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L'arrivée des premiers migrants à Calais en 1997

L'arrivée des premiers migrants à Calais en 1997

12 personnes sont mortes noyées le 3 septembre dans la Manche en tentant de rejoindre l'Angleterre. Depuis plusieurs décennies, Calais est devenue la porte d'accès au Royaume-Uni. Cette situation date du début des années 2000. À l'époque, les associations espéraient que ce retrait une situation temporaire.

Par Florence Dartois - Publié le 05.09.2024
Calais : Des Tziganes refoulés de Douvres - 1997 - 01:30 - vidéo
 

L'ACTU.

Au moins 12 personnes, dont une majorité de femmes, sont mortes dans la Manche mardi 3 septembre 2024 en tentant de rallier l’Angleterre sur un bateau de fortune. 51 personnes ont pu être sauvées, notamment grâce à l’intervention de pêcheurs. C'est le huitième naufrage dans cette zone depuis le début de l'année 2024.

Pour de nombreux migrants désireux de rejoindre le Royaume-Uni, Calais représente une porte d'accès incontournable. Rien, malgré le coût financier et humain, ne peut les dissuader de tenter l'aventure. Cette migration a débuté à la toute fin des années 1990 comme le montrent les archives.

L'ARCHIVE.

Depuis 30 ans, la ville de Calais est devenue une zone de transit pour les personnes en situation d'immigration. Un contexte qui a donné lieu à la création de ce qu'on a appelé la Jungle de Calais, sorte de bidonvilles de fortune où se regroupent les candidats à l'immigration en attendant leur passage vers l'Angleterre.

Nos premières archives évoquant ce rôle de carrefour de cette région datent de 1997. À l'image du reportage disponible en tête d’article. Le 20 octobre, FR3 Nord-Pas-de-Calais relatait l'arrivée dans le port d'une soixantaine de Tziganes refoulés par les autorités britanniques à Douvres. Originaires d'Europe de l'Est, ils s'apprêtaient à passer une seconde nuit au terminal voyageurs du port de Calais.

Fuyant la violence raciale dont ils étaient victimes chez eux, en République tchèque, ils réclamaient l'asile politique à la Grande-Bretagne et refusaient de regagner leur pays. Les autorités britanniques les avaient renvoyés vers Calais, jugés indésirables sur leur territoire.

La présidente de l'association « La Belle Étoile » décrivait leur situation inextricable chez eux où ils étaient persécutés par des skinheads. Depuis une semaine, près de 300 Tziganes avaient tenté de rejoindre la Grande-Bretagne, qui, leur promettait-on, était accueillante.

Non signataire du traité de Schengen, les Britanniques voulaient contrer la vague d'immigration de l'Europe de l'Est, les autorités migratoires arguant des motifs économiques. Refoulés et de retour à Calais en France, les migrants s'apprêtaient à demander l'asile en France.

Rejoindre l'Angleterre, la terre promise

À partir de 1997, les JT régionaux n'ont cessé de relater des tentatives de passages Outre-Manche, généralement sans succès. À l'époque, les migrants, de plus en plus nombreux, tentaient leur chance, soit par le tunnel, soit par les ferrys, en se dissimulant clandestinement dans des camions.

Le 11 février 1998, le JT de FR3 Nord-Pas-de-Calais relatait la découverte de 65 passagers clandestins interceptés à Coquelles, une commune qui fait aujourd'hui partie de la communauté d'agglomération Grand Calais. Les migrants s'étaient cachés dans un camion, profitant de l'arrêt d'un routier sur un parking.

Une fois arrêtés par les autorités françaises, les immigrés pouvaient « faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une invitation à quitter le territoire » et de plus en plus, en application de l'accord de Schengen, ils faisaient l'objet « d'une procédure de réadmission dans le dernier pays de transit », expliquait le sous-préfet de Calais, Pascal Cogez.

Création d'un centre d'accueil

Alors que le nombre de candidats au départ et de refoulés augmentait rapidement, les associations de Calais tiraient la sonnette d'alarme. Faute de structure d'accueil, la situation devenait critique.

Dans l'archive ci-dessous, une association tente de nourrir une centaine de Kosovars réfugiés dans le parc Saint-Pierre de Calais. La nourriture commence déjà à manquer, sans compter qu'aider un clandestin est passible d'une peine de prison. « Il vaut mieux aller en prison pour avoir donné à manger à quelqu'un que pour un crime horrible » se console l'un des bénévoles.

