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«La route» de Cormac McCarthy, le roman  qui bouleversa les critiques du «Masque et la Plume»

«La route» de Cormac McCarthy, le roman  qui bouleversa les critiques du «Masque et la Plume»

L’écrivain américain Cormac McCarthy est mort à 89 ans. L’auteur était d'une discrétion extrême, préférant s'exprimer à travers la littérature plutôt que dans des interviews. En 2007, il obtenait le Prix Pulitzer pour La Route. Un roman apocalyptique retraçant la marche vers un ailleurs hypothétique d'un père et de son petit garçon dans un monde où tout n'est plus que cendres. À sa parution en France, en 2008, que pensaient les critiques du « Masque et la Plume » de ce récit glaçant ?

Par Florence Dartois - Publié le 14.06.2023
La route de Cormac Mac Carthy - 2008 - 08:26 - audio
 

L'ACTU.

L'écrivain américain Cormac McCarthy, auteur de plusieurs succès littéraires tels que De si jolis chevaux ou No country for old men, est mort le 13 juin à l'âge de 89 ans, chez lui, à Santa Fe (Nouveau-Mexique). Plusieurs fois adapté au cinéma, il remporta le prestigieux prix Pulitzer en 2007 pour La route, un roman qui racontait l'errance d'un père et de son jeune fils dans un pays ravagé par un cataclysme dont l'origine restait inconnue. Un texte épuré et sombre qui posait la question de la volonté de vouloir survivre dans un monde détruit.

L'ARCHIVE.

Lors de sa parution en France, le roman La Route frappa les esprits, même les plus blasés. À sa parution, en janvier 2008, le livre passait sur le grill des critiques littéraires du magazine « Le Masque et la Plume » présenté par Jérôme Garcin sur France Inter. Étaient réunis ce jour-là Arnaud Viviant, Olivia de Lamberterie, Michel Crépu et Jean-Louis Ezine. Connus pour leurs commentaires souvent intransigeants, les chroniqueurs allaient, pour une fois, former un consensus, ne tarissant pas d'éloges sur l'ouvrage qui avait déjà séduit deux millions de lecteurs aux États-Unis.

Jérôme Garcin commençait par résumer l'intrigue ultra simple, mais captivante : « l'Apocalypse a détruit le globe, ne laissant qu'un amas de cendres et de ruines et de cadavres, et un père et son fils ont survécu. Il pousse un caddie, un peu à la manière des personnages de Beckett, vers le Sud, vers la côte, sous la neige. Autour, on sent qu'il y a des cannibales qui guettent. Il n'y a pas d'autre suspense que ce que je viens de raconter. Et c'est pour moi en tout cas un très grand livre. ».

Un récit minimaliste et glaçant qu'Arnaud Viviant allait immédiatement qualifier de « chef-d'œuvre absolument magnifique (...) absolument prodigieux ». Il expliquait que la lecture lui avait parfois provoqué des ressentis physiques comme « d'avoir quasiment le souffle coupé ». On assistait selon lui dans ce récit à la fin symbolique de la mythologie américaine liée à la route qui « est pleine de cendres. Il n'y a plus rien, plus rien du tout. Quelques êtres horribles qui sont encore là, dénués de la moindre humanité ».

Il sera ensuite longuement question du cannibalisme, au centre de l'intrigue, où « l'homme n'est plus un loup pour l'homme. Ce serait encore une vision quasiment gentille de l'affaire. C'est qu'il est devenu un cannibale pour lui-même ». Une vision métaphorique du chemin que prend l'humanité.

Une réussite littéraire

D'un point de vue littéraire, Arnaud Viviant évoquait ensuite sa façon « absolument magnifique qui est de décrire le monde dans son négatif », faisant référence à certains passages clés du roman qui sont racontés « d'une manière absolument grandiose dans la grande tradition du roman, digne de Stevenson », ou de Steinbeck (Des souris et des hommes), « une espèce de condensé qui fait véritablement de ce livre un des très, très grands livres de ce début de siècle », conclura-t-il enthousiasmé.

Olivia de Lamberterie partageait son sentiment personnel de déchirement provoqué par« sa puissance de narration extraordinaire » et confiait que c'était « le plus bel hommage qu'on puisse lire sur la paternité ». Le livre était dédié au fils de 8 ans de l'auteur, né d'un troisième mariage. Elle y voyait un livre de transmission dans lequel un père tentait de donner un sens à la vie à travers les mots : « Le petit garçon, tout d'un coup, refuse de parler et le père essaye de lui donner les mots pour continuer. À le maintenir dans la vie. C'est deux personnes qui s'empêchent de mourir. Et c'est vraiment incroyable. »

Jean-Louis Ezine était, lui aussi, bluffé par le style littéraire et par le traitement d'un sujet de fin du monde « éminemment casse-gueule ». Il soulignait « cette volonté finalement grotesque de vouloir survivre », à qui Cormac McCarthy donnait « une poésie par son phrasé, parce qu'il y a des bonheurs d'expression, comme on disait autrefois, à chaque page ». Un aspect poétique également relevé par Michel Crépu : « on est vraiment à la frontière où la dimension romanesque se métamorphose en poème. »

L'équipe s'interrogeait à la fin de l'émission sur la difficulté de sa prochaine adaptation au cinéma, un défi qui serait relevé avec brio l'année suivante. Ce récit apocalyptique a en effet été adapté en 2009 par John Hillcoat, avec dans le rôle du père, le poignant Viggo Mortensen. Il remporterait le même succès que le roman.

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