Lundi 25 octobre 2021, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE a publié un rapport sur l'évolution du futur système énergétique français. Dans ce rapport, six scénarios sont proposés pour développer le mix électrique à l’horizon 2050. Dans l’objectif de neutralité carbone visée en 2050, l’électricité qui ne représente actuellement qu’un quart de notre consommation finale d’énergie devra atteindre à cette échéance 55 %. Pour y parvenir, RTE préconise un développement du nucléaire associé à des énergies renouvelables.
En quelques décennies, l'électricité a bouleversé la vie des Français. L'époque n'est pas si lointaine où les gazinières à charbon et au bois représentaient encore le seul point de cuisson et de chauffage des foyers. A la fin des années 1960, le développement économique et la nécessité de le pérenniser dans le temps poussait EDF à élargir son offre d'électricité. A l'époque, le nucléaire civil n'était pas encore à l'ordre du jour, et pour accompagner le développement du pays, l'entreprise publique se lançait dans un grand plan d'électrification du pays.
L'archive en tête d'article est un reportage consacré à l'électrification des campagnes limousines, diffusé en janvier 1967 dans le journal télé régional. L'électricité est d'emblée présentée comme un élément de progrès et de confort, notamment pour les campagnes, "en un mot, l'énergie électrique est le point commun qui permet à la fois l'évolution économique et l'évolution sociale", précise le commentaire. Pour accompagner ce propos, les images nous entraînent dans une vieille ferme limousine sur laquelle la "fée électricité" ne s'est pas encore penchée. Le journaliste ne mâche pas ses mots pour décrire la situation "peu enviable" de ces pauvres paysans : "On est frappé par les conditions de vie et de travail des familles rurales… Pourquoi et comment les habitants des campagnes peuvent-ils vivre dans de telles conditions ?"
Confort et rentabilité
Puis changement de décor. Le reportage présente ensuite une exploitation "moderne" des environs de Limoges, où l'installation de l'électricité est synonyme, toujours selon le journaliste, de "joie de vivre et de progrès". De fait, l'habitation et l'exploitation de l'agriculteur "heureux" sont présentées comme "entièrement reliées au réseau électrique". Une prouesse. Les images sont sans appel. L'agriculteur commente lui-même les améliorations apportées sur le confort personnel et au niveau de son activité. "Ça nous a apporté beaucoup d'améliorations… c'est ma femme qui pourrait dire ça. Ça nous a apporté, premièrement de l'eau chaude, continuellement et à tout moment de la journée, sans avoir besoin de mettre une casserole sur la cuisinière", dit-il.
Un progrès indéniable qui a permis à la famille de s'équiper : machine à laver, télévision, congélateur, chauffe-bain. Le paysan précise que l'électricité l'exonère d'une corvée chronophage qu'il n'avait plus le droit d'imposer à ses enfants : la coupe du bois. Gain de confort, gain de temps aussi, notamment du côté de l'étable, avec moins "de fatigue dans les soins donnés aux animaux", car il s'est équipé d'une trayeuse électrique. Quant au foin, il est à présent monté "avec moteurs électriques et ceci économise énormément de main d'œuvre et de fatigue". Des installations synonymes d'augmentation de la rentabilité de sa ferme.
L'électrification des campagnes allaient nécessiter la modernisation des réseaux basse-tension, bientôt obsolètes. A cet effet, l'entreprise publique venait de mettre au point des postes moyenne et basse-tension simplifiés, moins onéreux, donc plus facilement installables en région. Mais les campagnes n'étaient pas les seules régions à s'électrifier. A la ville aussi on vantait les bienfaits de la "fée électricité", source d'énergie polyvalente. En mars 1967, le journal télévisé du Limousin continuait son enquête.
Magazine équipement : l'électrification urbaine
1967 - 09:03 - vidéo
La ville était décrite ici comme "une grande dévoreuse d'énergie", à l'époque essentiellement alimentée par du gaz, en l'occurrence celui de Lacq. Mais les prévisions montraient que les besoins allaient être exponentiels et que cette offre ne serait plus suffisante. A Limoges, "où la majorité de la porcelaine est cuite au gaz", EDF estimait que la consommation électrique aller doubler tous les 10 ans, et qu'en l'An 2000, elle serait "8 fois plus importante qu'à l'heure actuelle". Un vrai défi ! Ce cadre d'EDF l'affirmait, il faudrait mettre en place de nombreuses réalisations pour le relever. Sans préciser lesquelles. Mais il soulignait les difficultés de financement qu'elles allaient poser. EDF annonçait ici le lancement d'un grand emprunt national pour financer cet effort colossal.
Système D
Terminons ce focus sur l'arrivée de la "fée électricité" en France par la pépite ci-dessous. Voici l'histoire du village corse de Murano. Sept ans avant son électrification, en 1957,ce bourg de la montagne corse bénéficiait déjà de l'électricité depuis 33 ans ! Comment ? Grâce au génie créatif d'un mécanicien. Cette vidéo raconte cette aventure incroyable .
Murato : un village électrifié grâce à une initiative privée
1970 - 06:52 - vidéo
En 1923, Giuseppe Marconi, originaire de Bologne se lance dans la fabrication d'un réseau électrique (poteaux, consoles, isolateurs). Avec l'accord de la municipalité, il installe dans une maisonnette une petite turbine, dont les pales mues par l'eau de la rivière, entraînent une dynamo de 20KW. Cette installation permettra aux habitants volontaires, moyennant une redevance annuelle fixe autour de 10 francs, de s'éclairer avec une ampoule. Mais c'était sans compter sans l'apparition des premiers fers à repasser qui obligèrent l'électricien de fortune d'équiper les foyers de compteurs. Des témoignages de vieux habitants et du fils de Giuseppe décrivent cette incroyable entreprise.