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La Madrague à Saint-Tropez : le paradis et l'enfer de Brigitte Bardot

La Madrague à Saint-Tropez : le paradis et l'enfer de Brigitte Bardot

Brigitte Bardot est toujours restée fidèle à son port d'attache, La Madrague, sa maison de Saint-Tropez dans le Var. Au début des années 1980, elle ouvrait ses portes et évoquait sa vie loin du cinéma. 

Par Florence Dartois - Publié le 26.09.2024
Brigitte Bardot et la Madrague - 1980 - 08:33 - vidéo
 

L'ANNIVERSAIRE.

Brigitte Bardot, qui célèbre ses 90 ans le 28 septembre 2024, est fidèle au petit village de la Côte d'Azur : Saint-Tropez. Depuis la fin des années 1950, elle est devenue l'enfant chérie du pays, se réfugiant dans sa maison, La Madrague, un havre de paix en bord de mer acheté en 1958. C'est chez elle, dans son quotidien, que nos archives nous entraînent.

LES COULISSES DES ARCHIVES.

« J'adore les maisons rustiques, j'adore les maisons qui sont confortables, mais pas luxueuses. Voilà, je n'aime pas le luxe, l'éclaboussure du luxe. ». C'est ainsi que Brigitte Bardot parlait de sa maison le 7 mai 1980 dans l'émission « Mi fugue mi raison », dans un reportage réalisé par Allain Bougrain-Dubourg. Tous deux vécurent ensemble une belle histoire d'amour durant sept ans.

L'actuel président de la Ligue de protection des oiseaux avait rencontré BB en 1977, alors qu'elle se rendait sur la banquise canadienne pour défendre les bébés phoques. Dans son autobiographie parue aux éditions de la Martinière en 2015, l'ancien journaliste écrivait : « Je me suis trouvé face à une femme fragile, charmante, une personnalité nature, bouleversée par ce qu'elle découvrait. On a senti très vite une complicité (...) On avait les mêmes passions, une éducation comparable, le goût pour la nature, pour le silence comme pour les discussions sans fin... »

Cette complicité a permis au jeune journaliste qu'il était alors de réaliser plusieurs reportages à La Madrague, au tout début des années 1980. Les portes du refuge méditerranéen de Brigitte Bardot, niché face à Saint -Tropez, se sont ainsi ouvertes en grand aux téléspectateurs. Un fait assez rare pour être souligné. Allain Bougrain-Dubourg a sans doute réalisé l'un des plus beaux portraits de femme de Brigitte Bardot, tantôt ingénue, libre ou provocatrice. Sans pour autant nier une certaine violence quand il s'agissait de défendre la cause des animaux.

LES ARCHIVES.

Ce qui surprend de prime abord dans cette première archive disponible en tête d'article, c'est sa simplicité. Le luxe dans lequel il lui aurait été facile de se vautrer, l'ex-star de cinéma le rejetait avec une certaine dérision, « on m'invite, mais je n'y vais pas. J'ai peur de m'enrhumer, il fait trop froid », ironisait-elle, devant chez elle. Une maison, selon elle, reflétait toujours la personnalité de ses occupants, en tout cas, la sienne lui ressemblait, assurait-elle.

Illustrées par la musique de sa chanson La Madrague (« Sur la plage abandonnée... »), quelques plans laissaient entrevoir son décor quotidien : des barques abandonnées sur une petite plage privée, abritée de murs plongeant dans la mer méditerranée, ses chiens...

Son combat pour les animaux ne s'arrêtait pas aux portes de La Madrague, au contraire, c'est là qu'elle essayait de « reprendre du courage et de la force, avec le soleil, avec la mer, avec les choses très simples de la vie, avec mes animaux, qui eux sont des animaux heureux... » pour mieux défendre les animaux martyrs, expliquait-elle. Ici, elle reprenait du courage pour « retourner se battre à Paris contre les gens méchants avec les animaux ».

