sa stratégie pour le procès suivant, celui de la mère de Marie-Claire et de ses complices. Son objectif était clairement de médiatiser l'affaire en faisant venir à la barre des sommités comme les professeurs Théodore Monod ou Jean Rostand, des politiques ou des femmes célèbres. Elle revenait sur sa volonté d'établir la liberté d'avorter et donc de procréer librement. Interrogée sur ses propres enfants (elle avait trois garçons), l'avocate affirmait avoir fait le choix de les avoir et de les assumer, mais confiait avoir également avorté à certaines périodes de sa vie lorsqu'elle avait senti qu'il ne lui était « pas possible d'assumer une naissance ». Donner naissance signifiait pour elle « assumer une vie, accompagner un enfant », sans cette liberté, restait la contrainte. Elle concluait : « il faut être capable de le faire, quand je n'ai pas été capable de le faire, j'ai avorté ».
À l'issue de ce procès, la jeune mineure avait été relaxée, sa mère faiblement condamnée. C'était un changement dans la jurisprudence traditionnelle des tribunaux français vis-à-vis de l'avortement qui donnait l'espoir à Gisèle Halimi que la loi finisse par évoluer.
Choisir de donner la vie, Maître Gisèle Halimi
1972 - 03:30 - vidéo
Le retentissement médiatique, sociétal et politique de ce procès a révélé le changement progressif des mentalités. Le 17 janvier 1975, la loi Veil, dépénalisant l'avortement, était promulguée, fruit du combat de la ministre de la Santé Simone Veil, et d'autres militantes de la cause féministe, dont Gisèle Halimi.