C'était en 1990, Bernardo Bertolucci venait d'être primé deux ans auparavant pour son film Le dernier empereur, empochant 9 statuettes à Hollywood, dont l'Oscar du meilleur film. Il exprimait lors de cette interview donnée à l'émission Cinéma cinémas son goût pour les oeuvres mûries après détachement et réflexion, en opposition avec l'instantanéité dont se nourrissait la télévision.
"Je ne fais pas de films américains, je fais des films indépendants, européens"
Bernardo Bertolucci se voulait un "cinéaste indépendant", prenant plaisir à déranger les codes du cinéma "commercial". Quand on le félicitait du succès commercial de ses films, les qualifiant "d'Américains", il s'en offusquait.
Il se revendiquait au contraire profondément Italien et Européen, toujours ouvert et curieux des cultures du monde, mais n'oubliant pas cette Italie du Nord qui l'avait vu naître - il était né en 1941 à Parme. Une région qu'il avait choisie comme cadre de l'un de ses plus ambitieux films, 1900, réalisé en 1976, et réunissant d'aussi prestigieux acteurs que Gérard Depardieu, Robert De Niro, Donald Sutherland, Dominique Sanda et Burt Lancaster.
Une oeuvre forte, décrivant en plus de 5 heures la guerre sociale opposant la classe dominante des propriétaires terriens aux masses laborieuses et opprimées de l'Italie du début du XXe siècle.
"Marlon Brando a refusé de me parler pendant des années"
Chez les grands acteurs, Bernardo Bertolucci aimait "observer les idées", les aidant à "s'abandonner". Marlon Brando lui reprochera même de lui avoir fait "trop confiance". Dans Le Dernier Tango à Paris, réalisé en 1972, le grand acteur américain partageait l'affiche avec la jeune Maria Schneider. Une scène d'amour, sulfureuse, allait propulser cette oeuvre au rang des grands films maudits, provoquant chez la jeune actrice française une dépression dont elle ne se défit jamais. Marlon Brando, bien plus âgé et expérimenté qu'elle, fut si marqué par le film qu'il refusa de parler à Bertolucci pendant de nombreuses années.
"La première fois que j'ai rencontré Pasolini, je l'ai pris pour un voleur"...
Ses grandes réalisations des décennies 1970 et 1980 laissèrent place par la suite à des films moins spectaculaires, mais presque toujours remarqués par la critique, comme Beauté volée, en 1996, et Les Innocents, évoquant le Paris révolutionnaire de mai 68, en 2003. Son dernier film, Io e Te, sorti en 2012, tourné à Rome avec des acteurs italiens, fermait la boucle d'une filmographie nourrie aux classiques du cinéma italien, avec comme maître à penser la figure de Pier Paolo Pasolini, dont il fut l'ami et l'assistant sur le film Accattone, en 1961...
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