Ce qui surprend aussi dans cet échange, c'est la façon qu'à Allain Bougrain-Dubourg de la pousser dans ses retranchements, n'hésitant pas à lui poser des questions très directes. Ainsi lorsqu'en évoquant son agressivité, il lui demande si ce n'est pas contre-productif pour son combat. « On n'a jamais fait la guerre en souriant », lui rétorquait-elle, ajoutant « il faut être dure, ferme et aller jusqu'au bout des choses ». Toute sa force de conviction transparaissait Dans une pirouette, elle lui précisait : « mais en ce moment, je ne fais pas la guerre et je suis la femme la plus souriante et la plus heureuse du monde ».

Un paradis infernal

« Mon grand bonheur, c'est qu'il n'y ait personne à Saint-Tropez ». Ce reportage intimiste évoquait aussi un point noir, celui de l'affluence touristique à Saint-Tropez. Ce village cher à son cœur était devenu un lieu de rendez-vous du snobisme, une « foire à neu-neu, des galeries Lafayette » regrettait-elle. Mais la pression touristique était encore plus forte aux abords de La Madrague. Brigitte Bardot souffrait que sa maison soit devenue l'objectif des touristes, « l'arc de triomphe de Saint-Tropez », ironisait-elle.

Chaque été, ils débarquaient « avec des pique-niques et des billets de 10 francs pour visiter ». Une situation qui l'oppressait. « C'est complètement fou, c'est une maison qui est devenue un point de ralliement du monde entier ». Les incivilités, le manque de respect des curieux l'insupportaient. « Ce n'est pas une question d'argent ou de moyens, c'est une question d'humanité et de respect de la vie humaine et de la vie de chacun... L'humanité se conduit très mal et est très mal élevée... » Et quiconque arrivait chez elle sans y être invité devait s'attendre à être très mal accueilli, « j'aime mieux vous dire que je ne suis pas aimable du tout. Je suis très, très méchante. ».

Lorsque Allain Bougrain-Dubourg l'interrogeait sur sa part de responsabilité dans cette popularité de Saint-Tropez, elle se dédouanait en l’attribuant plutôt au succès du film de Roger Vadim, Et Dieu créa la femme, qui la rendit célèbre, mais surtout à la beauté de ce charmant petit village, qui, ajoutait-elle, « serait devenu ce qu'il est, avec ou sans moi ».

Une enfant du pays

Brigitte Bardot s'est toujours considérée comme l'enfant du pays, comme elle l'avouait dans ce reportage. Amoureuse du cadre de vie et de ses habitants avec qui elle entretenait des rapports « formidables », expliquait-elle. « J'adore les gens du pays et je crois qu'ils m'aiment aussi. Je suis un peu leur fille. Il y a 25 ans que je suis là ».

Brigitte Bardot et Saint Tropez
1983 - 02:41 - vidéo

Si Brigitte Bardot a choisi Saint-Tropez, ce n'est pas un hasard. Elle y passa ses vacances d'enfant, car ses parents possédaient une maison de famille, « La Saravia », rue de la Miséricorde. C'est d'ailleurs pendant des vacances tropéziennes qu'elle rencontra celui qui allait devenir son premier mari et la rendre célèbre : Roger Vadim. Elle avait 16 ans. C'est toujours à Saint-Tropez que Vadim tourna Et Dieu créa la femme en 1955. Certaines scènes du film ont été tournées dans le quartier de la Ponche, sur la petite plage.

L'actrice découvre la Madrague en 1958 près de la plage des Canoubiers. C'est le coup de foudre. Au fait de sa gloire, elle et « la bande à BB », comme on disait alors, s'y retrouvaient pour des fêtes mémorables. Sacha Distel, Jean-Louis Trintignant, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon et tant d'autres stars y séjournèrent. C'est l'époque magique, où l'été, Saint-Tropez rayonnait sur le monde et autour de BB, chacun essayant de l'approcher ou de lui ressembler. Cette ambiance festive est bien décrite dans l'archive ci-dessous, extraite du journal des Actualités françaises en 1959.

La dernière mode de Saint Tropez
1959 - 01:07 - vidéo

Le temps du ressourcement et de l'isolement

En 1982, lorsque Allain Bougrain-Dubourg filme sa compagne à La Madrague, toutes ces fêtes et cette ambiance festive de Jet-Set ne sont plus qu'un lointain souvenir. Du moins pour Brigitte Bardot. Dans sa maison où elle ne vient qu'en automne et au printemps, Brigitte Bardot travaille, écrit ses mémoires, lit beaucoup et s'occupe de ses chiens. Chaque jour, elle joue avec sa troupe de 7 canidés et rend visite aux autres, nombreux, qui sont enterrés dans son jardin.

