En cette rentrée 2022, il manquerait, selon le ministre délégué aux Transports, près de 4000 chauffeurs de bus. La Fédération nationale des transports voyageurs (FNTV) parle de 7500 postes. En cause, la pandémie qui a mis au chômage technique 5000 chauffeurs et qui depuis ont quitté le métier. Cette profession souffre également d'un manque d'attractivité, en partie dû aux conditions de travail. Les chauffeurs de bus scolaires sont généralement employés à temps partiel, avec une journée coupée en deux, très tôt le matin et après 17 heures. S’ajoute le salaire qui s’élève en moyenne entre 600 à 800 euros par mois.
Voici trois portraits de chauffeurs de bus scolaires réalisés entre 1968 et 2000. La fragmentation des journées ne semblait pas alors poser de problème. La première archive en tête d’article date de septembre 1968, elle est extraite de l’émission « Echos et reflets » diffusée sur l’unique chaîne de la RTF. Le reportage suit la journée de travail de « Papa Caille» , un chauffeur de ramassage scolaire effectuant l'aller-retour entre Lavaur, Viterbe, Saint-Paul, Damiatte et La Capelle dans l’Aveyron.
« Papa Caille» travaillait avec une estafette estampillée « Transport d’enfants ». Il sillonnait les petites routes et les chemins vicinaux. La première partie du reportage filmait le ramassage des écoliers de bon matin. Deux frères ici, 3 fillettes là. Les enfants montaient dans l'estafette sous le regard des mamans. La camionnette allait continuer à se remplir pour atteindre le nombre impressionnant de 26 enfants. De tous les âges, ils étaient entassés sur les deux banquettes dépourvues de ceintures de sécurité, elles n’existaient pas à l’époque. En milieu de reportage, le journaliste coincé parmi les enfants les interrogeait sur leur trajet. La plus jeune, Sylvie, en école maternelle, prenait le « bus » depuis deux jours, la « vétérante », depuis 4 ans. Les gamins semblaient particulièrement heureux de ce parcours qui les mènerait au groupe scolaire de Damiatte.
La journée de « Papa Caille» se coupait en deux, il devait patienter jusqu'à 17h00 pour retrouver les écoliers. Le chauffeur au fort accent aveyronnais poursuivait sa journée au marché. Il plaisantait sur son époque où le ramassage n'existait pas et où il parcourait les trois kilomètres qui le séparait de l'école, « à pied, avec les sabots » et « la gamelle » pour le repas de midi. En fin de journée, l’ambiance était toujours aussi joyeuse dans le bus rempli de chants d'enfants, heureux de rentrer « au bercail ».
Une femme au volant
Pour le second reportage, direction la Lorraine au coeur de l'hiver 1986. Autre ambiance, même service rural. A 8 heures du matin, le jour n’était pas encore levé et la neige collait au sol. Les yeux étaient cernés. Les enfants emmitouflés semblaient satisfaits de leur immense car qui desservait plusieurs communes entre Bey-sur-Seille et Sornéville à travers de « petites routes avec de nombreux virages », pas toujours en bon état. La neige et le verglas rendant les conditions de circulation encore plus difficiles en hiver. C'est une femme qui assurait ce service difficile. Odette Irmer exerçait sa profession depuis 1971 et connaissait les moindres « trous » sur la route. La conductrice expliquait transporter jusqu'à 161 enfants par jour. Par rapport à 1968, la conductrice travaillait avec une accompagnatrice qui surveillait les enfants. Sa mission consistant à veiller à ce que les écoliers « restent bien assis » et à ce qu’ils ne transportent pas d’objets dangereux, enfin il fallait aider les petits « à monter et descendre du bus ».
Transports scolaires
1986 - 04:03 - vidéo
Se lever tôt
Le dernier portrait de conducteur scolaire nous transporte sur les routes de l’Yonne où Gérard Perrot pratiquait le ramassage scolaire depuis treize ans. Chaque jour son bus avalait 180 km. Le reportage insistait sur un point particulier de cette profession : aimer les petits matins. Pour ramasser les enfants, ce conducteur se levait chaque jour à 5h45. Il avait connu quelques pannes de réveil en début de carrière plaisantait-il , mais « au début » de sa carrière seulement. Ce qui ne changeait pas, comme en 1968, c'était les mamans venues accompagner leurs enfants jusqu'au bus...
Portrait de Gérard PERROT, chauffeur de bus spécialisé dans le ramassage scolaire
2000 - 02:45 - vidéo
Si toutes les régions sont touchées aujourd'hui par la pénurie de chauffeurs, il en manquerait beaucoup plus en régions, selon la FNTV : 550 chauffeurs en Bretagne, 700 autres dans les Pays de la Loire, 400 dans les Hauts-de-France, plus de 1000 en Auvergne-Rhône-Alpes.