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Les attentats de la Toussaint rouge à l'origine du début de la guerre d'Algérie

Les attentats de la Toussaint rouge à l'origine du début de la guerre d'Algérie

Le 1er novembre 1954, une série d'attentats ensanglantaient l'Algérie. Connus sous le nom de «Toussaint rouge», ces événements marquèrent le début de la guerre entre la France et l'Algérie qui allait durer 8 ans.

Par Florence Dartois - Publié le 31.10.2024
Les événements d'Algérie - 1954 - 01:05 - vidéo
 

L'ANNIVERSAIRE.

Dans la nuit du 30 au 1er novembre 1954, une trentaine d'attentats sont perpétrés en Algérie, ensanglantant le pays. Rapidement revendiqués par le Front de libération nationale (FLN), ces événements plongent le pays dans une guerre d'indépendance qui ne porte pas encore ce nom. La « Toussaint rouge » ne sera considérée qu'a posteriori comme l'élément déclencheur d'un conflit qui durera huit ans et qui aboutira, avec les accords d’Évian signés le 18 mars 1962, à l'indépendance de l'Algérie.

Au moment des faits, les médias parlent d'attentats commis par des fellaghas. Les autorités françaises sont bien loin de penser qu'une guerre est en train de débuter. En France, l'expression « guerre d'Algérie » ne sera officiellement reconnue que par la loi du 16 octobre 1999. Entre 1954 et 1962, il ne sera jamais question du mot « guerre », mais d'« opérations de maintien de l'ordre ». Au contraire de l'Algérie, où les tenants de l'indépendance parleront dès 1954 de « guerre de libération nationale ».

L'archive présentée en tête d'article est l'une des premières à décrire les faits, images à l'appui. Ce reportage extrait des Actualités françaises a été diffusé la semaine qui suivit les attentats dans les cinémas de métropole.

L'ARCHIVE.

L'archive est intéressante par son ton dramatique, mais également rassurant. Elle débute par quelques images des dégâts provoqués par les explosions « en plusieurs endroits du territoire », sans plus de précision.

Au total, il y eut un nombre considérable d'attentats, près de soixante-dix disséminés sur une trentaine de zones du territoire algérien. Ces attentats, savamment orchestrés, visaient notamment à détruire des installations névralgiques, comme des casernes pour y récupérer des armes, des dépôts de carburant et même la radio. Ils firent huit morts parmi les civils, dont un instituteur français de 24 ans, Guy Monnerot.

Les victimes civiles ne sont pas évoquées tout de suite, il est d'abord question de trois soldats morts alors qu'ils montaient la garde. Les images montrent brièvement leurs obsèques à Batna. Puis viennent les images de l'évacuation de madame Monnerot et l'évocation de la mort de son époux. Il a été abattu dans l'attaque du bus reliant Biskra-Arris, dans les Aurès, principal foyer de l'insurrection. Dans cette attaque, le caïd Hadj Sadok, ancien lieutenant de l'armée française a également été abattu.

La suite du sujet présente les forces françaises déployées en nombre pour pourchasser les « hors-la-loi » : « Et la lutte s'organisait contre les hors-la-loi dont on peut imaginer les repères dans les Aurès ». L'arrivée des renforts dans le massif des Aurès est filmée.

On parle d'événement, mais pas de guerre

Le commentateur poursuit en précisant que les auteurs des attentats seraient des « fellaghas », des « agitateurs » et que les complots auraient été organisés par « certaines ligues musulmanes ». Ces propos semblent montrer que la situation est sous contrôle et que tout rentrera dans l’ordre avec les forces envoyées par la métropole pour mater la révolte. D'ailleurs, c'est la conclusion de ce reportage, « on peut croire que la calme sera vite rétabli ».

Effectivement, la réaction ne se fait pas attendre et le gouvernement de Pierre Mendès France, par la voix de François Mitterrand, son ministre de l'Intérieur, organise une répression anti-terroriste d'envergure dite de « remise en ordre intérieure ». Mais il n'est pas question de guerre, envoyé sur place le ministre de l'Intérieur se veut rassurant : « Nous éviterons tout ce qui pourrait apparaître comme un état de guerre, nous ne le voulons pas, mais nous châtierons de manière implacable » déclare-t-il dans l'archive ci-dessous. Il n'est pas non plus question du FLN qui a revendiqué les attentats, déroulant ses objectifs, avec, en premier lieu : l'indépendance d'un « État algérien, souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». Et ce, « par tous les moyens ».

JT de 20 heures du 1er décembre 1954. Debout devant des micros, François Mitterrand commente les événements de la Toussaint en Algérie, « une tentative d'insurrectionnelle manquée » et annonce les mesures de sécurité que le gouvernement à l'intention d'instaurer.
 

La naissance du Front de libération nationale

Dans cette même archive, l'historien Benjamin Stora, auteur du livre 1er novembre 1954 revient sur la nature des attentats, comme la naissance de la lutte armée, et non pas comme une insurrection de masse, « c'est une fracture fondamentale parce qu'une fraction importante des indépendantistes algériens décident de passer à la lutte armée ».

L'armée française est déployée en force. « À l'époque l'Algérie, c'est trois départements, avec 800 000 pieds-noirs et 8 millions d'Algériens appelés "indigènes", traités comme des citoyens de seconde zone ». Une situation qui a justifié la lutte armée pour Hocine Ait Ahmed, co-fondateur du FLN et président du FFS, également interrogé dans l'archive ci-dessous : « Il a fallu une guerre terrible, pour que l'opinion française et les autorités françaises se rendent compte que l'Algérie n'était pas la France. Les habitants de l'Algérie n'avaient jamais eu la citoyenneté française ».

Algérie : Toussaint Rouge
2004 - 02:55 - vidéo

Conséquence, c'est la guerre qui débute, avec l'envoi du contingent français sur place : 1 500 000 appelés vont se battre parfois plus de 30 mois. Cette guerre impopulaire provoque une crise politique majeure en métropole. La IVe République va être renversée, remplacée par la Ve République du général de Gaulle. Porté au pouvoir par les pro-Algérie française, il va donner son indépendance à l'Algérie le 5 juillet 1962. Par peur des représailles, près d'un million de pieds-noirs fuient l'Algérie. Des dizaines de milliers de harkis seront massacrés.

Ces « événements » auront marqué, de fait, l'amorce d'un conflit de 8 ans au lourd bilan humain, tant du côté du FLN (entre 140 000 et 150 000), que des soldats français (25 600), des civils, sans oublier les harkis (50 000).

Pour les enseignants et leurs élèves

Le site Lumni enseignement propose un parcours pédagogique sur les mémoires de la guerre d'Algérie. Ainsi qu'un éclairage sur l'historien Benjamin Stora.

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