Tous les garçons et les filles, Le temps de l'amour (1962), Comment te dire adieu (1968), Message personnel (1973)..., Les chansons de Françoise Hardy dépeignaient souvent les relations amoureuses naissantes ou fantasmées, la difficulté à communiquer, l'impossibilité de prolonger l'amour, l'éloignement... Françoise Hardy a beaucoup écrit sur l'amour et lorsqu'elle l'a croisé, il prit les traits d'un dandy timide et distant, musicien, comme elle, et chanteur « à minettes », le séduisant Jacques Dutronc. Une relation qui débuta comme une passion folle pour se transformer au fil des soixante années qui suivirent en compagnonnage amoureux rythmé d'infidélités et de séparations.
Ni avec toi ni sans toi
« Alors, tu as déclaré au "Matin de Paris" que pendant les six premiers mois avec Dutronc, c'était formidable. Et puis, du jour au lendemain, tout a changé... Tu t'en souviens d'avoir dit ça ? » Ainsi débutait l'interview disponible en tête d'article, extraite de l'émission « Double-jeu » de juin 1992. Dans cet entretien, Françoise Hardy confiait à Thierry Ardisson l'étrange teneur de la relation qui l'unissait depuis une trentaine d'années à Jacques Dutronc. Lui, cynique, détaché et pas romantique et elle, « très amoureuse », un peu « midinette », aimant les chansons d'amour.
Devant l'insistance de l'animateur, elle reconnaissait à mi-mots avoir été « plus malheureuse qu'heureuse », tout en relativisant ses souffrances : « Mais je crois que de toute manière, dans toute relation forte, les moments de bonheur sont plus rares que le reste. C'est la vie, c'est comme ça. Je crois que le bonheur est plus rare que le reste. C'est pour ça qu'on court après. »
Cette souffrance fut sans doute l'inspiratrice de ses plus belles chansons et certainement le sel de son talent. L'artiste ne s'en cachait pas, leur vie commune n'avait jamais été calme ni sereine. Le couple vivait en étant proche, mais chacun chez soi, une situation qui représentait, selon elle, la meilleure solution pour éviter la promiscuité et le poids du quotidien. « Ça oui, ça émousse beaucoup les choses, mais justement, Jacques est quelqu'un qui sait tout à fait se rendre absent, même quand il est là. »
À l'époque, Françoise Hardy espérait qu'ils vieilliraient ensemble et confiait être toujours aussi jalouse, notamment lorsqu'il tournait avec de magnifiques actrices. Elle ne cachait pas non plus leur difficulté à communiquer, lui laissant des petits mots auxquels il répondait « très peu », mais l'excusant encore : « C'est pas qu'il soit dur, c'est que je crois, je peux dire ça, je pense qu'il a effectivement un problème de communication. »
La rencontre de deux stars des yéyés
Les deux artistes se sont rencontrés dans les années 60, en pleine époque yéyé, se croisant d'abord, sans vraiment se voir. Françoise, jeune artiste timide de 18 ans à peine, débute en 1962 dans le crochet télévisé animé par Mireille, « Le petit conservatoire ». Son talent explose très vite, notamment grâce à Tous les garçons et les filles qui devient immédiatement un tube. Dans les années 60, la jeune chanteuse devient l'idole des jeunes et l'artiste incontournable dans le paysage musical français et international. Elle est adulée par des stars de la pop comme Mike Jagger ou Bob Dylan qui tombe fou amoureux d'elle.
À la même époque, Jacques Dutronc commence, lui aussi, à se faire remarquer, surtout après le succès de Et moi, et moi et moi. Également compositeur, il est mis en contact avec la chanteuse qui souhaite interpréter l'un de ses titres : Le temps de l'amour. Un titre prémonitoire.
Jacques DUTRONC sur sa rencontre avec Françoise HARDY
1993 - 01:23 - vidéo
Jacques Dutronc raconte comment il a rencontré Françoise Hardy qui voulait absolument chanter l'une de ses chansons. « Le temps de l'amour, de l'aventure et des copains... Si elle avait su la pauvre... »
Lors de cette première rencontre, le cœur de Françoise Hardy ne s'emballe pas pour Jacques. En effet, en 2016, elle racontait au Parisien que lorsqu’elle l'avait croisé pour la première fois dans les locaux de leur maison de disques commune, elle ne l'avait pas trouvé beau : « J’ai aperçu un garçon affreux, qui avait des lunettes avec des verres de myope très épais et qui, en plus, était plein de boutons. Donc, j’ai à peine fait attention à lui ! »
L'allure banale du jeune homme n'avait sans doute rien à voir avec l’icône de mode qu'elle était déjà. En effet, sa silhouette filiforme, son style inimitable faisait déjà de Françoise Hardy une égérie des couturiers tels Courrèges ou Paco Rabanne, et surtout Yves Saint-Laurent. Photographiée par son compagnon de l'époque, Jean-Marie Périer, elle apparaissait sur toutes les couvertures des revues.
La naissance de Thomas
C'est trois ans plus tard, alors que Jacques avait accepté de l'accompagner en tournée, comme musicien, que la chanteuse a changé d'avis à son sujet. En 1967, Françoise Hardy quittait Jean-Marie Périer, tandis que Jacques Dutronc rompait ses fiançailles. Si les premiers mois furent passionnés, les années suivantes furent marquées par de nombreuses séparations, notamment à cause de leur carrière respective. Puis vint la naissance de leur fils Thomas en 1973. Preuve de leur notoriété, les jeunes parents présentaient le bébé en direct à la maternité. Si la jeune maman paraissait épanouie, Jacques, lui, semblait plus stressé par cette arrivée et espérait que cette naissance ne changerait pas son mode de vie bohème.
