Le 2 décembre 1960, après plus d'un an d'absence pour raisons de santé, Edith Piaf s'apprête à remonter sur la scène de l'Olympia.. La veille, elle reçoit l'équipe du magazine Cinq colonnes à la une et leur fait la primeur de ce tout nouveau titre. Sur la scène du music-hall, avec orchestre, la chanteuse interprète, Non, je ne regrette rien, un titre très personnel.
Edith Piaf sur la scène de l'Olympia pendant l'enregistrement de Cinq colonnes à la Une
Deux ans plus tard, le 1er juin 1962, pour la même émission, de plus en plus affaiblie, l'artiste reçoit Pierre Desgraupes. Ensemble, ils évoquent sa vision de la vie.
"Je n'ai jamais été déçue."
Edith Piaf explique qu'elle tire son courage de la foi "la foi en tout", sa foi en la vie, "Je crois, tout simplement. Je crois que les choses arrivent si on les désire. Je crois qu'on peut sortir de n'importe quelle mauvaise situation". Elle confie que même malade, elle reprend toujours le dessus, "c'est pas possible ! Je m'en sortirai"!
A la vieillesse, elle ne pense pas. Quant à la mort, elle ne lui fait pas peur "j'y ai pensé et je l'ai accepté."
Pierre Desgraupes souligne que sa chanson, Non, je ne regrette rien, bien qu'écrite par Charles Dumont, lui correspond en tout point. Elle confirme, "c'est vrai, je ne regrette rien" et qu'elle revivrait exactement la même vie.
Ils évoquent ensuite l'amour, au cœur de son répertoire. "Qu'est-ce que vous avez attendu de l'amour ?", lui demande-t-il. "Ce qu'il m'a donné… le merveilleux, le triste, le tragique, l'extraordinaire. Je n'ai jamais été déçue.". Après l'amour, elle imagine qu'"il y aura toujours quelque chose".
Pierre Desgraupes l'interroge ensuite sur sa capacité à dénicher et à lancer des talents [Charles Aznavour, Yves Montand ou encore Georges Moustaki lui doivent leurs débuts], "des hommes surtout", précide-t-il.
Edith Piaf approuve d'un sourire, "Je devine à travers les êtres. Je crois que j'ai ce sens de double vue, même si personne ne le voit, moi je sais que deux ans après, je vois le personnage tel qu'il sera". Découvrir quelqu'un ou découvrir une chanson, "c'est la même chose, tout cela se retrouve".
Pour conclure l'entretien, elle évoque sa nouvelle trouvaille justement [qu'elle épousera en octobre 1962], un jeune homme qui deux mois avant ne chantait pas, Théo Sarapo. "Il était venu pour travailler comme secrétaire", elle plaisante, "là, il n'était pas doué, je l'ai vu tout de suite… non seulement, il a dépassé mes espoirs mais il a été d'une rapidité folle".
Théo Sarapo sera son dernier amour et la dernière vedette qu'elle lancera. Ensemble ils chanteront en duo une chanson de Michel Emer, A quoi ça sert l'amour ?
L'éternelle question à laquelle l'artiste aura tenté de répondre toute sa vie. Non, je ne regrette rien fait partie des chansons les plus connues de la chanteuse dans le monde. Edith Piaf s'est éteinte le 10 octobre 1963.