L'appauvrissement des sols constituent un danger pour les vignobles, comme pour le reste des productions agricoles. Les terres épuisées par l'agriculture intensive sont très pauvres en microbes, micro-organismes, animaux, éléments nutritifs de la terre. Certains vignerons font appel à deux agronomes pas comme les autres, Lydia et Claude Bourguignon. Découvrons leur démarche. En 1991, le secrétaire d'Etat Brice Lalonde inaugurait à Marey-sur-Tille un laboratoire d'analyse microbiologique des sols. Le LAMS (laboratoire d'analyses de sols en place) créé en 1990 est dirigé par d'anciens chercheurs de l'INRA, Claude et Lydia Bourguignon, ce laboratoire leur permettait de conseiller les agriculteurs sur l'état de leur sol.
"Un sol en bon état contient jusqu'à dix milliards de microbes par gramme…"
A l'origine de leur démarche il s'agissait d'étudier des échantillons de sols cultivés par les agriculteurs, afin de poser un diagnostic et de proposer un traitement de fond sans engrais, à base d'éléments restructurants comme le compost.
Claude Bourguignon, ingénieur agronome spécialisé dans la microbiologie des sols, expliquait alors : "C'est en étudiant sur le plan physique, chimique et biologique qu'on peut conseiller l'agriculteur sur la façon d'entretenir son sol…. Un sol en bon état contient jusqu'à dix milliards de microbes par gramme…80% de la biomasse vivante est dans le sol mais évidemment on ne la voit pas, elle est microscopique, donc les agriculteurs ne font pas attention. Ils sont en train de massacrer leur microflore enn' entretenant plus leur sol." Pour lui, "le salut de la terre dépend des microbes et des petites bêtes, alors que l'agronomie classique les délaisse et en somme les enterre".
En 1995, ce reportage de F3 Bourgogne nous entraîne sur les pas de nos deux scientifiques du LAMS dans les vignobles bourguignons. Ils étudient le terroir à la loupe car pour eux, le sol à une influence sur le goût du vin. La caméra les suit lors d'une expertise dans les vignes de Pascal Marchand, viticulteur à Pommard : "Chez le même vigneron, quand vous avez le même cépage et qu'il est planté sur des sols différents, quand le vigneron prend ses jus de raisin et qu'il les vinifie de la même façon et que vous obtenez des vins différents, c'est que le sol est bien responsable d'une différence de goût…"
"C'est des vieilles peurs profondes et ancestrales qui font que l'on déteste le sol"
En 1997, dans cette interview, le microbiologiste analyse le rapport complexe de l'homme au sol : "On se désintéresse du sol parce que quelque part, la nature, on la déteste. On a eu tellement de mal à s'en nourrir. On a tellement souffert. Il y a eu tellement d'histoire de famines sur les 8000 ans d'agriculture que quelque part, enfin, on se met à produire sans tenir compte des sols. Donc on en conclut extrêmement rapidement qu'on n'a pas besoin du sol puisque le miracle des engrais nous fait produire beaucoup… C'est des vieilles peurs profondes et ancestrales qui font que l'on déteste le sol. Alors que le mot "humus" a donné le mot "humanité", le mot "homme."
Claude Bourguignon dénonce également la pression des lobbys auprès des agriculteurs dans l'utilisation excessive de pesticides et d'engrais. Il souligne le retard énorme dans l'étude de la biologie des sols en pointant les choix financiers faits dans la recherche sous la pression du poids des lobbys.
"A peu près 90% des sols que je mesure en agriculture sont très profondément touchés au niveau biologique". En 1995, dans l'émission "Diagonales paroles", Claude Bourguignon qui se concentre plus particulièrement sur la vigne, parle de son travail sur les terres viticoles en Bourgogne. Il évoque la notion scientifique de terroir, le problème de l'érosion des sols et sa conséquence sur les vignobles. Sa méthode pour arrêter les apports des engrais. "Il n'est pas trop tard et en changeant les pratiques, on peut encore sauver les crus."
"Le monde agricole, en particulier les jeunes ruraux veulent être acteurs de leur propre développement."
Il évoque ensuite son travail avec les agriculteurs pour une gestion plus raisonnée de leur terre : "J'essaye de leur faire comprendre qu'ils ont un sol, que ce sol est un capital et qu'il n'est pas le même partout… il faut qu'ils connaissent leur sol. Il y a des sols qui sont riches en phosphore, en potassium, il n'y a pas besoin d'en mettre. Il faut apprendre à travailler avec leur capital qui n'est pas forcément le même d'une région à l'autre… Comme on n'a pas tellement encouragé l'agriculteur dans une compréhension étroite de son sol. Souvent ils savent mal gérer les analyses de sols et donc, ils ont tendance toujours à s'en remettre au marchand d'engrais. On leur apprend à mieux gérer leur sol, à économiser leurs intrants et après, on peut les orienter vers des produits de qualité."