Les archives qui suivent sont extraites de l'émission intitulée « Brigitte Bardot telle quelle » diffusée en janvier 1983 sur Antenne 2.

« C'est très important mes chiens. Je les ai choisis, ils m'ont choisie et on se fait une petite vie vraiment chouette ».

Dans cet autre extrait, Brigitte Bardot explique pourquoi elle a choisi de vivre dans la solitude.

« Je choisis ce qu'il y a de mieux et ce qu'il y a de mieux c'est ce que j'ai choisi, c'est-à-dire ne plus voir personne ou très peu de gens et vivre avec des animaux ».

Dans ce portrait intime, Brigitte Bardot livre son souhait le plus cher, celui qu'elle rêverait de voir exaucer. Il concerne les animaux.

Brigitte Bardot à propos des animaux
1983 - 01:12 - vidéo

« Ce serait que les hommes prennent conscience que les animaux souffrent. L'animal n'est pas intéressé, l'animal n'est pas hypocrite, l'animal mérite tellement d'amour, d'attention. C'est ça mon vœu le plus cher ». « L'animal, il est fait pour être aimé, respecté, protégé par l'homme (...) car il est plus faible que nous ».

Saint-Tropez, lieu d'ancrage de son action

Une dizaine d'années après cette émission, en 1992, toujours fidèle à la cause animale, Brigitte Bardot offrait sa Madrague comme caution à la fondation qui porte son nom. BB n'abandonna pas pour autant son refuge tropézien, ouvrant un autre lieu en 1993 : La Garrigue. Elle l'utilisera pour promouvoir son action, comme dans ce sujet de JT en 1999.

Dans cette interview, elle raconte avoir tourné la page sur sa vie d'actrice, voyant cette nouvelle vie est comme « une réincarnation », une vie « très proche de la nature, des animaux, très proche de la vérité, de la douleur et de la joie ».

« Vous êtes ici chez moi à La Garrigue, dans un paradis d'animaux qui n'a rien à voir avec Saint-Tropez ».

Saint-Trop' cultive le mythe Bardot

Si BB a décidé de s'isoler à La Madrague et de n’apparaître que très rarement en public, Saint-Tropez continue à faire vivre son mythe. Chaque été, des milliers de touristes affluent sur son port avec une question récurrente : où se trouve la maison de Bardot ? Ils n'échapperont pas à la visite en bateau de la baie des Canoubiers pour tenter d'apercevoir La Madrague, dissimulée derrière la végétation.

La ville de Saint-Tropez organise régulièrement des expositions en hommage à celle qui lui donna ses lettres de noblesse. En 2010, l'une d'entre elles revenait sur ses 21 années de carrière et ses 80 films. Et en 2014, son époux, Bernard D'Ormale, acceptait de commenter quelques clichés retraçant sa vie.

Expo BB à St Tropez
2014 - 02:18 - vidéo

Le dernier hommage en date rendu par Saint-Tropez à son idole fut une statue en bronze à son effigie, signée Milo Manara.

Statue de Brigitte Bardot à Saint-Tropez
2017 - 01:29 - vidéo

« C'est la plus belle femme du monde. Elle n'a jamais été égalée. Personne n'a pu atteindre sa beauté jusqu'à présent », « Cette statue, c'est le cadeau du village pour Brigitte Bardot qui a eu 83 ans il y a quelques jours et qui vit toujours ici dans la plus grande discrétion. Un hommage à l'actrice française qui a largement contribué à la renommée de Saint-Tropez », « la féminité, la splendeur, ses films. C'est magnifique », « Les petites robes en vichy, etc. C'était un plaisir ».

Aujourd'hui encore, dans la discrétion, Brigitte Bardot continue de militer pour la cause animale depuis sa Madrague. Sa maison reste son refuge. Quant à Saint-Tropez, indissociable du personnage, le village est à jamais l'écrin de l'un des plus grands mythes du cinéma français.

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