L'ACTU.
Le retour de la chicorée ! En s'appuyant sur son origine française et ses bienfaits pour la santé, Nestlé, qui possède la marque Ricoré, ou encore l'entreprise Leroux, fabriquant historique du nord de la France, espèrent moderniser l'image de cette boisson, selon Le Parisien. De nouveaux acteurs entrent même sur le marché, comme Cherico, micro torréfacteur de chicorée.
LES ARCHIVES.
Créé avec le traité de Rome, le marché commun européen devait entrer en vigueur le 1er juillet 1968. La levée des droits de douane entre les membres de la CEE allait créer une concurrence accrue entre les producteurs de ces différents pays. En janvier 1967, la section lilloise de l'ORTF s'intéressait à l'impact de l'entrée dans ce marché sur un secteur agricole traditionnel du nord de la France : la culture de chicorée.
Cette archive, qui mêle les explications de principaux acteurs de la filière à des images du raffinage de ce succédané de café, est disponible en tête d'article. Elle montre combien la culture de chicorée se trouvait à un tournant : pour répondre à la demande, cette agriculture familiale allait s'industrialiser. Du côté des planteurs, Gaston Debavelaere l'assurait : « Nous sommes absolument certains que la racine de la chicorée pourra largement concurrencer les racines des pays voisins et en particulier, car nous avons un [seul] concurrent sérieux, qui sont les producteurs belges ».
« Le double visage de l'agriculture française actuelle des structures souvent vieillies, des équipements parfois désuets, mais une volonté croissante de faire du neuf », notait néanmoins le commentaire. L'enjeu se trouvait donc plutôt du côté de la deuxième étape de fabrication de la chicorée à café, chez les sécheurs. Ceux-ci, expliquait leur représentant, allaient devoir moderniser leurs installations. À date, il existait 200 séchoirs traditionnels en France, capables de « sortir quatre à cinq tonnes de cossettes [de fines lamelles de chicorée, NDLR] par jour », alors que les séchoirs modernes pouvaient en « sortir dix fois plus ». Il y en existait trois en France à l'époque. Notre archive, qui montre les différentes étapes de production de la chicorée, donne un aperçu de la fonction de ces séchoirs : lavage des racines, puis découpage et déshydratation.
Monsieur Demesnay, représentant du secteur, affirmait : « Le premier séchoir, c'est-à-dire le type de type ancien, ne peut certainement pas résister dans le cadre du Marché commun. Et il faudra, n'est-ce pas, et nous arriverons certainement à avoir en France environ de 7 à 12 séchoirs, ce qui suffira largement à la production française ». Une modification du processus de fabrication que les sécheurs accueillaient bien. Ils étaient, disait-on « conscients de ce qu'il y a lieu de procéder à la révision de certaines façons de penser et de certaines méthodes de travail ».
Dernière étape de la chaîne de production, le journaliste de l'ORTF rencontrait monsieur Leroux, représentant du fabricant de chicorée leader du marché. Dans ses usines, les cosettes de chicorées étaient épurées, triées et torréfiées avant d'être mises en paquet. Une étape déjà très performante, d'après l'archive : « La mise en paquets a lieu dans des machines modernes qui produisent 72 paquets par minute à un rythme bien précis. Tout ici est hautement mécanisé. Au terme de cette visite, on s'explique donc l'optimisme de toutes les professions quelques mois avant la grande échéance du Marché commun ».
Une popularité d'origine napoléonienne
Dans l'archive ci-dessous, nous retrouvons monsieur Demesnay qui évoque, depuis son bureau, l'histoire et les caractéristiques de la chicorée, « plante connue depuis l'Antiquité ». D'abord utilisée comme produit pharmaceutique, pour « guérir certaines maladies de l'intestin », elle n'est consommée comme boisson que plus récemment. « Elle était très répandue au XIXᵉ siècle et surtout depuis la fin du 18ᵉ, au moment du Blocus [politique de Napoléon 1er pour isoler l'Angleterre sur le plan commercial, elle a pour conséquence une pénurie de café en France]. Elle était très employée dans l'Europe centrale et en France et on a été jusqu'à consommer de très grosses quantités de chicorée, notamment les mineurs avant la guerre de 1914-18 ne descendaient jamais en mine sans leur litre de chicorée ».
La chicorée française, leader
En 1971, à la télévision l'accent était désormais mis sur la modernité de la production française de chicorée. Celle-ci couvrait alors 5 à 6000 hectares de culture, principalement dans le Nord et le Pas-de-Calais, et représentait un tiers de la production mondiale.
« Un produit noble aussi, puisqu'un produit de la terre. » Dans l'archive ci-dessous, qui reprend une nouvelle fois tout le processus de production, la chicorée est mise en avant comme un produit naturel et produit localement en France.
La culture de la chicorée à café
1971 - 08:38 - vidéo
Français, et surtout remède à l'inflation. En 1977, alors que le premier choix pétrolier fait encore sentir ses effets, le patron de Leroux affirmait dans l'archive ci-dessous que son produit était anti-inflationniste : « D'abord, il est travaillé sur place, par des planteurs français, par des sécheurs français, alors que le café est d'origine extérieure à la France. Il faut devise pour acheter du café, du cacao, du thé ».
Malgré l'optimisme des fabricants, la chicorée était depuis tombée quelque peu en désuétude et était devenue une boisson associée aux générations les plus âgées. Mais depuis quelques années, les fabricants de chicorée ne se contentent pas de jouer la carte de souvenirs d'antan pour mettre en avant leur produit. La chicorée est désormais une alternative moderne, meilleure pour la santé et écologique au café.
Syndicat fabricant de chicorée à Orchies
1977 - 04:07 - vidéo
Deux publicités emblématiques
La chicorée pour le grand public, c'est aussi (et surtout) la marque Ricoré de Nestlé. Depuis le début des années 1980, la marque s'appuie sur des spots de publicité illustrant la vie parfaite d'une famille au réveil, réunie autour de grands bols de Ricoré. Le tout sur une chansonnette aisément reconnaissable. Toute une histoire. Voici ci-dessous deux exemples, une première pub datant de 1983 et une seconde près de 10 ans plus tard.
La musique de ces spots a été composée par André Georget, l'interprétation est de Corinne Hermès, gagnante de l'Eurovision en 1983 pour le Luxembourg.
