Dans l'univers psychédélique, délirant et poétique d'Hubert-Félix Thiéfaine

L'ACTU.

Hubert-Félix Thiéfaine, 45 ans de carrière et 18 albums, entre dans la prestigieuse collection « Poésie » des éditions « Points » avec la sortie de son livre itinéraire d’un naufragé, qui regroupe l’intégralité des paroles de ses chansons. Cet ouvrage offre aux lecteurs une occasion de plonger dans son univers captivant et complexe. Cette anthologie de paroles est précédée d'un entretien exclusif d’une quinzaine de pages. Thiefaine est actuellement en tournée dans toute la France et passera notamment par l’Olympia à Paris le 17 mai 2024.

LE CHANTEUR.

Hubert-Félix Thiéfaine est un artiste à nul autre pareil, certains diraient hors du commun. L'artiste débarque dans la chanson française en 1978 avec la sortie d'un premier album intitulé Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s’émouvoir. Son amour des titres alambiqués est parfaitement illustré ici, ainsi que tous les ingrédients de son futur succès : l'esprit, la poésie, la dérision, une étrangeté mêlée de cocasserie, avec un zeste de folie.

Ses titres comme La Fille du coupeur de joints, Je t’en remets au vent ou La Cancoillotte, deviendront au fil des années des classiques de son répertoire. Lorsqu'il sort ce premier 33t, cet artiste au regard de clown triste et à la dégaine déjantée était déjà connu pour ses prestations scéniques funambulesques. En effet, son premier spectacle intitulé Comme un chien dans un cimetière, avait déjà surpris et créé des liens avec son public.

D’ailleurs, l'archive ci-dessous, extraite de l'émission « Mi fugue Mi raison » en 1979, montre à quel point il était déjà très apprécié des jeunes. Au micro de Patrice Laffont, il apparait timide, cheveux longs, avec une grosse moustache.

Poète dans l'âme, Hubert-Félix Thiéfaine n'a jamais caché son admiration pour Léo Ferré ou Bob Dylan. Rimbaud, Lautréamont ou Benjamin Péret font partie des références qui fourmillent dans ses textes (il utilise le procédé de l’intertextualité : allusion à des auteurs). Ces allusions subtiles, que les auditeurs avertis percevront, donnèrent naissance à des chansons étranges, souvent autobiographiques, mêlant provocation, dérision, ironie et humour décadent.

Cette écriture labyrinthique « thiéfainienne », très postmoderne, est parfaitement illustrée par l'archive présentée en tête d'article. C'est l'un de ses premiers succès, au titre ésotérique comme il les aime, La vierge au Dodge 51.

LA CHANSON.

Il s'agit de l'un de ses premiers passages télévisés identifiés dans nos fonds, extrait de l'émission «Mi fugue Mi raison ». Tous les ingrédients évoqués plus haut, le recours à l'absurde ou le comique, se bousculent dans cette chanson étonnante à l'ambiance surréaliste. L'ombre de Péret et de Lautréamont plane au détour d'un mot ou d'une phrase.

La vierge au Dodge 51 est extraite du 33t Autorisation de Délirer, le second album d'Hubert-Félix Thiéfaine et de son groupe Machin. Il est sorti en 1979. Il s'ouvre avec cet ovni musical psychédélique et délirant. C'est un titre relativement court qui débute comme une parodie, portée par l'accent franc-comtois de son Jura natal. Il est question d'amoureux poissard faisant l’amour « dans une baignoire remplie de choucroute garnie ». L'auditeur hésite entre une déclaration d'amour surréaliste ou une simple hallucination textuelle. Puis, la chanson se scinde en deux, désarçonnant l'oreille attentive lorsque la musique s'envole vers des sonorités plus rock.

Dérision assurée

Nous vous proposons ci-dessous une autre chanson extraite de cet album culte, il s'agit de Court métrage. Ici aussi, dérision assurée. La chanson est une ballade mollassonne comme dans un western américain ! « Je lui dis I love you, elle m’a répondu : mais moi j’t'emmerde… tout comme dans un film français ». Le chanteur apparait grimé, portant un chapeau de cow-boy. L'interprétation déjantée d'Hubert-Félix Thiéfaine et des acolytes de son groupe étonne avec l'ambiance rigide du plateau.

L'interview qui suit, extraite de l'émission « Samedi entre nous » du 28 février 1981, montre bien le choc des cultures. La journaliste, visiblement désarçonnée par son interlocuteur insaisissable, lui demande s’il lui arrive d’être sérieux. « Je suis un être extrêmement sérieux qui se pose beaucoup de questions sur le monde dans lequel il vit, sur la musique qu’il écoute… », lui répond-il, avant d'ironiser sur son succès naissant qui visiblement l'exaspère déjà. À noter aussi, le comportement de son guitariste, tout aussi déroutant...

«Rock autopsie»

Au début de cette interview, le chanteur évoque un autre titre, Rock Autopsie. Il se justifie : « Autopsie, ce n’est pas juste morbide, c’est une analyse aussi », avant d'ajouter qu'il écrit « vraiment n’importe quoi », et de livrer une interprétation très perchée, avec nez rouge et brosse à wc en guise de micro. Une scène d'anthologie à découvrir ci-dessous.