La bataille des Ardennes, également connue sous le nom de « Bataille du Saillant » ou « Offensive von Rundstedt », a été lancée par les Allemands le 16 décembre 1944. Cette attaque surprise orchestrée par Adolf Hitler visait à ralentir l’avancée des Alliés vers l’Allemagne. En capturant le port stratégique d’Anvers, il souhaitait les diviser, les déstabiliser en les privant de ravitaillement. Pour Adolf Hitler, l’objectif était aussi de permettre aux forces allemandes de se réorganiser et de renforcer leurs défenses. En outre, comptant sur une victoire significative, le führer voulait forcer les Alliés à négocier une paix séparée qui aurait permis à l’Allemagne de concentrer ses efforts sur le front de l’Est contre l’Union soviétique.
Malgré une percée initiale facilitée par le mauvais temps, la résistance des Alliés anglais et américains, notamment à Bastogne (Belgique), et l’amélioration des conditions météorologiques ont permis une contre-offensive réussie, grâce à l’aviation alliée. L’échec allemand a largement contribué à épuiser leurs ressources et a accéléré la fin de la guerre en Europe. Cette bataille au bilan humain plus lourd que celui du débarquement a représenté un traumatisme pour les survivants.
L’ARCHIVE.
L’archive disponible en tête d'article est une évocation de ce tournant de la guerre. Elle a été diffusée dans le 19-20 du journal de FR3 Reims le 10 février 2013. Le reportage réalisé sur les lieux des combats, à l’aide d’interviews, de témoignages, de reconstitutions et d’images d’archives, est intitulé « Un mois en enfer ».
Profitant des mauvaises conditions météorologiques qui empêchent les avions alliés de voler et d’apporter un quelconque soutien aérien aux troupes postées au sol (le temps est couvert et neigeux), les Allemands lancent une attaque surprise à travers les Ardennes. « La bataille des Ardennes. C'est l'appellation donnée à l'ensemble des opérations militaires qui se sont déroulées dans les Ardennes belges et le nord du Grand-Duché du Luxembourg. Les combats commencent le 16 décembre 1944 par une attaque surprise ». Les images nous plongent d’emblée dans l’ambiance dans laquelle se retrouvèrent les combattants des deux camps en décembre 1944 : de larges étendues glacées et enneigées à perte de vue.
Cette offensive agressive était vouée à l’échec, en tout cas du point de vue de l'état-major allemand, dans lequel le plan du führer était loin de faire l'unanimité. C'est ce qu'explique ici Robert Clam, guide local. Il assure que les généraux allemands qui combattirent dans cette région savaient dès le début que c’était une bataille perdue d’avance. Il évoque notamment le général Hasso von Manteuffel (commandant de la 5e armée blindée allemande).
Dans un premier temps, l'effet de surprise souhaité par Adolf Hitler joua pleinement comme le souligne le commentaire : « Les alliés ne s'attendent pas à une offensive en Ardennes. L'État-major allié est convaincu que la nature du terrain et l'approche de l'hiver dissuaderont les Allemands d'attaquer dans ce secteur de Bastogne, ce qui explique le faible dispositif : 85 000 Américains font face à 220 000 soldats allemands. » De fait, les forces en présence sont inégales et défavorables aux alliés.
