L'ACTU.
Aujourd'hui, lorsque l'on évoque fort Boyard, difficile de ne pas penser au Père Fouras, à Passe-Partout ou à Passe-Muraille, personnages emblématiques du jeu télévisé « Fort Boyard ». Depuis 1990, ce divertissement français fait chaque année les belles heures estivales de France 2. C'est dans cet écrin de pierres du XIXe siècle que se déroulent les épreuves physiques, intellectuelles ou d'adresse dans lesquelles s'opposent deux équipes de candidats. Mais le fort, dont la construction débuta en 1801 pour s'achever en 1866, est désormais en péril. A tel point qu’il « est aujourd’hui menacé de destruction », selon Sylvie Marcilly, présidente du département de la Charente-Maritime.
Malmené par les éléments, le fort a perdu deux éléments qui le protégeaient de la houle : son éperon et le havre d’accostage. Faute de ces protections, l'ancienne citadelle est régulièrement envahie par les eaux qu'il faut évacuer et qui menacent à moyen terme de détruire l'édifice. La Charente-Maritime qui est propriétaire du fort a donc décidé d'engager un grand chantier de rénovation avec un budget de 44 millions d’euros. Le chantier devrait démarrer en 2025 et redonner au fort, classé au titre des monuments historiques, son aspect originel. Reste la question du financement. Le département demandera des subventions auprès de l’Union européenne, de l’État et de la région Nouvelle-Aquitaine et devrait également faire appel au mécénat et aux dons. La fin des travaux est prévue pour fin 2027 ou début 2028, date à laquelle le public pourra découvrir les lieux lors de visites guidées payantes.
UN PEU D'HISTOIRE.
Ce n'est pas la première fois que le fort Boyard est menacé et bénéficie d'une rénovation. Il avait été rénové entre 1989 et 1990 pour servir de décor au jeu imaginé par Jacques Antoine : « Fort Boyard ». Mais avant de renaître sur le petit écran, la citadelle défensive avait connu un bien étrange destin. Situé à quelques encablures de l'île d'Aix et l'île d'Oléron, le bâtiment a été construit sur ce qu'on appelle la « longe de Boyard », une langue de sable qui se dévoile à marée basse. Si l'idée de construire le fort est née au XVIIe siècle (sous Louis XIV et Vauban), le projet n'a débuté qu'au début du XIXe siècle sous Bonaparte (en 1803) et s'est achevé en 1866 sous Napoléon III.
Au départ, le fort devait protéger le grand arsenal de Rochefort et l'embouchure de la Charente des assauts de la Marine anglaise. Finalement, la construction s'acheva en temps de paix et le fort ne reçut jamais son artillerie, les techniques de guerre ayant évolué, le bastion ne fut jamais utilisé à titre défensif. Après son achèvement, il connut plusieurs usages et devint d'abord un dépôt de torpilles, puis une prison, avant d'être abandonné après la Première Guerre mondiale. À l'abandon, le fort Boyard n'accueillit bientôt plus que des oiseaux marins porteurs de graines responsables de l'apparition d'une végétation dense et délétère pour les joints des pierres. Finalement, le ministère des Armées décida de le remettre aux Domaines le 4 octobre 1961.
Surnommé par la population « le fort de l'inutile », il allait retrouver un nouveau propriétaire en 1962, lorsqu'il fut vendu aux enchères pour 28 000 nouveaux francs (environ 48 000 euros) à André Aerts, hôtelier à Courchevel. En 1966, la « citadelle à la fois majestueuse et sinistre », après un siècle de « vents de tempêtes et de marées », faisait grise mine comme le montre l'archive ci-dessous. Elle montre à quoi ressemblait le fort s'étendant sur 70 mètres de long pour 40 mètres de large. Cette archive rappelle l'histoire du fort.
Boyardville
1966 - 02:46 - vidéo
« Son histoire ne compte aucune bataille, car à peine terminé, fort Boyard devint inutile (...) tel est fort Boyard : inutile et solitaire qui jamais ne connut de grondements guerriers »...
LES ARCHIVES.
Le fort Boyard doit sa renaissance à la télévision. En effet, faute de moyens pour le restaurer, le propriétaire le vendit finalement en 1988 pour 1,5 million de francs (environ 426 000 euros) à la société de production de jeux télévisés de Jacques Antoine, (producteur entre autre de jeux comme « Les Jeux de 20 heures » ou « La chasse au trésor »). La société de production le revendit aussitôt au conseil général de la Charente-Maritime pour un franc symbolique. Charge au département d'effectuer les travaux de réhabilitation et d'assurer l'exclusivité de l'exploitation du lieu à JAC (Jacques Antoine et Cie). Grâce à cette transaction et au flair de Jacques Antoine, le monument délabré allait connaître un sort imprévu en devenant le lieu de tournage d'une émission télévisée qui porterait son nom.
L'archive en tête d'article revient sur ce projet. À l'époque l'émission devait s'appeler « Les clés de fort Boyard » (ce sera le titre de la premire saison). À l'issue des travaux et de la première saison du jeu, le fort devait être rétrocédé à la région. Une bonne opération pour les deux parties.
Un « lifting » express
Des travaux débutèrent en juillet 1989. L'archive ci-dessous montre le chantier. Trente ouvriers travaillaient à nettoyer et électrifier ce « gigantesque vaisseau de pierre ». En déplacement sur le site, Jacques Antoine expliquait ce qu'il avait souhaité faire avec cette opération inédite et décrivait sa conception assez visionnaire de son jeu télévisé : « Je souhaitais faire quelque chose d'international, et pour cela, il faut faire des images universelles. » De fait, cette tour perdue au milieu de l'océan était une image forte et marquante dont tout le monde pourrait comprendre le sens. Ce jeu, pas encore tourné, était déjà vendu à l'étranger !
Aire de jeu télévisé a fort boyard
1989 - 01:46 - vidéo
En septembre 1989, deux mois après le début de la rénovation, le fort avait déjà belle allure. Jean Harel, le premier vice-président du Conseil général de Charente-Maritime, entraînait les caméras en bateau autour de l'édifice. Ce reportage donne aussi un bon aperçu de l'avancée du chantier.
Découverte : Fort Boyard
1989 - 04:06 - vidéo
Le fort devient un décor de jeu télévisé
En juin 1990, à trois semaines du tournage, le gros oeuvre était terminé et les caméras pénétraient dans les emprises du fort avec l'équipe de production. Le JT Midi Poitou-Charentes conviaient les télespectateurs à une visite du décor. Le père Fouras, maître des clés, était déjà là, veillant sur les différentes cellules où se dérouleraient les épreuves de ce jeu télévisé mi-jeu de piste mi-jeu de rôle. Les célèbres tigres « gardiens du trésor » étaient en place, eux-aussi (ils ont été retirés du jeu depuis). Les « féroces » félins étaient les seuls à ne pas retourner à terre le soir. Patrice Laffont, qui fut le premier animateur du jeu, découvrait lui aussi le décor, visiblement impressionné par les moyens qui avaient été mis en oeuvre pour permettre à ce jeu 100% français d'exister. Les retombées directes étaient estimées à 14 millions de francs (environ 37 000 euros) dont 9 millions pour les entreprises locales. Une belle renaissance et une revanche pour le « fort inutile ».
Visite du Fort Boyard avant le tournage du jeu télévisé
1990 - 02:07 - vidéo
Fort Boyard
2024 - 02:48 - vidéo