Charles Dumont est décédé dans la nuit du 17 au 18 novembre 2024, à 95 ans. Il reste dans la mémoire de ses admirateurs l'un des compositeurs incontournables des plus grands succès d’Édith Piaf, tels Non, je ne regrette rien, Les amants ou Mon Dieu. L'artiste était aussi un interprète qui avait connu le succès à partir de la toute fin des années 1970. En 1976, alors qu'il se lançait dans une carrière de chanteur solo et s'apprêtait à monter sur scène, il évoquait sa conception de la chanson sur FR3.
Un amoureux du jazz contrarié
Charles Dumont est né le 26 mars 1929, à Cahors, dans la ville du poète Clément Marot. La musique le cueille dès l'adolescence, une en particulier, le jazz et les sonorités du trompettiste Louis Armstrong. C'est ainsi qu'il se lance dans l'apprentissage de la trompette au conservatoire de Toulouse où il obtiendra une médaille d'excellence. En 1949, une opération des amygdales qui tourne mal va changer son destin. À 20 ans, désormais incapable de jouer de son instrument de prédilection, le jeune homme délaisse le jazz et se tourne vers le piano.
À partir de 1950, il devient compositeur de tendres mélodies. C'est à cette époque qu'il rencontre le parolier Michel Vaucaire. Ensemble, le duo gagnant écrit pour la crème de la chanson française : Lucienne Delyle, Marcel Amont, Cora Vaucaire et même Dalida… Mais il manque une voix pour assoir sa carrière, celle d’Édith Piaf, la star incontestée de la chanson française. Après plusieurs tentatives de rencontres infructueuses, Charles Dumont parvient enfin à obtenir un rendez-vous et à capter l'attention de la chanteuse alors alitée, avec un titre : Non, je ne regrette rien.
Edith Piaf, "Non, je ne regrette rien"
1960 - 02:25 - vidéo
1960. À la veille d'un tour de chant à l'Olympia, après un an d'absence pour raison de santé, le magazine «Cinq colonnes à la une» fait découvrir en avant-première aux téléspectateurs la nouvelle chanson d'Edith Piaf : Non, je ne regrette rien. Interprétation de la chanson dans son intégralité, sur scène, avec orchestre.
Après ce premier titre, Charles Dumont va lui écrire une quarantaine de chansons, dont une trentaine qui auront du succès. Parmi eux, Mon Dieu, une chanson mélancolique, composée en 1960.
« Mon Dieu
Mon Dieu
Mon Dieu
Laissez-le-moi
Encore un peu
Mon amoureux !
Un jour
Deux jours
Huit jours
Laissez-le-moi
Encore un peu
À moi... »
Dans l'archive ci-dessous, Charles Dumont accompagne Édith Piaf au piano sur ce titre qui résonne avec la perte de son grand amour, le boxeur Marcel Cerdan, décédé prématurément dans un crash d'avion en 1949, alors qu'il allait la rejoindre à New York.
Edith Piaf "Mon Dieu"
1961 - 03:00 - vidéo
C'est de ce titre dont il est question dans l'archive disponible en tête d'article.
L'ARCHIVE.
De Piaf, il disait qu'elle était à la fois « sa chance et sa réussite » et qu'il lui devait tout. Dix ans après sa mort, en octobre 1973, il déclarait qu'elle était « la personne la plus fabuleuse » qu'il ait rencontré. Elle l'avait poussé à chanter, mais après la disparition d’Édith Piaf en octobre 1963, Charles Dumont connut une traversée du désert. Poussé par la parolière Sophie Makhno, secrétaire de Barbara et d'Anne Sylvestre, le compositeur va peu à peu se mettre en avant pour interpréter ses propres compositions. La Chanson Ta cigarette après l'amour lui apporte la célébrité tant convoitée. Le 13 octobre 1976, à l'occasion de la sortie de son sixième album studio, intitulé Elle ; Une chanson, l'artiste reçoit une équipe des Actualités régionales d'Île-de-France, chez lui. C'est au piano que le chanteur-compositeur revient sur son parcours. Il raconte en premier lieu, comment il s'est lancé sur scène, poussé par le succès de ses disques. « Je m'étais toujours promis que si un jour, j'avais un soutien, quelque chose de solide, je chanterais sur scène. Parce que dans le fond, la seule vérité pour un chanteur, c'est quand même la scène. »
Chanter la mélancolie de l'amour
Au cours de cette rencontre chez lui, Charles Dumont évoque celle qui fut sa muse durant trois années seulement, mais qui marqua le tournant de sa carrière : Édith Piaf. Il explique qu'il n'est pas question pour lui de reprendre les chansons composées pour elle dans son tour de chant, à une exception près, Mon Dieu, une chanson sublimée par la môme Piaf, mais écrite avant qu'il ne la rencontre. « C'est devenu Mon Dieu par elle, mais la musique était antérieure », précise-t-il avant de l'interpréter au piano. Et de poursuivre pour justifier ce choix : « Mon Dieu, c'est une prière et tout le monde a le droit de prier. Tout le monde a le droit de dire : "Laissez-moi la personne que j'aime, laissez-la-moi" ».
Il fredonne : « Laissez-la-moi, encore un peu, à moi... » Puis il explique qu'à ses yeux, il ne s'agit pas d'une chanson triste, mais plutôt mélancolique, et développe la différence entre ces deux notions : « Les gens confondent mélancolie et tristesse. Je leur conseille d'ouvrir un dictionnaire et de voir la différence qui existe entre mélancolie et tristesse. Je pense qu’effectivement, l'expérience de la vie, de l'amour, des choses en général vous laisse un peu de mélancolie. La mélancolie est un état qui ne s'explique pas. On peut être très heureux et mélancolique, alors que la tristesse est toujours justifiée par les événements extérieurs qui vous entourent et qui font que vous ne pouvez pas faire autrement que d'être triste dans certaines circonstances ».
Et de se défendre d'être un artiste triste : « Je ne suis pas un chanteur triste, et je ne veux pas être un chanteur triste. Je suis un chanteur mélancolique parce que je crois que l'amour, qui est mon principal élément de chanson, est toujours un peu mélancolique. »
Cette séquence chez le chanteur vedette s'achève par une interprétation au piano de son succès du moment, la chanson Elle.
Charles Dumont chante "Elle"
1975 - 04:20 - vidéo
Charles Dumont Chante Elle en s'accompagnant au piano.
L'Académie française lui a décernéle prix Henry-Jousselin en 1987 pour l'ensemble de ses chansons. En mars 2004, Charles Dumont fêtae ses cinquante ans de carrière au Bataclan à Paris.
« Je ne suis pas dans l'ombre de Piaf, je suis dans sa lumière... » Après plus de soixante ans de carrière, Charles Dumont a entamé une tournée d'adieux à la scène en 2018 lors d'un concert donné à Besançon (Doubs) avec un orchestre philharmonique. En 2019, il donna un dernier récital La Tour Eiffel en musique - Chantez !, au salon Gustave Eiffel de la Tour Eiffel, à l'occasion de la sortie de son dernier album L'Âme sœur, accompagné par le musicien et arrangeur Frédéric Andrews.
Musique : les adieux de Charles Dumont
2018 - 02:26 - vidéo
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