Les civils au cœur des combats
Face à l’avancée des troupes allemandes, la population est sommée de s’enfuir. Des témoins relatent les faits. Ainsi Marie-Thérèse Maquet-Louis, enfant à l’époque, qui se souvient de son exode dans un village voisin de Bastogne : « Je me rappelle très bien que les Américains nous ont dit : "Vous ne pouvez plus rester, après Noël, il faut absolument que vous partiez". Et nous sommes partis à pied, bien entendu, avec une charrette, mes grands-parents et nous avons été dans un petit village, à quinze kilomètres. »
Mais d’autres refusent de quitter leurs maisons et se réfugient dans les caves sous le feu de l’ennemi. C’est le cas de Maggy Marenne. En décembre 1944, elle avait six ans et demi. Elle décrit les conditions d’hygiène dans lesquelles elle vécut avec ses proches, « nous étions à peu près 45 personnes entassées (...) ça a été les poux, la dysenterie, la promiscuité épouvantable. (...) »
Bastogne épicentre de l’enfer
Pendant que les civils se terrent, les Allemands avancent rapidement. Les forces allemandes, composées de 28 divisions, dont 9 blindées, réussissent à percer le front américain sur 60 km, entre Montjoie et Trêves. Forts de cette percée initiale, ils décident de prendre la ville de Bastogne. Située dans la région wallonne, plus précisément dans la province du Luxembourg, la cité se trouve au cœur de l’Ardenne belge, à environ 12 km de la frontière avec le Luxembourg. Son nœud routier important en fait un point stratégique capital.
À l'approche de Noël, Bastogne est prise en tenaille. « Les Allemands ont connu un succès foudroyant sur le même terrain en mai 1940, mais ne tiennent pas compte des conditions météorologiques. L'hiver rigoureux remplace le printemps radieux. Le 25 décembre, les Allemands décident de jouer leur vatout pour tenter de prendre la ville. Bastogne va vivre une nuit d'enfer… »
Maggy Derenne a vécu les combats depuis sa cave et a échappé à la mort, elle explique comment : « Je me souviens que c'était le soir, je m'endormais sur un tas de pommes de terre et au-dessus de moi, il y avait des étagères avec la provision de pommes pour l'hiver. Et j'ai rêvé que les étagères s'écroulaient. En réalité, c'était un obus qui était passé par un soupirail et qui avait démoli un premier mur. Et puis j'ai reçu les décombres sur la tête. [Cet obus] est allé se perdre dans une troisième cave. On ne l'a jamais retrouvé. J'ai appris après que c'était sans doute un obus perforant. » Et de conclure avec un sourire entendu, « Heureusement, il n'a pas explosé. »
Dans l’enfer des combats, Marie-Thérèse Maquet-Louis, elle aussi âgée de six ans, a connu un petit miracle. Elle raconte comment, moyennant une bouteille de rhum pour rétribution, un soldat américain est retourné chez elle au péril de sa vie pour lui rapporter son nounours. « Il a vraiment risqué sa vie et le nounours était là. C'était le principal pour moi ». Cet ours en peluche, elle le possédait toujours 70 ans plus tard et il trônait sur ses genoux le jour de l’interview.
Un mois de combat acharné
Le 20 décembre 1944, la ville de Bastogne est encerclée par les Allemands. Le 22 décembre général américain McAuliffe refuse de se rendre, répondant « Nuts » à la demande de reddition allemande. Une anecdote évoquée dans l'archive ci-dessous.
Commémoration, à Bastogne, du 60ème anniversaire de la Bataille des Ardennes
2004 - 02:37 - vidéo
19 décembre 2004. Commémoration, à Bastogne, du 60ème anniversaire de la Bataille des Ardennes. Distribution de noix en référence au refus du général américain.
Un vétéran américain évoque la bataille : « Il faisait très froid, la plupart de nous dormions dans la neige, nous combattions durement, les Allemands étaient déterminés à garder position er nous, pour notre part, nous étions déterminés à les déloger. »
Les forces s'inversent
Les conditions météorologiques s’améliorant, les alliés lancent une contre-attaque le 26 décembre 1944. La résistance héroïque des troupes américaines à Bastogne et Saint-Vith joua un rôle crucial dans la suite des combats. L'archive audio à écouter ci-dessous témoigne de ce revirement et de l'entrée en action de l'aviation alliée.
La bataille des Ardennes
2024 - 03:09 - audio
25 décembre 1944. La bataille des Ardennes. Chronique radio de Jean Marin sur la bataille des Ardennes, le rôle joué par l'aviation alliée, sa supériorité et les dégâts causés aux Allemands. Et la contre-offensive alliée au sol.
