La Première ministre, Elisabeth Borne, a présenté mercredi 14 septembre 2022, le plan du gouvernement pour l'hiver. Face à la flambée des prix de l'énergie, elle a réaffirmé le maintien du bouclier tarifaire mis en place pour contenir la hausse des tarifs. Ce bouclier devrait permettre de limiter à 15% la hausse des tarifs du gaz en janvier et de l'électricité en février. D'autres mesures comme des chèques énergies exceptionnels de 100 à 200 euros seront versés d'ici la fin de l'année aux 12 millions de foyers les plus modestes.
L'augmentation du coût de l'énergie était une donnée anticipée depuis plusieurs années, avec l'ouverture du marché européen à la concurrence. En France, il avait fait la une des médias dès 2011. Le 23 mars, quelques jours après l'accident de la centrale de Fukushima au Japon, le journal Les Echos avait fait sensation en annonçant qu’EDF envisageait de demander à son actionnaire principal, l'Etat, d'augmenter d’ici 2016 le prix de l’électricité de 30%, à une cadence de 5% par an. L'entreprise anticipait en cela l'ouverture à la concurrence prévue pour 2016, et dans un contexte anxiogène, la nécessité d'investir dans les années suivantes plusieurs milliards pour entretenir son parc nucléaire vieillissant et développer les énergies renouvelables. A l’époque, cette nouvelle avait fait l’effet d’une bombe médiatique. La perspective d’une telle augmentation du coût de l’énergie semblant alors totalement incongrue. Le jour de l'annonce, les journaux télévisés avaient largement relayé ce sentiment partagé par les associations de consommateurs et une partie de la classe politique.
L’archive en tête d’article, extraite du 12-13 de F3, montre bien la stupéfaction provoquée par cette demande de l’énergéticien historique français. En lancement de son sujet, Samuel Etienne utilisait d’ailleurs une formule qui soulignait le caractère irréaliste de la nouvelle : « Imaginez ! Votre facture d’électricité qui augmenterait de 30% d’ici cinq ans. Ce n’est pas de la fiction, c’est ce que réclame EDF ».
Une augmentation inconcevable mais inévitable
La suite de cette séquence expliquait pourquoi, après l’envolée du prix du gaz déjà effective, EDF envisageait d'augmenter le kWh. Cette initiative faisait suite à la réforme du marché de l’électricité prévue pour 2016, avec l'adoption d'une nouvelle loi, la loi NOME (votée par le parlement en décembre 2010 et validée par le décret du 28 avril 2011) et la mise en place de l'ARENH (l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique ), censé favoriser la concurrence. Un système qui obligeait EDF à vendre jusqu’à 25% de sa production électrique nucléaire à ses concurrents à un prix de vente inférieur à celui pratiqué sur le marché, entraînant fatalement une augmentation des prix de production.
A l’époque, du côté de l’opposition, certains députés mettaient en garde contre l’impact délétère de cette loi pour EDF, à l’instar du député PS de l’Isère, François Brottes qui déclarait que l’ARENH permettait aux nouveaux opérateurs de se fournir de l’énergie nucléaire « pas chère » pour qu’ils « puissent faire du profit et gagner leur vie sur le dos du consommateur en leur revendant ce que l’on appelait la rente nucléaire ».
De fait, en perdant 25% de sa production, EDF devrait désormais acheter de l’électricité sur le marché, mais au prix fort, en période de tension. C’est ce surcoût que l’entreprise publique voulait répercuter à ses clients en augmentant le prix du kWh de 31 à 42 euros en 2016. C'est ce qu'expliquait le sujet présenté ci-dessous, diffusé le lendemain, le 24 mars 2011, dans le journal de 13h00 d’Elise Lucet. Un scénario jugé « insupportable » par l’opposition et fermement démenti devant l’Assemblée par le ministre de l’Energie, Eric besson, qui n’annonçait qu’une « légère augmentation » à venir.
Hausse du prix de l'électricité
2011 - 02:00 - vidéo
À propos de l'ARENH
Ce mécanisme mis en place en 2011 et évoqué dans les archives, est l'un des facteurs à l'origine de l'augmentation du prix de l'électricité, comme EDF l'anticipait en 2011.
L'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) a été créé par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) et par le décret d'application n° 2011-466 du 28 avril 2011, désormais codifié aux articles R. La loi prévoyait que les volumes d’ARENH souscrits par les fournisseurs alternatifs ne pourraient excéder 100 TWh sur une année, soit environ 25 % de la production du parc nucléaire historique. En janvier 2022, le gouvernement a publié un nouveau texte augmentant à 120 TWh le quota d'électricité qu'EDF devrait céder à prix réduit ( 46,2 euros/MWh) à ses concurrents. Cette augmentation du quota a rendu la production d'EDF insuffisante pour satisfaire ses propres clients. Elle a dû acheter 20 TWh sur le marché, où le prix s'élevait alors à 290 euros/MWh (soit un manque à gagner de près de huit milliards d'euros que l'Etat a annoncé compenser). Une situation dénoncée auprès du Conseil d'Etat par EDF, tant du côté des syndicats que du PDG lui-même, Jean-Bernard Lévy.