Jacques Dutronc et Françoise Hardy présentent leur fils
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« Cela change tout de même beaucoup de choses, je serai obligé d'aller fumer le cigare ailleurs... On ne va pas tout transformer pour lui. C'est à lui à s'habituer à notre vie... »
Infidélités et écarts
Leur histoire d'amour fut assombrie par les incartades du séducteur. Parmi les liaisons du chanteur, il y eu celle avec Romy Schneider, rencontrée sur le tournage de L’important, c'est d’aimer d'Andrezj Zulawski. Deux ans après la naissance de Thomas, Jacques Dutronc vécut une courte idylle secrète avec elle.
Ces infidélités se répéteront, mais ne feront jamais exploser le couple Hardy-Dutronc. En 2004, dans « Tout le monde en parle », Thierry Ardisson recevait la chanteuse à l'occasion de la sortie de son nouveau disque. Dans l'un des titres, intitulé, Sur quel volcan, il était question du thème de l'infidélité. Françoise Hardy expliquait qu'elle n'avait pas, elle, était infidèle, mais que les relations clandestines la fascinaient. Elle citait l'exemple d'un film qui avait inspiré cette chanson... celui de Zulawski évoqué plus haut. Comment ne pas faire le rapprochement avec sa propre histoire.
Françoise Hardy sur sa relation avec Jacques Dutronc
2004 - 04:07 - vidéo
« Jacques m'a dressé à la solitude… finalement, j'y ai pris goût (...) avec les années, on passe de la passion à une amitié très particulière ».
Un mariage, une séparation, mais pas de divorce
Le couple décida de se marier en 1981, après 14 ans de vie « commune », une union célébrée entre deux âmes libres et sceptiques du mariage. Pas de robe blanche ni de grande cérémonie, mais un mariage discret, loin des flashs.
En 1989, dans « Télématin », avec Thierry Beccaro, Françoise Hardy revenait sur ce mariage qu'elle avait toujours considéré comme une formalité. Elle racontait l'origine de ce choix : « On s'est mariés la veille d'un premier avril », plaisantait-elle en éclatant de rire. Elle s'en expliquait : « Je ne sais pas si je devrais parler de ces choses-là, mais à l'époque, j'avais un petit problème de santé et comme je suis d'un tempérament hyper-anxieux, hypocondriaque, je me voyais déjà au paradis ou en enfer. Donc, j'avais été consulter un avocat pour savoir ce qui se passerait s'il m'arrivait quelque-chose. Et il en a résulté que s'il m'arrivait quelque-chose, tout le monde avait intérêt à ce que Jacques et moi soyons mariés. C'est pour ça qu'on s'est mariés. Tout bêtement ! »
Françoise HARDY sur sa carrière et la période "yéyé"
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« Ce n'est pas ça qui va vous obliger à rester avec quelqu'un plus ou moins ».
Finalement, les amoureux, plus amis qu'amants, se séparèrent de corps en 1988 : Françoise Hardy choisit de rester vivre à Paris, alors que Jacques Dutronc s'établissait en Corse. Dix ans plus tard, il rencontra Sylvie Duval, maquilleuse sur le tournage de Van Gogh. Malgré cette nouvelle relation, il ne fut pas question de divorce. Et les compagnons d'une vie officialisèrent leur séparation en enregistrant ensemble une chanson au titre évocateur : Puisque vous partez en voyage. Une reprise d'un succès des années 1930 de Mireille et Jean Sablon qui allait sceller leur complicité.
Finalement, c'est dans la maladie que le couple s'est retrouvé et que la communication s'est vraiment établie. En 2023, dans une interview accordée à Paris-Match, la chanteuse avait expliqué que celui qui restait son mari lui écrivait chaque jour : « Et il m’a fait quelques déclarations très émouvantes. Dommage qu’il n’ait pas été un peu plus démonstratif durant les vingt années, plus éprouvantes pour moi que pour lui, que nous avons vécues ensemble. »
Jacques Dutronc fut son plus grand et son plus douloureux amour. Un amour fou qu'elle décrivait si bien en 1997, sans pouvoir véritablement l'expliquer. Dans cette dernière archive, il est question d'amour, d'attirance physique, de dépendance et d'amour absolu.
Françoise HARDY sur l'amour
1997 - 02:15 - vidéo
« Quand je l'ai rencontré [l'amour] il s'est trouvé que j'ai compris que je ne pouvais le vivre que de manière assez folle... de manière un peu trop inconditionnelle, absolue (...) c'est être entièrement dépendre de sa présence, son absence... »
Françoise Hardy : sa vie, Dutronc et bien plus chez Mireille Dumas
En 2008, Mireille Dumas recevait Françoise Hardy dans « Vie Privée Vie Publique » titré « Le couple : amour et trahison » pour évoquer sa vie et sa relation avec Jacques Dutronc. Tout au long de l'entretien, l'artiste évoquait sa relation avec Jacques Dutronc qui durait depuis près de 40 ans : les premières années, le mariage, la naissance de leur fils, l'usure de la vie de couple, la complexité de leur relation la personnalité de Jacques Dutronc, leur mode de vie d'alors, son enfance difficile, l'absence du père, la personnalité de sa mère, les troubles psychiatriques dont souffraient sa sœur, l'éducation qu'elle a reçu, l'enseignement de la vie, du couple et de la relation à l'autre. Enfin, elle donnait son sentiment sur la passion, le désir amoureux et le recul qu'elle avait sur la vie et la passion amoureuse.