Du côté de Foy, les combat sont acharnés comme l’évoque le reportage en tête d'article à l’aide d’images de reconstitution. « Foy, situé à quatre kilomètres de Bastogne, est le théâtre de combats violents entre Allemands et Américains. Dans le bois Jacques, les soldats de la 101ᵉ division aéroportée se terrent dans des trous individuels appelés les « Fox Hole ». Certains existent encore aujourd'hui. Les hommes campèrent durant un mois dans des conditions de vie éprouvantes avant de donner l'assaut à Foy mi-janvier », précise le commentaire.
Mais les Allemands ne comptent pas capituler et des sections SS chargées de représailles font leur apparition dans la région. Des hommes, des femmes, des enfants sont arrêtés et fusillés sans motif comme se souvient Maggy Derenne dont le beau-père fut assassiné à l’époque : « Mon mari, par exemple, qui vient du village voisin de Laneuville, il a eu son papa assassiné par des SS, mais sans raison. À Laneuville, les Allemands et ceux qui étaient à leur solde, ont assassiné huit hommes du village simplement en représailles, parce qu'ils avaient entendu dire qu'à la Libération, on avait un peu trop fêté. Et alors, ils les ont obligés à creuser leur trou à mains nues. Et ils ont reçu une balle dans la nuque et sont tombés dans une fosse et on les a retrouvés après la guerre. »
Le message de paix d’un soldat allemand
La suite du reportage fait allusion au devoir de mémoire, notamment à l’attention des plus jeunes pour qu'ils n'oublient pas le sacrifice des anciens et rendent hommage au courage des disparus. Car la bataille fit de nombreuses victimes.
À l’issue des combats, un instituteur retrouva un message inscrit par un soldat allemand sur le tableau noir de sa classe, une fillette le lit à l'issue du reportage : « Que jamais le monde ne vive semblable nuit de Noël. Mourir par les armes, loin des enfants, de son épouse et de sa mère. Rien de plus cruel. Ravir un fils à sa mère, un mari à son épouse, un père à ses enfants, est-ce digne d'un être humain ? La vie ne peut être donnée et acceptée que pour s'aimer et se respecter. C'est du tableau, des ruines, du sang et de la mort que naîtra sans doute la fraternité universelle. »
Le bilan de la bataille
La bataille des Ardennes a été l’une des plus grandes et des plus coûteuses de la Seconde Guerre mondiale. Son bilan humain est très lourd : 65 838 morts ou disparus au sein de la population, des troupes alliées et allemandes.
Ces combats marquent un tournant de la guerre et ont joué un rôle crucial dans la défaite finale de l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. L’intensité des combats a participé à l’épuisement des réserves allemandes en carburant, munitions et matériel, ce qui a affaibli la capacité de l’armée à mener des opérations offensives par la suite.
Côté Alliés, la bataille des Ardennes a produit plusieurs effets positifs. Elle a renforcé la coopération entre les forces Américaines et Britanniques, et les a poussés à coordonner leurs efforts pour repousser l’offensive allemande. Après ce succès commun, le moral en hausse des troupes alliées fut essentiel dans la motivation à reprendre l’initiative et à lancer des offensives qui conduisirent à la libération de l’Europe occidentale et à la chute de Berlin quelques mois plus tard.
L'artillerie américaine dans les Ardennes
2024 - 08:36 - audio
Janvier 1945. L'artillerie américaine dans les Ardennes. Reportage audio de Pierre Crenesse auprès de l'artillerie américaine dans les Ardennes (incomplet), la bataille en cours à l'est de Bastogne, les positions respectives des Allemands et des Américains ; l'enregistrement sonore se fait sur un magnétophone à fil américain ; interview d'un artilleur américain en français : les Allemands reculent (50 ") ; échos sonores de tirs d'artillerie, commentaires du journaliste sur l'accès des correspondants de guerre aux zones de feu.
Les forces allemandes commencèrent à se replier face à la pression alliée en janvier 1945. La bataille se termina officiellement le 25 janvier 1945.