L'ACTU.
Lundi 22 juillet, comme souvent en été, le littoral girondin fait l'objet d'une alerte maximale pour les courants de baïnes.
Le littoral de Nouvelle-Aquitaine est largement concerné par ce phénomène bien connu des sauveteurs. Sur son site, la Société nationale des sauveteurs en mer (SNSM) donne des précisions sur la nature de ces baïnes, « petite bassine » en patois du Sud-Ouest, trop souvent méconnues des vacanciers. Il s'agit d'un « trou dans le sable formé le long de la plage sur une largeur très variable », peut-on lire, il se remplit d'eau par le mouvement des marées. Le courant se forme entre la plage et un banc de sable, créant une zone faussement calme, attractive pour les baigneurs. Elles sont nombreuses dans « les fonds sableux des côtes de l'Atlantique et de la Manche », où on les nomme « bâches ».
Pour mettre en garde les baigneurs, les sauveteurs en mer multipliaient autrefois les campagnes d’informations, à l’image de l’archive proposée en tête d’article.
L'ARCHIVE.
Ce reportage de juillet 1983 a été diffusé dans le JT de France Régions 3 Bordeaux. L’été précédent avait été particulièrement meurtrier sur la côte landaise où l’on avait dénombré 800 interventions et 40 noyades. Pour sensibiliser les estivants, les maîtres-nageurs sauveteurs organisaient des sessions d’information sur les plages et camping locaux. Parfois même, en allemand, pour toucher le maximum de public, comme le montre le début de l'archive. Munis d’un haut-parleur et d’un tableau blanc, à grand renfort de schémas explicites, un sauveteur décrivait le phénomène.
Il soulignait un point crucial, le fait que la dangerosité des baïnes était maximale durant « les deux premières heures de la marée montante » et « les deux dernières heures de la marée descendante ». « Dans ces heures-là, avertissait-il, tous les baigneurs qui se trouvent dans cette zone-là vont se faire emporter par le courant ». Dans ce créneau horaire, il n’était « pas sérieux de se baigner hors des zones de baignade surveillées », insistait-il.
Quatre heures « fatidiques », ajoutait le journaliste, employant des mots forts pour frapper les esprits, « il est suicidaire » de se baigner dans ces eaux « en apparence calmes » situées entre les deux bancs de sable, ajoutait-il.
Des imprudences évitables
La suite du reportage montrait une intervention au large où un nageur semblait en difficulté. Dans leur jeep rouge équipée d’une sirène, les CRS et sauveteurs fonçaient en direction du bord de mer, au milieu des vacanciers. Le journaliste traçait le portrait type de la victime : « 98% des cas de noyade, la victime est de sexe masculin, âgé de 20 à 40 ans et c’est un bon nageur ! Une carte d’identité virile qui laisse croire que l’on peut se baigner où l’on veut et quand on veut (…) la baignade sauvage, non ! Si on ne connait pas l’océan ! »
L’océan aquitain, précisait-il, n’était pas dangereux « à condition de se baigner dans les zones de surveillance ». Après le sauvetage, Christian Musso, chef de poste de Seignosse, expliquait qu’ils intervenaient toujours sur des personnes non averties : « c’est la raison pour laquelle nous amplifions ces informations dans les campings, les VVF et même dans les écoles durant le mois de juin. Les gens ne savent pas, déplorait-il, ils sont victimes de l’imprudence. De l’imprudence dictée par de l’ignorance. Une fois qu’ils sauront, on arrivera, je pense, à maîtriser la situation », concluait-il avec espoir.
Lacanau, un lieu sensible
Mais malgré les campagnes d’information, le nombre des noyades ne diminuaient pas, comme le constatait un sujet du JT de 20 heures d’Antenne 2, en août 1991, à découvrir ci-dessous.
À l’époque, la plage de Lacanau était déjà la plus dangereuse du secteur. Elle était surveillée par 9 maîtres-nageurs sauveteurs en permanence. Une scène de sauvetage montrait la difficulté d’intervention. La dérive rapide empêchait souvent d’intervenir au filin, précisait le commentaire « d’où l’intervention de l’hélicoptère de la sécurité civile, basée à 3 minutes de là ». À son bord : un pilote, un mécanicien, un médecin et un plongeur. Des images impressionnantes de l’hélitreuillage montraient la complexité de l’intervention.
Les baïnes
1991 - 01:55 - vidéo
Se laisser dériver
En 1994, la préfecture lançait une nouvelle campagne pour informer les estivants des dangers de l'océan, et en particulier des baïnes, sur le littoral Aquitain. Pascal Rouiller, le responsable du poste de secours qui comportait 8 sauveteurs (5 CRS et 3 pompiers), donnait quelques consignes essentielles : « ne pas lutter contre le courant, se laisser emporter et faire des gestes de signes de secours ».
Une insouciance dangereuse
Août 2007, comme souvent l'été, le JT de 20 h 00 de France 2 consacrait un nouveau sujet aux baïnes. Le reportage, proposé ci-dessous, présentait le travail d'information des CRS-sauveteurs de la plage de Messanges (Landes). Une tâche utile puisqu'une jeune femme interrogée reconnaissait ne pas connaître ce phénomène : « oui, c’est nouveau… »
Des explications bienvenues, notamment pour lever un paradoxe souvent mal compris des touristes et responsable de bien des accidents, celui de l’exigüité de la zone de baignade, au regard de la « magnifique étendue » à l’apparence calme, interdite aux baigneurs. Mais certains bravaient tout de même les panneaux d’interdiction pour se baigner à l'écart de la foule, comme cette dame, accompagnée de son enfant, interviewée en zone de baignade interdite. Elle expliquait, sourire aux lèvres, « on a plusieurs fois été en zone surveillée, mais sinon, on compte sur papa pour jeter un œil ».
Un comportement inconscient que ne comprenait pas le maire de Messanges, interrogé sur la plage, à proximité un panneau explicite d’interdiction : « on prévient les gens du danger, on a des arrêtés municipaux, on a des panneaux qui préviennent de risques éventuels, et malgré ça, on voit qu’il y a de la fréquentation sauvage, donc des gens qui prennent des risques. »
Les dangers des baïnes
2007 - 02:17 - vidéo
Depuis ce reportage, l’imprudence des baigneurs reste fréquente, mais les conditions de baignades sur le littoral, elles, ne sont plus les mêmes. Aujourd'hui, le nombre de maîtres-nageurs sauveteurs en mer a considérablement diminué. Selon les chiffres fournis par la SNSM, une centaine de maîtres-nageurs-sauveteurs manquent à l'appel sur les plages en 2023 (il en manque 5 000 pour l’ensemble de la profession).
Cette pénurie contraint certaines villes à cesser la surveillance des plages, voire à les interdire à la baignade. La vigilance est donc de mise, car les baïnes, elles, sont bien présentes. Mouvantes, elles se déplacent chaque jour. Chaque année, 1 000 décès sont dus à des noyades accidentelles.