Okapi, le magazine des 10-15 ans, fête ses 50 ans. Le premier numéro est sorti début octobre 1971. A l'époque, il était vendu 2,50 francs, il coûte aujourd'hui 5,20 euros. Le premier numéro proposait un reportage sur les écureuils, les hommes préhistoriques et publiait une BD sur la vie d'une classe au collège. Pour ses 50 ans, le bimensuel revient sur les grands événements des cinquante dernières années, comme la chute du mur de Berlin. Il met également en exergue des objets qui ont changé notre quotidien, tels le TGV inauguré en 1981, le web en 1989, l'euro en 2002, ou l'IPhone en 2007.
Dans une interview accordée à l'AFP, François Blaise, le rédacteur en chef du magazine, précise que "le principal changement par rapport aux premiers numéros, c'est notre présence bien plus forte sur les sujets d’actualité. Nous attachons une importance toute particulière à l'éducation aux médias pour cette génération qui avance vers l'âge adulte. C'est notre job de les accompagner dans le monde des grands", souligne-t-il.
En 1976, le magazine catholique, édité par Bayard, était déjà dans une démarche d'accompagnement vers l'âge adulte, en particulier dans le domaine de la sexualité, à une époque où les parents informaient peu leurs enfants sur cette question. En mars 1976, le magazine provoquait un scandale en publiant un dossier informatif sur la vie sexuelle intitulé "Mon corps vivant". Quelques semaines plus tard, le magazine télévisé "Vendredi" dont le thème était : "sexualité : de quoi avons-nous peur ?" organisait une discussion entre des parents et le rédacteur en chef du journal.
"Ces choses-là"
L'archive en tête d'article nous emmène donc à Arras, fin avril 1976, dans une salle de classe où des parents aux convictions variées expriment leurs sentiments ambivalents face à cette publication inhabituelle où "l'on parle du corps, de la sensualité, de la sexualité". Denys Prache engage le dialogue sur l'éducation sexuelle des enfants avec ces parents visiblement désemparés et gênés, surtout les pères particulièrement silencieux. Le journaliste leur demande d'abord si parmi eux quelqu'un a été choqué que ce sujet soit proposé à des enfants. La mère d'un enfant de 9 ans, bien que séduite par la forme, exprime d'emblée sa réticence à présenter cet ouvrage à son propre enfant : "On parle de spermatozoïdes, des mots compliqués pour un enfant de cet âge-là". Une autre maman estime que c'est aussi trop tôt pour son fils de 11 ans, elle poursuit: "Ce sera suffisant de lui dire tout ça à 14 ans". Tout le monde n'est pas de cet avis, une autre femme souligne que les enfants sont en contact avec "ces choses-là", notamment par des affiches de cinéma. Elle est affirmative : "Il faut que les enfants soient au courant de la vie sexuelle et comment naissent les enfants. De toute façon, s'ils ne l'apprennent pas par vous, ils l'apprendront de travers. J'estime qu'il est préférable qu'ils l'apprennent de cette façon-là".
La majorité des parents présents semblent avant tout gênés d'aborder le thème de la sexualité avec leur pré-ados, sans doute "une question d'éducation" suggère une maman ouverte au dialogue. Ou plutôt de manque d'éducation. Denys Prache leur demande pourquoi certains d'entre-eux semblent si inquiets que l'on commence trop tôt une éducation sexuelle. Une réponse étonne : "Ils risquent d'être attirés plus tôt par le mal. Avant, ils ne pensaient pas à tout ça à cet âge-là", regrette la maman choquée. Lorsque Denys Prache rebondit sur le mot "mal" prononcé plus tôt et demande pourquoi une éducation sexuelle serait mauvaise ? Personne ne répond.
Tabous des parents
La conversation se poursuit ensuite sur la manière d'expliquer l'érection d'un chien à un enfant de 5 ans… Pour la première fois un père s'exprime. Lui a été éduqué en milieu rural et raconte qu'il ne faisait pas le lien entre les humains et des animaux lorsqu'il avait cet âge mais qu'il expliquerait "à son fils" : "Il faut que ça se fasse pour faire des petits chiens…". Quoi qu'il en soit, la plupart des parents éludent la question et même si l'une des mamans les plus ouvertes sur la question conseille d'être "franc et libre le plus tôt possible avec les enfants", les autres thèmes abordés ensuite tels la nudité, la masturbation enfantine, vont surtout mettre en évidence les propres tabous des parents autour du sexe. Des adultes auxquels on n'a jamais parlé de sexualité, ni d'éducation sexuelle et qui se retrouvent bien démunis pour aborder sereinement l'éducation sexuelle de leurs propres enfants alors qu'ils appréhendent à peine la leur.
Okapi, c'est toujours 673.000 lecteurs. Le bimensuel dispose d'un site, d'un blog, d'une chaîne Youtube et il est présent sur Facebook, Instagram et Twitter ou Zoom. Dans les années 1970, quand les réseaux sociaux n'existaient pas, il se vendait autour de 150.000 exemplaires. En 2020, il s'est vendu à 48.415 exemplaires, principalement sur abonnement, loin devant Géo Ado, également propriété de Bayard (24.069) et Le Monde des Ados (groupe Fleurus), selon les chiffres de l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM).
La sexualité vue par des élèves
1976 - 01:43 - vidéo
Quelques jours plus tard, en classe, les enfant commentent Mon corps vivant édité par le journal Okapi. Ils semblent beaucoup plus détendus que leurs parents. La leçon d jour est "Comment fait-on un bébé" ?