L'ACTU.
Depuis 2003, le Festival international de carillon de Perpignan met à l'honneur ces instruments de musique qui regroupent des cloches aux sonorités différentes, capables de jouer une multitude de morceaux de musique. L'idée de cet événement campanaire unique dans le sud de la France est de faire découvrir les plus anciens des grands carillons français, d'inviter des carillonneurs français ou étrangers et de programmer des concerts.
Sa 21e édition, du 7 au 11 août 2023, est organisée autour de la thématique « La mer ». « Les carillonneurs invités sauront nous emporter dans le fracas de la houle, ou la paix d’un ressac, en nous proposant une approche toute personnelle de ce thème », promet le site officiel du festival.
L'ARCHIVE.
L’archive en tête d’article présente des carillons anciens détenus par deux villages de l’Aude, Castans et Villegailhenc. Les carillons font partie de la tradition en pays d’Oc et une multitude de cloches sonnent à toutes volées pour annoncer les messes, les fêtes votives, les enterrements ou les mariages. Le reportage que nous vous présentons date de novembre 1966. À l'époque, à Castans, un village du nord de l’Aude, se trouvait un carillon vieux de plusieurs siècles. La caméra montait au sommet du clocher où se nichait le mécanisme « archaïque » qui actionnait huit cloches.
Le commentaire du journaliste, sans doute inspiré par le son cristallin des cloches, s’envolait à son tour dans des descriptions teintées de lyrisme : « la bise légère emporte, à travers les abat-sons, [terme qui désigne un petit auvent ou l'ensemble des lames inclinées vers le bas et l'extérieur disposées dans les ouïes des clochers] et par-delà les montagnes, les harmoniques que distribuent Madame Lapaye », une vieille dame occupée à manœuvrer les fils unissant les cloches.
Plus bas dans la vallée, un autre village, Villegailhenc, possédait lui aussi son carillon, « relativement moderne » mais remontant à cent ans.
Ce carillon est célèbre, c'est celui de l’Église Notre-Dame de Villegailhenc. Il existe depuis 1883 et a été électrifié en 1977. Au moment du sujet, les cloches étaient encore reliées avec du fil de fer à un piano rudimentaire situé en haut du clocher, comme on le voit dans les images. Un carillon remarquable composé de quinze cloches, capable de jouer des airs connus, voire contemporains.
Trois carillonneurs pour quinze cloches
Autre particularité, la bourgade pouvait s’enorgueillir alors de posséder trois carillonneurs ou campanaires, dont le plus jeune de France. Le gamin se lançait dans une démonstration de son art, avant de répondre à une courte interview. Jean-Michel, 10 ans et demi, exerçait cette activité depuis deux ans. Autodidacte, il avait appris à jouer « à l'oreille ». Il sonnait le midi et le soir pour l’angélus et pendant ce temps-là, expliquait-il très sérieusement, avec un sourire en coin tout de même, le carillonneur en titre, lui, se reposait...
Pour l’interview, personne ne se reposait, ironisait le journaliste, car les trois générations de carillonneurs étaient présentes dans le clocher. En plus de l'enfant, le carillonneur en titre, Monsieur Petit, la cinquantaine et Monsieur Haleau, octogénaire. Ce dernier racontait l’histoire du carillon de la ville. Il possédait « quinze cloches », précisait-il, mais seule la « fondamentale » provenait de l’ancienne église. Elle pesait « 1200 kilos », les autres avaient été fondues à « la fonderie Lévêque de Toulouse entre 1883 et 1884 ». Le vieil homme soulignait que l’angélus du matin, que l’on sonnait tous les jours, avaient été composé par une femme, la première carillonneuse du village en 1887. Le reportage s’achevait sur cet angélus, joué par monsieur Petit.
Depuis 1977, le clavier électrifié a été placé au rez-de-chaussée et le campanaire, comme on l’appelle, Pierre Roger, y officie toujours certains jours, mais la plupart du temps, l’angélus est programmé automatiquement à 7 heures, midi et 19 heures, avec différents airs connus. En 2018, à la suite d’une tempête, le clavier et son alimentation électrique ont été inondés, rendant les cloches muettes. Il aura fallu deux mois à une entreprise spécialisée pour tout remettre en état juste à temps pour sonner le Nadalet, un chant de Noël occitan.
Le nom des cloches
Dans les archives du village, on en apprend plus sur les cloches du carillon, notamment qu’une souscription avait été lancée pour payer leur confection. À propos de la cloche principale, il est dit que « plusieurs habitants notables ont exprimé le désir que le clocher achevé soit pourvu de cloches s'harmonisant avec l'unique cloche donnant la note « SOL naturel », pesant 1 160 kgs et qui fut donnée à la paroisse en 1546 par le sieur Pierre AMIEL, propriétaire du domaine de la Pomme », puis « M. Jambert [secrétaire du conseil municipal] propose, à raison, du montant de la souscription, de commander à M. Lévêque, 4 cloches donnant : la 1ère, la note «FA naturel», pesant 680 kgs, la 2ème, donnant la note « LA naturel », pesant 344 kgs, la 3ème, le «SI bémol», du poids de 281 kgs et la 4ème, le « DO naturel », du poids de 200 kgs ».
Pour l’anecdote, est-il précisé, quatre des cloches ont été baptisées du nom des plus gros souscripteurs : « Mme Vve Catuffe à la cloche donnant la note « FA naturel ». Mr Cordes, celui de la cloche donnant la note « SI bémol ». Mr Faurie, celui de la cloche donnant la note « DO naturel ». Et comme témoignage de gratitude à Mr Amiel organiste, pour les bons services dans l'église, celui de la cloche donnant le «LA naturel ».