« Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n'y entendre que le vent et la mer. Passant respecte sa dernière volonté. » Anonyme, la dernière demeure de François-René de Chateaubriand lui assurait jusque-là une éternelle vue sur le littoral breton où il avait vu le jour. Et pourtant, en compagnie d'amoureux de l'écrivain romantique, le maire malouin Gilles Lurton alerte aujourd'hui : sa tombe est menacée par l'érosion. Située au Grand Bé, face à Saint-Malo, le côté droit est en effet en bord de falaise. Il y a seulement quelques années, on pouvait encore en faire le tour.
En 1996, pour France 3 Bretagne, le journaliste Roger Gicquel se rendait au Grand Bé en compagnie de Bernard Heudré, religieux et auteur du livre Le Grand Bé Chateaubriand, la mer et le vent. « L'ultime voyage de Chateaubriand c'est le voyage vers son tombeau, c'est à Saint-Malo, l'îlot du Grand Bé. "Bé" qui veut d'ailleurs dire "tombeau" en breton. Et c'est un choix », décrivait le journaliste dans cette archive disponible en tête d’article.
Décédé en 1848, François-René de Chateaubriand avait fait ce choix très tôt : « Déjà en 1822-23, on a des traces, des documents qui montrent que Chateaubriand envisageait de se faire enterrer ici. » En choisissant un lieu aussi grandiose, il se rapprochait des plus grands, racontait Bernard Heudré. « Pour Chateaubriand, ce rocher était une sorte de pendant du rocher de Saint-Hélène, étant donné que Chateaubriand s'est toujours situé face à Napoléon. » Ainsi, « Napoléon mort à Saint-Hélène, enterré à Saint-Hélène : Chateaubriand a voulu aussi un tombeau qui soit digne de celui de Napoléon. »
Un enterrement en grande pompe
Malgré une actualité mouvementée à Paris où la mort de l'écrivain romantique n'avait fait que « deux ou trois colonnes au maximum » dans les journaux au lendemain de la révolution de 1848, les funérailles furent « absolument grandioses » en Bretagne. Le corps, qui venait de Paris, avait traversé « toute la Normandie, avec une population énorme qui vient vénérer le corbillard qui passe, les femmes jettent des fleurs. » Et puis d'arriver en grande pompe à Saint-Malo, comme l'expliquait Bernard Heudré : « La scénographie a été parfaitement mise au point par les édiles malouins qui veulent effectivement à travers cet événement retrouver la gloire passée de Saint-Malo ». En effet, depuis quelques années la ville avait perdu de son ampleur et la mort de l'auteur malouin fut une première occasion pour la commune de « commencer à auto-célébrer son histoire ».
Ainsi, selon Bernard Heudré, près de 200 prêtres accompagnèrent le cercueil ainsi que 30 000 spectateurs. Il concluait : « Je crois que ce Grand Bé, isolé par la marée, est aussi le symbole de l’isolement. Là, il espérait trouver la quiétude pour contempler la mer qui, pour lui, est symbole d'éternité ».
