La raison d'être de la Fédération arabe est en réalité défensive. Elle vise à contrecarrer la menace que fait alors peser l'Egypte du colonel Nasser qui vient quelques jours plus tôt de créer avec la Syrie une fédération analogue, appelée République arabe unie. Cette union égypto-syrienne se veut être la représentante du nationalisme panarabe dont Nasser s'affiche comme le champion. Pendant quelques mois, ce sont deux options géopolitiques qui se font face dans le Moyen Orient.
La République arabe unie est ouvertement anti-occidentale. Deux ans auparavant, en 1956, l'expédition de Suez a opposé justement les Franco-Britanniques alliés des Israéliens aux Egyptiens.
Dans le contexte global de guerre froide et de fin des empires coloniaux dans la région, l'Egypte, et avec elle la Syrie, ne supportent plus la prééminence occidentale et choisissent le non-alignement, une politique qu'ils veulent aussi bien indépendante vis-à-vis des Etats-Unis et de leurs alliés que de l'URSS.
La Jordanie et l'Irak des jeunes rois hachémites, tout au contraire, sont liés à l'Occident, même si ces deux pays, et notamment la Jordanie, tentent de se dégager de leur tutelle. De par sa récente présence coloniale dans la région, le Royaume-Uni signe en 1955 avec l'Irak, l'Iran, le Pakistan, mais également la Turquie, le Pacte de Bagdad.
Photo AFP du jeune roi Hussein qui salue, le jour de ses 18 ans, soit le 9 mai 1953, pendant l'exécution de l'hymne national de Jordanie, après avoir prêté serment sur la Constitution au parlement d'Amman
Il s'agit d'une alliance militaire agissant comme un "cordon sanitaire" dans une région s'étirant du Moyen Orient au sous-continent indien pour canaliser l'expansion géopolitique de l'URSS et du communisme.
Si les idéologies ont changé depuis le 19e siècle, cette alliance de pays de la région avec la Grande-Bretagne est en réalité la continuation d'une vieille politique britannique qui vise à endiguer la politique russe vers les "mers du sud", appelée le "grand jeu".
Le roi de Jordanie, Hussein, et le roi d'Irak, Fayçal, ont conscience qu'ils tiennent leur pouvoir des intérêts occidentaux. Mais vis-à-vis de leur population, leur autorité est de plus en plus contestée, surtout en Irak, où les militaires vivent mal cet assujettissement aux Britanniques dans le contexte du nationalisme arabe.
L'option choisie par les jeunes monarques hachémites se heurte à la réalité du moment. Elle prend rapidement fin lorsque des militaires irakiens sous les ordres d'Abdul Karim Qasim s'emparent du pouvoir en exécutant le roi Fayçal et la famille royale.
Avec ce coup d'état opéré par des sympathisants marxistes, l'Irak se rapproche de l'URSS et la Fédération arabe d'Irak et de Jordanie prend de facto fin, laissant la Jordanie du roi Hussein seule.
Le roi Hussein parvient cependant malgré tous les périls qui touchent la région à maintenir son pouvoir et l'unité de son petit pays. Hussein meurt le 7 février 1999, et c'est son fils Abdallah II qui règne toujours sur le royaume hachémite de Jordanie.