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Choléra : la peur d'une épidémie saisit la France en 1970

Choléra : la peur d'une épidémie saisit la France en 1970

Haïti, Liban... Les cas de choléra augmentent de manière inquiétante dans le monde. Ce fléau a disparu de l'Europe au XIXe siècle. Pourtant, en 1970, la France fut confrontée à un risque d'épidémie. Malgré des médecins rassurants, un contrôle sanitaire aux frontières et des vaccins, le pays allait plonger dans une peur irrationnelle, privant de traitements les pays réellement touchés.

Par Florence Dartois - Publié le 25.10.2022
 

L'ACTU.

Le choléra fait son retour dans le monde. Au Liban, une épidémie s'est déclenchée dans les camps où se trouve un million de réfugiés syriens. En Haïti, dans un pays sans gouvernement, gangrené par des gangs armés, la population fait face à une épidémie inquiétante. 33 décès ont été détectés en trois semaines par le ministère de la Santé, ce bilan serait sous-estimé d'après les ONG. La maladie hautement infectieuse est également présente dans une trentaine d'autres pays. Selon les spécialistes, ce regain est provoqué par les situations géopolitiques complexes, les changements climatiques ou les crises économiques qui induisent un effondrement des structures, un appauvrissement général et de la malnutrition.

Le choléra est une maladie très contagieuse qui se transmet par de l'eau contaminée avec des excréments humains. Après une période d'incubation, qui varie entre deux à cinq jours, une sévère diarrhée provoque la déshydratation massive du malade. Faute de traitement rapide, cette infection entraîne la mort. Pourtant, un traitement existe et quelques jours de réhydratation associés à un vaccin peuvent sauver des vies. Encore faut-il pouvoir les prodiguer rapidement. Bien que la révolution industrielle ait mis un terme à ce fléau sur le vieux continent, l'Hexagone allait connaître en 1970 une psychose liée à cette maladie. Cette « crise sanitaire » n'est pas sans rappeler celle provoquée par la Covid-19 de 2020, en termes d'organisation, de présence médicale dans les médias et de pénuries.

LES ARCHIVES.

En 1970, neuf ans après le début de la septième pandémie de choléra en Indonésie, la maladie atteignait l’Afrique et frappait de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie. Les gros titres de la presse parlaient de risque d'épidémie en Europe et certains Français commençaient à s'inquiéter de la contagion. L'archive en tête d'article datée du 1er septembre 1970 relate ce contexte anxiogène. Pour rassurer la population, le petit écran prenait le contre-pied des journaux donnant la parole aux médecins, rassurants de préférence. À l'instar du docteur Jacques, médecin inspecteur régional de la santé. Selon lui il n'y avait pas d'inquiétude à avoir, « en théorie », comme il l'expliquait sur FR3 Lyon : « le choléra est à des milliers de km de notre territoire, mais ce n’est pas une raison suffisante pour être complètement rassuré, puisqu’avec les moyens de transport actuels, on peut rapidement voir apparaître des cas de choléra. »

L'avion était pointé comme vecteur de dissémination des maladies contagieuses. Des mesures étaient rapidement prises dans les aéroports, avec la mise en place d'un filtrage de passagers pour vérifier les vaccinations et donner, le cas échéant, des consignes de surveillance des personnes suspectées pendant les 5 ou 6 jours que durait l’incubation de la maladie. « Dans ces conditions, nous n’avons pas de raison de nous affoler, loin de là », concluait le médecin interrogé.

Pas de panique, mais pénurie de vaccins

Le risque minime de contagion n'empêchait pas la peur de se diffuser. Ce second sujet, en couleur, diffusé dans le 20 heures à la même époque, donnait à nouveau la parole aux scientifiques et leurs propos n'étaient pas forcément rassurants, à l'image de cette professeure de médecine, le docteur Tischoer, décrivant les symptômes de la maladie. Côté prévention, des images muettes n'étaient pas plus sécurisantes, montrant les vaccinations préventives menées dans les pays menacés et les contrôles mis en place dans les aéroports français.

Le reste du reportage tentait de démontrer que ces craintes étaient injustifiées alors que la France disposait de toute une gamme de traitements contre le choléra : les antibiotiques, les sulfamides intestinaux et un vaccin qui était produit en masse par l'Institut Pasteur. En France on ne mourrait pas, mais les pharmacies déploraient des pénuries de médicaments. Dans son laboratoire, le professeur Gallut, également interviewé dans son laboratoire, expliquait que la pénurie n'était due qu'à la panique des Français et au trop grand nombre de personnes qui se faisaient vacciner : « sans aucune nécessité ». Un comportement qui privait de soins les pays vraiment touchés.

Selon l'Institut Pasteur, cette épidémie de choléra de 1970 allait toucher essentiellement l'Europe du Sud, notamment le Portugal, avec plus de 3500 cas et 50 morts. En France, seuls quelques cas sporadiques ont été notifiés.

Petite histoire du choléra en France

En Europe, les dernières grandes épidémies de choléra remontent à la seconde moitié du XIXe siècle. La France, par exemple, perdit environ 100 000 personnes en 1832 et en 1849 et 150 000 lors de l'épidémie de 1884, la plus virulente.

Le travail de l'Institut Pasteur

Interview d'un chercheur de l'Institut Pasteur sur les souches du choléra. Les souches du choléra et la manière de les identifier et interview du professeur Monod sur le travail de l'Institut Pasteur pour produire les vaccins contre le choléra. (26 juillet 1971)

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