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Daniel Darc, le garçon qui se cherchait

Daniel Darc, le garçon qui se cherchait

Daniel Darc, le rocker torturé à fleur de peau, disparaissait le 28 février 2013. Inspiré par la culture punk, précurseur de la new-wave à la française avec son groupe Taxi Girl dans les années 80, il nous a laissé une pop acide et mélancolique à savourer sans modération. Retour sur son parcours inspiré, mais tumultueux.

 

Par Florence Dartois - Publié le 26.02.2023 - Mis à jour le 28.02.2023
Taxi Girl "Cherchez le garçon" - 1981 - 02:38 - vidéo
 

ANNIVERSAIRE.

Dix ans déjà. La voix de Daniel Darc s'est tue le 28 février 2013, à 53 ans. Daniel Darc est mort comme il avait vécu, dans un tourbillon de drogue, d'alcool et de médicaments, inséparables à son image d'artiste maudit. Né à Paris le 20 mai 1959, Daniel Rozoum alias Daniel Darc, fut la voix de Taxi Girl. Ses premières armes musicales, il les fit dans le monde du punk dont le slogan était « No future ». Cela collait parfaitement à son image nihiliste, qu'il cultivait à l'envie. Adepte de l’autodestruction, il pensait ne dépasserait pas ses 20 ans.

LES ARCHIVES.

Pour lui rendre hommage, débutons en tête d’article par LE titre emblématique de Taxi girl, la chanson écrite et composée par Daniel Darc et Laurent Sinclair, celle qui leur fit atteindre la célébrité : Cherchez le garçon. Dans Pollen, sur France Inter en 1989, au micro de Didier Varrod et Jean-Louis Foulquier, l'artiste évoquait la genèse de ce titre énigmatique. Il est sorti en 45t en décembre 1980, dans l'album au titre éponyme. Le disque se vendra à 300 000 exemplaires, c'est le plus gros succès du groupe !

Nous retrouvons le groupe en live dans la salle Le Palace, lors d'un concert enregistré pour l'émission « Chorus », en 1981.

Ses débuts entre punk et pop

Daniel Darc apparaît sur la scène musicale à la fin des années 70, avec un groupe créé au lycée Balzac, Porte de Clichy dans le XVIIe arrondissement de Paris… Taxi Girl. Mais ses influences étaient celles d'artistes torturés comme lui, poussant leur art jusqu'à la limite de l'explosion, ou de la mort, tels Johnny Cash, Elvis Presley, John Coltrane ou James Dean.

« Je voulais mourir à 21 ans comme Cochran, puis à 24 ans comme James Dean », reconnaissait-il dans une interview radio de 2012, tortu en reconnaissant que la meilleure partie de son œuvre s'était construite après cet âge. Le 17 janvier 1995, dans l'émission « Périphériques » à regarder ci-dessous, il décrivait l'arrivée de la musique punk comme déclencheur de sa vocation musicale. Il déclarait détester la pop et qualifiait, avec bienveillance, les débuts de Taxi Girl de « pop acide ».

Daniel Darc à propos de ses débuts
1995 - 01:46 - vidéo

Fer de lance de la new-wave française

De punk, le jeune homme va endosser la veste de fer de lance de la new-wave à la française, avec des titres ambigus comme seule la new-wave anglaise savait jusqu'alors en concocter, le maquillage et les cheveux permanentés en moins.

Mais la déglingue punk n'était jamais bien loin. En 1979, il alla même jusqu'à se trancher les veines en plein concert sur la scène du Palace ! Certains y voyaient juste de la provocation, lui sans doute une manière de se prouver qu'il était vivant. À cet instant précis où la vie ne tient qu'au tranchant d'une lame bien aiguisée.

Toujours dans l'émission « Périphériques » de 1995, Daniel Darc se penchait sur cette période déjantée et analysait le succès du groupe : « je pense qu'en France, on a 50 ans de retard en musique et 100 ans sur tout le reste (littérature)… on était en avance par rapport au reste, et même par rapport aux groupes alternatifs de maintenant. On a été le premier à avoir un label, à signer des groupes et à ne pas jouer le jeu de la virginité », déclarait-il.

Il expliquait ensuite la particularité de Taxi Girl à l'époque : le refus de la compromission, de l'argent. Enfin, concluait-il, à l'instar de Serge Gainsbourg avant lui, la chanson était à ses yeux un art mineur, car elle ne nécessitait pas de formation.

Daniel Darc sur Taxi Girl
1995 - 02:44 - vidéo

En solo : le goût amer de la liberté !

L'aventure Taxi Girl allait s'achever en 1981, au bout de cinq ans, avec la mort prématurée du batteur Pierre Wolfsohn, des suites d'une overdose.

