C'était inédit, en décembre 2018, le maire écologiste de Grande-Synthe dans le Nord avait porté plainte contre l’État pour « inaction climatique ». Une démarche entreprise pour ne pas voir disparaître la nature dans sa ville ou, pire, la voir submergée par la montée de la mer. Car depuis 2001, année de sa première élection, l'élu s'est lancé un défi : le retour de la biodiversité à Grande-Synthe. Le montage d'archives présenté en tête d'article revient sur le combat commun de René et Mathieu Carême, maires successifs de la ville, dans ce montage INA-franceinfo.
Damien Carême déclarait en 2001 : « C’est notre patrimoine à nous cet environnement soigné, c’est pour ça qu’on veut le développer. » Un challenge audacieux pour cette ville du nord de la France encerclée depuis les années 60 par la sidérurgie et la pétrochimie, soit une quinzaine de sites industriels classés Seveso. Et pour loger les ouvriers des usines, les HLM poussaient aussi comme des champignons à Grande-Synthe.
En 1975, ce reportage pointait déjà les conséquences nocives ce cette surindustrialisation : « Les dunes ont disparu, le paysage est aujourd’hui marqué par la fumée. La ligne des hauts fourneaux d’Usinor, les citernes à pétrole, les parois d’acier et de béton des unités qui viennent s’implanter sur ce littoral autrefois calme et plat. »
Ce même journaliste poursuivait sa description des ravages environnementaux ainsi : « Des immeubles alignés où 6 500 familles vivent au rythme des trois-huit d’Usinor. Les familles s'efforcent de faire un bref passage dans cette grande et froide cité, où au départ tout a été conçu pour loger, mais pas pour vivre. »
La « révolution verte » lancée dès les années 70 à Grande-Synthe
À cette époque, c'est le père de Damien Carême qui était le maire de la ville. Sa volonté était déjà la même que celle de son fils, une révolution verte à Grande-Synthe. En 1972, René Carême avait même fait préempter ce qui deviendra le Puy-Touc, le poumon vert de la ville bordé par un lac de 30 ha. René Carême déclarait en 2011 que « la première chose que j’ai faite en étant maire moi, c’est d’acheter des terrains pour pouvoir planter ». Et le commentaire ajoutait : « Dans la ville elle-même, peu à peu, le fleurissement gagne du terrain... ».
La nature a bien repris ses droits dans la ville industrielle. La municipalité a banni les pesticides dans ses espaces verts, opté pour des parkings non goudronnés, introduit l'éco-pâturage et même construit des logements sociaux économes en énergie. Pour le maire, c'était avant tout une décision politique, des choix faits, « il y a 40 ans et qui ont continué depuis. C’est une image autre et un regard autre que les personnes extérieures à la ville portent sur Grande-Synthe », précisait-il.
Résultat, en 2010, Grande-Synthe est devenue capitale française de la biodiversité. Une fierté partagée aussi par les habitants de Grande-Synthe : « c’est tout le contraire des cheminées d’usine, ce sont les fleurs, la verdure, le calme, la propreté. »
En 2012, Damien Carême signait une charte internationale pour la biodiversité. Grande-Synthe est l'une des 20 villes du monde à l'avoir adopté au côté de Johannesburg, Sao Paulo et Barcelone.
Dans ses recommandations, le Haut Conseil pour le Climat a proposé des mesures très concrètes à mettre en place à court et moyen terme. « Pour les transports, on pourrait agir sur l'arrêt des ventes des véhicules thermiques », en l'avançant à 2030 au lieu de 2040, rapportait ainsi la journaliste Jihane Benzina. Concernant l'agriculture, l'exonération de la taxe sur le fioul pourrait être supprimée, l'usage d'engrais à base d'azote pourrait être limité, et de nouvelles pratiques agro-écologiques pourraient être envisagées. Enfin, il faudrait accélérer la sortie du chauffage au gaz ou au fioul pour l'habitat.