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Des vétérans racontent leur débarquement en Provence

Des vétérans racontent leur débarquement en Provence

Dans la nuit du 14 au 15 août 1944, près de 100 000 troupes françaises et alliées débarquent sur les côtes de Provence. C'est le début de l'opération « Dragoon ». Vingt-cinq ans plus tard, d'anciens combattants se souvenaient de leur propre débarquement et des combats qu'ils menèrent à l'époque pour libérer le sud de la France.

Par Florence Dartois - Publié le 13.08.2024
 

L'ANNIVERSAIRE.

Le 15 août 1944, un second front s'ouvrait en Provence, après le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie. L'opération « Dragoon », placée sous le commandement du général américain Alexander Patch, avait pour but de fixer des troupes ennemies dans le sud du pays, de libérer les côtes méditerranéennes et les ports stratégiques de Toulon et Marseille.

94 000 soldats et 11 000 véhicules débarquent dans la nuit du 14 au 15 août, et au total près de 250 000 soldats français y seront engagés. Des troupes alliées et d'autres, nombreuses, levées par la France dans l'ensemble de son empire colonial, et plus particulièrement en Afrique. Les vétérans de ces combats furent nombreux à témoigner au fil des ans, notamment en 1969, à l'occasion des 25 ans du débarquement. Ce sont quelques-uns de ces témoignages que nous partageons ici.

LES ARCHIVES.

« Il y a un quart de siècle, je me trouvais dans les mêmes lieux, dans les mêmes eaux... » L'homme qui s'exprime dans cette première archive disponible en tête d'article se nomme René Lopez. Il était interviewé le 28 août 1969 dans le magazine « Panorama », à l'occasion de l'anniversaire du débarquement en Provence.

Soldat pied-noir, il participa au sein de la première armée française, surnommée « Rhin et Danube », à l'opération « Dragoon ». Interviewé sur un bateau, il raconte comment il embarqua, après la campagne d'Italie, vers une destination inconnue. Il relate son arrivée au large des côtes algériennes puis françaises.

« Nous avons piétiné à Tarente (ville italienne) pendant plusieurs jours et puis, le 10 août exactement, nous sommes montés à bord d'un immense bateau, anglais ou américain, mais ce qui importe, c'est que c'est le drapeau français qui flottait sur ce bateau (...). Nous nous sommes acheminés vers l'inconnu, vers le grand point d'interrogation. Un fait est certain, c'est que nous avons longé les côtes algériennes. Et pour nous, pieds-noirs d'origine, longer les côtes algériennes, ça représentait quelque chose d'absolument émouvant. Une Algérie que nous n'avions pas vue depuis longtemps déjà. »

Il évoque également ce qu'il ressentit dans la chaloupe qui approchait de la côte : « Nous pensions tout simplement que nous avions la chance extraordinaire de pouvoir enfin débarquer en France. Pour nous, ce n'était pas tellement le fait de la revanche, mais c'était la possibilité d'apporter à la France un témoignage de fidélité. »

L'ancien soldat décrit enfin sa joie et son émotion, encore vives, au moment de fouler le sable de la plage de Saint-Tropez : « On a vu des gens s'agenouiller et nous avons vu des gens, et moi-même d'ailleurs, embrasser ce sable. »

Son témoignage est illustré d'images d'archives.

Un débarquement stratégique

Toujours extraite du même magazine, l'archive suivante donne la parole au colonel Bommand, vétéran lui aussi. Le gradé rappelle le contexte stratégique de l'opération, le fait que les débarquements en Normandie et en Provence auraient dû se dérouler simultanément. « Si cela n'a pas été réalisé, c'est par manque de moyens de "shipping". » C’est ce manque de navires de transport, mobilisés en Normandie, qui avait retardé ce deuxième débarquement mené par la première armée française et les Américains, organisateurs du planning, en accord avec le commandement français. L'officier rappelait qu'avec ce débarquement, il importait d'empêcher les Allemands de concentrer toutes leurs forces en Normandie.

La prise « express » de Toulon et de Marseille

Ci-dessous, sur le vieux port marseillais, un autre officier, le général Montsabert (Ndlr : Joseph de Goislard de Monsabert (1881-1987) à la tête de la 3e division d'infanterie algérienne (3e DIA)), évoque l'objectif visé : s'emparer des ports stratégiques de Toulon et Marseille. Il explique que les plans des Américains étaient de progresser le plus rapidement possible vers le nord pour couper la route à l'ennemi en retraite et d'aider les troupes alliées débarquées en Normandie. La prise de Marseille et Toulon étant laissée à la charge de l'armée française du général de Lattre.

« On en a absolument besoin pour assurer la logistique de toute l'opération en direction du nord... »

La suite de l'entretien avec le vieux général se poursuit sur les hauteurs de Notre-Dame de la Garde à Marseille. Il raconte que la prise des deux ports français fut une réussite bien plus rapide que prévu par les états-majors. Ce succès nécessita d'adapter les plans et de combattre dans les deux villes simultanément.

Cette conquête rapide ne se fit pas sans victimes. Le général Montsabert souligne qu'il fallut déplorer des « pertes sérieuses », à Marseille et à Aubagne, notamment pour les bataillons des 7e Tirailleurs sénégalais. Il précise : « Chaque fois qu'on attaquait un point d'appui, un point de résistance, les pertes étaient nombreuses. » Elles auraient été bien pires si les résistants locaux ne les avaient pas aidés ; ils étaient « extrêmement actifs et courageux », se souvient-il.

Marseille a été libéré le 27 août 1944, onze jours après le débarquement. Et le militaire de conclure avec le sourire : « Au lieu de quarante jours, ça a été sept jours. Au lieu de Toulon puis de Marseille, ça a été Toulon et Marseille le même jour ! »

« On n'a pas pris Toulon puis Marseille, on a pris Toulon ET Marseille et d'un seul coup » !

« Quand on a vu que ça cédait, eh bien, on est descendu dans Marseille, tous à la fois. Après, ça a été des combats sporadiques auprès de tous les centres de résistance de l'ennemi, dont Notre-Dame de la Garde qui en était un. »

 

Le 15 août avant 8 heures, 8 000 tonnes de bombes étaient déversées par 1 300 bombardiers, et 16 000 obus de marine s'abattirent sur les plages. L'assaut principal fut lancé entre le cap Nègre et la pointe de l'Esquillon.

Les forces aériennes alliées déployèrent 2 000 appareils de la Mediterranean Allied Air Force du général américain Eaker et 10 000 parachutistes au total atterrirent sur le sol français au soir du 15 août.

D'après le bilan officiel, au soir du 15 août, un millier de soldats avaient péri.

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