A l’automne 2021, le président biélorusse Alexandre Loukachenko avait provoqué une crise migratoire à sa frontière avec la Pologne. En réaction, Varsovie a décidé d’ériger un mur anti-migrants. Les travaux estimés à 353 millions d'euros doivent commencer cette fin janvier 2022. Cette décision a suscité de nombreuses protestations des habitants et une mise en garde des scientifiques, car ces travaux vont mettre en péril la forêt de Bialowieza. Dernière forêt primaire d’Europe, elle a été classée au patrimoine mondial de l'humanité par l’Unesco. Elle recèle en outre d’une biodiversité exceptionnelle. Elle abrite des loups, des lynx, mais surtout, la plus grande population de bisons d’Europe. Les chercheurs craignent pour la pérennité des troupeaux et le renouvellement génétique des espèces, séparées par un mur infranchissable. Le gouvernement polonais refuse de changer ses plans et les gardes-frontières ont assuré de leur côté que 22 passages seraient créés pour permettre la migration des animaux.
L’archive que nous vous proposons en tête d’article est un reportage diffusé dans le 13 h de F2, en décembre 2008. Il présentait cette forêt primaire unique abritant les derniers bisons sauvages d'Europe. Le directeur du centre de sauvegarde des bisons décrivait un troupeau d’une vingtaine d’individus en quête de nourriture sur les sols enneigés. Des images rares offraient le spectacle d'un groupe de femelles avec leurs jeunes. Mais le directeur soulignait que leur population d'environ 450 spécimens était fragile.
Des bisons déjà menacés par un mur
Les bisons avaient été décimés au 19e siècle, puis réintroduits en 1954, grâce à des animaux de captivité. La réintroduction avait été un succès, mais l’équilibre des effectifs étaient encore précaire. Le directeur précisait qu’il existait des risques de consanguinité et de maladies, car tous les bisons d’Europe ne descendaient que d’une douzaine d’individus seulement, il avertissait : « Si on ne fait pas attention, cela peut menacer toute la survie de l’espèce. »
Le parc possédait aussi un centre de reproduction destiné à gérer les lignées et assurer les brassages génétiques. Mais, à l'époque, le directeur déplorait déjà l’existence d’une « barrière infranchissable » érigée à la frontière biélorusse, et qui rendait encore plus compliqué ce brassage : « Elle est infranchissable pour les bisons. On a donc deux populations qui ne peuvent pas se mélanger, avec un appauvrissement génétique. Pour l’instant, il n’y a pas de solution. », déplorait-il.
Une biodiversité unique
Dans la suite du reportage, un guide dévoilait la forêt primaire, un chaos d’arbres géants, de branches mortes, de mousse de champignons, avec des espèces qu’on ne trouvait nulle part ailleurs en Europe. Il expliquait qu'elle avait « toujours été comme ça. Bialowieza a traversé le temps depuis la dernière glaciation il y a 10 000 ans », ajoutant que les rois et les tsars polonais en avaient fait des réserves de chasses réservées, ce qui avait contribué à la laisser intacte.
Mais désormais la forêt subissait l’influence de l’homme : pollution atmosphérique, pluies acides rendaient sa préservation de plus en plus difficile. Avec la construction du mur polonais anti-migrants, la situation pourrait encore s’aggraver et mener à l’extinction de nombreuses espèces, en plus des bisons, dans cette forêt millénaire.
Le parc national de Bialowieza
1950 - 02:10 - vidéo
Le parc national de Bialowieza en 1950, royaume du bison et déjà inscrit à l'inventaire du patrimoine mondial naturel de l'Unesco.
Pologne : la forêt primaire menacée
2018 - 02:34 - vidéo
2018. En Pologne, la forêt primaire de Bialowieza est menacée par le parti au pouvoir « Droit et Justice », qui autorise l'abattage d'arbres conifères séculaires, malgré l'interdiction décrétée le 27 juillet 2017 par la Cour de Justice Européenne.