L'ACTU.
Le journaliste et homme de radio Claude Villers est mort samedi 16 décembre 2023 à l'âge de 79 ans. Le producteur était une voix bien connue des auditeurs de France Inter où il officia de 1964 à 2004. Il voua très jeune une passion pour le journalisme, mais pour arriver à intégrer une rédaction, le gamin muni d'un simple certificat d'étude, dut d'abord gagner sa vie. En froid avec ses parents, il quitta très jeune le giron familial. Passionné de lutte, l'adolescent sportif se lança dans le catch. C'est ce qu'il racontait en mars 2003 dans l'émission « Regards singuliers » diffusée sur France 3 Bordeaux.
L'ARCHIVE.
Dans l'extrait disponible en tête d'article, le journaliste revenait sur cette époque où il avait dû se battre au sens propre pour gagner sa vie. Et c'est loin des stylos et des micros, sur un ring, qu'il avait tenté sa chance. « J’ai gagné ma vie, comme je ne savais pas quoi faire (…) je suis devenu "l’homme au masque de soie" dans les fêtes foraine… ».
Mais, expliquait-il, sa passion avait toujours été le journalisme et une fois l’entraînement terminé, le jeune homme parcourait les salles de rédaction pour proposer des articles. À 17 ans, la chance allait lui sourire lorsque le journal Radio magazine lui offrit ses premières piges et la précieuse carte de presse, « Je suis devenu le plus jeune journaliste professionnel de France. J'étais pas peu fier ! », confiait-il avec une pointe d'amusement dans la voix.
Après ces débuts dans la presse écrite en 1961, Claude Villers intégra l'ORTF en 1964 où il participa à la création du « Pop-Club » de José Artur. Avant d'entrer à la radio publique, il avait déjà écrit des sketchs pour des émissions humoristiques, celle de Jean Yanne et de Gérard Sire sur Europe 1 (« L'équipe numéro un »), puis sur Radio Luxembourg, avec Jacques Martin.
Dans l'archive ci-dessous, toujours extraite de « Regards singuliers », Claude Villers et son mentor José Artur se retrouvaient dans un restaurant avec leurs équipes pour se remémorer les débuts de leur collaboration. Les plaisanteries fusaient à propos de son statut de catcheur...
Claude Villers : souvenirs de radio
2003 - 01:38 - vidéo
José Artur : « Tu étais beaucoup moins dodu. Tu es arrivé en culotte courte et tu m'as dit : "Je vous écoute depuis que je suis enfant"... ». Claude Villers : « C'est pas vrai ! Je cherchais du boulot, j'avais été viré ! »
Correspondant aux États-Unis
Dans l'archive ci-dessous, nouvel extrait de l'émission « Regards singuliers ». Nous retrouvons Claude Villers dans ses bureaux de France Inter où il préparait son émission « Je vous écris du plus lointain de mes rêves ». Il l'a produite et présentée de 1997 à 2004. Nous le suivons dans les longs couloirs circulaires de la Maison de la Radio jusqu'à son bureau encombré de piles de dossiers et de bandes analogiques, qu'il partageait avec sa réalisatrice Maïté Vasseur et son attachée de production Gwénaëlle Abolivier.
C'est là, au cinquième étage, face à la Seine, qu'il évoquait ses débuts de correspondant aux États-Unis pour France Inter, poste qu'il occupa de 1967 à 1971. « Une époque où il se passait beaucoup de choses », de l'assassinat de Luther King ou de Bob Kennedy, aux premiers pas sur la Lune en juillet 1969. « Pour la radio, j'ai traduit "un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité " (...) et ce jour-là, à un jour près, j'avais 25 ans ». La suite du reportage montrait l'équipe au travail, en pleine écoute d'un reportage et du choix du montage qui serait diffusé à l'antenne.
Claude Villers prépare une émission à Radio France
2003 - 03:32 - vidéo
Témoin des hippies et de Woodstock
À cette époque s'était déroulé le festival de rock de Woodstock (16-19 août 1969), où des centaines de milliers de personnes s'étaient rassemblées dans un champ près de la ville de Bethel aux États-Unis pour assister à des concerts entrés dans la légende. Claude Villers, correspondant aux États-Unis, racontait volontiers avoir été, sans l'aval de sa direction, l'un des deux seuls journalistes français à avoir couvert l'événement, « j'avais 25 ans, j'aimais le rock, c'était ma génération et il y avait les plus grandes vedettes exceptées Dylan... ». Dans l'archive ci-dessous, extraite du 19/20 « Journal d'Aquitaine », il rappelait qu'à l'époque, les hippies étaient très mal vus et que l'événement n'avait pas vraiment marqué, dans « une époque où la pudibonderie battait son plein ».
Festival de Woodstock : témoignage de Claude Villers
2009 - 02:55 - vidéo
Une émission culte
Lorsqu'on parle de Claude Villers, on évoque souvent son humour, son sens de la formule, des qualités que l'on retrouve en particulier dans l'émission culte « Le tribunal des flagrants délires » qu'il produisit et présenta de septembre 1980 à juin 1983. L'émission avait pour cadre un tribunal fantoche présidé par lui-même, ses acolytes, Pierres Desproges et Luis Régo, tenant les rôles respectifs de procureur et d'avocat de la défense des invités mis sur la sellette chaque jour à l'heure du déjeuner, du lundi au vendredi.
Cette émission culte n'est restée que deux ans à l'antenne, comme la plupart de ses productions, c'est ce qu'il racontait à Catherine Ceylac dans « Thé ou café » le 8 janvier 2005. L'animatrice lui proposait de jouer dans une parodie de son célèbre programme, et pour l'occasion, de revêtir une nouvelle fois sa robe de juge pour prononcer son propre réquisitoire. L'occasion d'évoquer son goût de la bonne table et « d'avoir mangé trop vite, peut-être »... Il réclamait « l'indulgence du jury ».
Trois de ses proches jouaient pour l'occasion ses défenseurs. Daniel Mermet, pour qui Claude Villers représentait « la radio populaire », José Artur qui voyait en lui « le collaborateur le plus efficace » qu'il ait jamais eu et Maïté Vasseur, sa réalisatrice, qui vantait son goût du partage, mais aussi quelqu'un de « soupe au lait », avec une dose « de mauvaise foi » parfois. Chacun décrivait ensuite ce qu'il avait apporté à la radio, son immense créativité et « sa puissance d'émerveillement » et « d'indignation », « un conteur formidable ».
Claude Villers par lui même et ses collègues de la radio
2005 - 06:36 - vidéo
« C'est pas pour les gens comme nous »
« J'avais 11 ans et je voulais vraiment devenir journaliste ». Dans cette archive extraite de « Thé ou café », Claude Villers évoque avec Catherine Ceylac sa jeunesse, notamment sa vocation de journaliste contrariée par ses parents qui ne l'avaient pas soutenu. Son père lui avait déclaré un jour : « C'est pas pour les gens comme nous ». On apprend aussi que bien qu'ayant fait de la radio durant 40 ans, il n'aimait pas sa voix.