Les associations se débrouillent pour loger les réfugiés, parfois chez eux, ou à l'hôtel et réclament la création d'un centre d'accueil permanent, « ce serait un soulagement pour tous les bénévoles ».

Sangatte : un hébergement précaire

Ce centre d'accueil prend la forme d'un hangar tout proche de Sangatte. En août 1999, un reportage montre son fonctionnement. Chaque matin, la gendarmerie dépose les clandestins, souvent très jeunes, dont la tentative de passage en Angleterre a échoué. Certains tentent leur chance tous les jours auprès de bateaux ou de camions. Arrêtés dans la nuit, ils sont ramenés au centre et deviennent ainsi des habitués chaleureusement salués par les associatifs. Ce jour-là, ils sont vingt à prendre le petit déjeuner dans le hangar, la plupart sont mineurs et déclarent avoir de la famille sur l'île promise. Ils réessayeront ce soir.

Dans ce hangar vétuste se trouve aussi des familles, avec des enfants, pour qui rien n'est prévu. Elles restent là à attendre de longues semaines que leurs démarches aboutissent, aidées par des associations qui tentent d’accélérer les dossiers.

Quelques semaines plus tard, en septembre 1999, un autre reportage montre comment le centre s'est organisé. Des Algécos ont été installés dans le hangar, soit 200 places, notamment pour les familles, sous l'égide de la Croix-Rouge venue en renfort des associations locales. Un semblant de confort qui ne cache pas la misère qui commence à s'étendre autour du hangar, avec l'apparition de tentes de fortunes de plus en plus nombreuses.

Quelques semaines à peine après son ouverture, le centre d'accueil débordé par le nombre de clandestins prend déjà des allures de bidonville. Cette misère qui s'installe sur la côte calaisienne, face à l'Angleterre toute proche, inquiète les principales associations. Ainsi, un membre d'Emmaüs présent sur place, souligne que le problème de Calais est un problème européen. Il appelle à ce que la communauté européenne prenne cette question à bras le corps.

Ce reportage montre qu'à l'époque, on ne savait pas jusqu'à quand durerait cette situation que les associatifs estimaient temporaire. La Croix-Rouge misait sur un hiver difficile, et le commentaire de conclure : « et même si le gouvernement ne veut pas pérenniser cette situation, le centre d'accueil d'urgence servira certainement plusieurs semaines... »

La Croix-Rouge tente d'instaurer une sorte de quotidien pour les 25 nationalités qui se côtoient à Sangatte, mais le flux irrégulier des migrants rend difficile l'intendance dans le centre.

La question est des avoir comment dissuader tous ceux qui voit l'Angleterre comme un paradis où la vie sera plus belle ?

Un réfugié irakien : « Notre problème ce n'est pas de manger et de dormir, ce que nous voulons, c'est aller en Angleterre, car nous aurons des droits là-bas. Celui de travailler, celui d'être intégré ».

Apparition des filières mafieuses de passeurs

Contrairement aux espérances des associations, le flux migratoire, loin de s'endiguer, continue de progresser. En juin 2000, ils sont 600 au centre. L'occasion pour les filières de passeurs (moscovites ou albanais) de s'infiltrer à Sangatte. Une responsable de la Croix-Rouge se sent impuissante : « Ils sont mis dehors, théoriquement, mais ils arrivent toujours à réintégrer le centre. »

En 2000, la mort de réfugiés chinois victimes d'un réseau met en lumière ce trafic juteux. Car contrairement à l'idée reçue, tous les migrants ne sont pas sans ressources et payent très cher pour organiser leur traversée.

Une radiologue iranienne qui a fait appel à un réseau de passeurs : « Nous ne sommes pas pauvres. Dîtes le bien que nous ne sommes pas des mendiants. L'Iran n'est pas un pays pauvre, il n'y a que des problèmes politiques. »

Les espérances des associations ont été déçues. Le centre d'hébergement de Sangatte n'a cessé de s'étendre. En 2002, il devient « la Jungle de Calais », terminologie qui englobe le camp de migrants et ses installations précaires à Calais, Coquelles et Sangatte, aux abords de l'entrée française du tunnel sous la Manche et de la zone portuaire de Calais. Démantelés à de nombreuses reprises, comme en 2009 ou en 2016, ces camps de fortune n'ont jamais complètement disparu, fluctuant en fonction des conflits et crises internationales. Exilés et demandeurs d'asile continuent de tenter de rejoindre la côte anglaise, au péril de leur vie.

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