« Matrix » a été l'un des phénomènes cinématographique du début des années 2000. Lorsqu'il sort en salles en France, le 23 juin 1999, il a déjà rapporté 200 millions de dollars en sept semaines, aux Etats-Unis. C'est même l'un des premiers films à être piraté sur Internet.
Ce 23 juin, les journaux couvrent la sortie du film avec reportage et interviews des acteurs. Mais le film des frères Andy et Larry Wachowski n'est pas qu'un simple film de science-fiction et certains journalistes chargés de le chroniquer vont se perdre dans les méandres de la matrice.
Dans cet article nous vous proposons de visionner deux des sujets consacrés au long métrage le jour de cette sortie française. Le premier sujet a été diffusé dans le 12-13 de France 3, et c'est Michel Vial, le journaliste culturel de la rédaction, qui a été chargé d'interroger les deux héros du film : Keanu Reeves (Neo) et Carrie-Ann Moss (Trinity). La tâche n'est pas facile lorsque l'essence du film vous a échappé.
Un simple film de science-fiction ?
Dans « Matrix », le héros joué par Keanu Reeves s’appelle Neo. Informaticien le jour, pirate informatique la nuit, il ne se doute pas que la vie qu'il mène n'est qu’une illusion, orchestrée par des programmes informatiques générés par des machines, qui ont pris le pouvoir dans un futur apocalyptique. Grâce à d’autres humains échappés de la « matrice », Neo va tenter de libérer l'humanité de son esclavage virtuel.
« Matrix » est un film complexe dont le message quasi métaphysique se distille au milieu d’une débauche d’effets spéciaux. Un film qui semble avoir déstabilisé le journaliste impressionné par« ce spectaculaire thriller de science-fiction ». Il le décrira surtout comme « un mélange d’Alice au pays des merveilles et de kung-fu ». Une vision simpliste, démentie par celle développée ici par l'acteur Keanu Reeves : « La science-fiction, c'est une façon de se projeter dans ses ambitions, dans ses espoirs et dans ses peurs de l'avenir. Tout cela en termes de comportements, de technologies, de sciences et même de politique».
Derrière les effets spéciaux, la virtuosité technologique, le propos des réalisateurs est de questionner les consciences des spectateurs. De les inviter à chercher la vérité au-delà des apparences pour se libérer de toute domination. Le journaliste ne va pas percevoir l'importance de cette quête, pourtant au coeur du film. Il va même faire un contre-sens sur la nature de la « matrice » en la décrivant comme « un univers créé sur ordinateur par des êtres maléfiques », alors qu'il s'agit d'un monde virtuel, intégralement généré par des machines, devenues maîtresses d'un monde post-apocalypse.
Connaissance et curiosité comme remèdes au contrôle et au despotisme, autant de thématiques que les deux acteurs lui rappelleront en fin d’interview. Pour Carrie-Ann Moss, la matrice doit être vue comme une sorte de métaphore : « La matrice ça peut être n'importe quoi. Tout ce qui peut nous contrôler. Et c'est vrai que les médias contrôlent aujourd'hui notre société. » Un propos que va modérer son partenaire, insistant sur la vigilance : « Ils ne nous contrôlent pas ! Il faut juste faire attention. Ils ne nous contrôlent que si on le veut bien ! »
Un conte métaphysique ?
Le même jour, le 20h00 de France 2 consacrait également un long sujet à la sortie du film. Nicole Cornuz-Langlois avait visiblement mieux appréhendé la portée spirituelle et virtuelle de « Matrix » :
Cinéma: Sortie de Matrix
1999 - 02:24 - vidéo
La journaliste souligne au début de son sujet la puissance de la phrase répétée par Morpheus (joué par Laurence Fishburne) à Neo : « Libère ton esprit Neo. » Elle explique que le spectateur devra ouvrir son propre esprit, accepter de se laisser happer par le film, pour percevoir le message et la portée symbolique cachée derrière les effets spéciaux : l'importance de la quête de la vérité et la notion de « perception » de la vérité. Cet éclairage plus spirituel va lui permettre d’obtenir des deux acteurs des réponses tout à fait différentes de celles de l’interview du 12/13.
Pour Carrie-Ann Moss, il est bien question de « métaphysique » et de symboles, à l'instar de son prénom Trinity : « Je pense que rien n'est dû au hasard dans ce film. Il y a beaucoup de métaphores, d'idées religieuses et finalement tout est là. », explique-t-elle. Quant à Keanu Reeves, il confirme et donne un nouvel éclairage sur les sources d'inspirations des réalisateurs : «Je crois que quand les deux frères réalisateurs ont écrit le film, ils ont pris la mythologie et tous ses archétypes classiques, et ils les ont réinventés avec un sens moderne. »
Dans sa conclusion, la journaliste ajoutera que les effets visuels ne sont pas là uniquement pour le spectacle : « Ils deviennent un ressort dramatique, et dans les combats chorégraphiés à la manière de Hong Kong, le héros reste guidé par la foi… On a beau devenir virtuel, on n’en reste pas moins un homme ».