Après la fin de Taxi girl, Daniel Darc s'est lancé dans une carrière solo. Son premier album sorti en 1987, Sous influence divine, était réalisé avec Jacno, l'autre moitié du duo Elli et Jacno, autre figure marquante de la new-wave. Il sera suivi en 1988 par Parce que. Ces deux albums peu médiatisés, mais combleront leur auteur, car ils lui apporteront une ivresse sans danger celle-là... la liberté !

« Je peux faire exactement la musique que j'aime, je veux faire ce que je veux », déclarait-il dans l'émission radio Pollen, sur France Inter en 1989, au micro de Didier Varrod. Il évoquait avec lui comment il envisageait sa carrière solo et son plaisir de tout composer et d'écrire seul, d'être le leader. Il revenait sur cette envie de se démarquer du groupe et décrivait le revers de la médaille, ses déboires avec les maisons de disques.

Suivront des années compliquées parsemées de passages en prison, d'abus de drogue, d'alcool de médicaments. Daniel Darc traînant son image d'ange déchu incontrôlable, de dandy punk mélancolique. Mais d'errance en abandon, le musicien était toujours là et décidait au début des années 2000 de stopper les drogues et de se reconstruire, notamment à travers la spiritualité.

Le succès de l'apaisement

En 2004, il sortait Crève-Cœur, des mélodies et des mots pour panser ses blessures. Dans l'interview ci-dessous, il se contait avec authenticité au journaliste Michel Vial, évoquant sa propre mort : « C'est la première fois que je propose des textes apaisés », confiait-il alors, reconnaissant être un survivant. « Chaque jour, lorsque j'ouvre les yeux, je pense à la mort bien-sûr. Je suis obsédé par la mort, mais ça ne veut pas dire que j'en ai peur. […] J'ai peur de l'échéance. J'ai peur de mourir avant d'avoir fait ce que j'ai à faire », confiait-il au journaliste qui lui demandait s'il avait enfin retrouvé le goût de la vie ? « Mais, j'ai le goût à la vie ! Sans cela je me serais foutu en l'air. J'ai le goût à la vie. J'ai peut-être plus de goût à la vie que la plupart des gens. Parce que, ce que j'ai traversé, il faut avoir vachement de goût pour le traverser » !

Daniel Darc : nouvel album
2004 - 02:19 - vidéo

Cet album allait lui apporter non seulement la reconnaissance de ses pairs, mais aussi celle du public. À 45 ans, il recevait la Victoire de la Musique de l’album révélation de l’année. Suivront deux autres disques Amours suprêmes (2007) et La taille de mon âme (2011) qui ne connaîtront pas le même succès.

En 2008, à l'occasion de la sortie d'Amours suprêmes, Daniel Darc, silhouette frêle et voûtée, bras tatoués de noir et visage marqué, accueillait les caméras en studio d'enregistrement. Il dévoilait une nouvelle fois ses plaies et évoquait son addiction : « je continue à penser que les antidépresseurs qui fonctionnent, il y en a trois : l'alcool, l'héroïne et Dieu ! L’alcool, j'y vais avec parcimonie, l'héroïne, j'ai arrêté parce qu'elle était mauvaise et dieu, c'est OK ! »

Celui qui avait écrit « Quand je mourrai, j’irai au paradis C’est en enfer que j’ai passé ma vie », est mort à 53 ans. Au moment de sa mort, les JT rendaient hommage à cet écorché vif de la scène rock française, à l'image du portrait ci-dessous : « il s'est éteint hier dans le 11ème arrondissement. Itinéraire d'un enfant tourmenté dans sa ville Paris »

Il a été inhumé le 14 mars 2013. Dans une interview du Parisien, Jean-Louis Aubert lui rendait un très bel hommage, d'ombres et de lumière.

Derrière le punk, un intellectuel

Mais derrière ce garçon torturé se cachait un véritable intellectuel, féru de littérature, passionné d'arts martiaux. Lorsqu'il parlait littérature, c'était toujours dans un flot savamment dosé d'érudition mêlée de provocation. À l'image de l'archive ci-dessous, datée de 1984, dans laquelle Daniel Darc minimisait cependant l’influence des écrivains dans sa vie : « je ne pense pas que les livres aient beaucoup d'importance dans ce que je fais ». Pour ce jeune compositeur-interprète, seuls les auteurs en tant que personne comptaient réellement : « Je crois qu'il y a ceux qui vivent et ceux qui écrivent. Et ceux qui écrivent je n'en ai rien à foutre ».

Il évoquait aussi ses lectures politiques, déclarant un rien cynique, son admiration pour certains écrivains - parfois contestés - de droite. « Je ne me réclame pas d'une bonne conscience de gauche. La gauche en France n'existe pas. Ça ne m'intéresse pas. »

Pour aller plus loin :

Taxi girl sur la scène du Palace à Paris en 1981. Ils interprètent Jardin chinois, Cherchez le garçon et V2 sur mes souvenirs. (Extrait de l'émission chorus)

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