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Affaire AZF : de «Suzy» à «Gros loup», la police traite avec les terroristes du rail

Affaire AZF : de «Suzy» à «Gros loup», la police traite avec les terroristes du rail

Le 13 février 2024, un homme et une femme ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir envoyé, au début des années 2000, des lettres de menaces à la bombe à l'État, signées «AZF», un groupe qui se revendiquait terroriste. Une affaire rocambolesque à découvrir en archives.

Par Florence Dartois - Publié le 13.02.2024 - Mis à jour le 16.02.2024
La menace AZF - 2004 - 02:53 - vidéo
 

L'ACTU.

Le 13 février débute devant le tribunal correctionnel de Paris le procès de Michel D., 77 ans, et Perrine R., 61 ans. Ils avaient menacé en 2004 le réseau ferré français d’attentats à la bombe pour obtenir une rançon, avant de disparaître. Les enquêteurs ont mis près de 15 ans à débusquer les membres du supposé groupuscule : un patron à la retraite et sa commerciale. Ce groupe terroriste inconnu n'avait jamais été identifié avant 2018.

LE CONTEXTE.

Les médias s’emparent de l'affaire fin février 2004 : un groupe autoproclamé AZF menace de saboter le réseau ferré français s'il n'obtient pas de rançon, semant la panique à la SNCF et au sommet de l’État. Mais tout avait débuté en octobre 2003, après que plusieurs lettres de menaces sont arrivées à l’Élysée qui alerta immédiatement les renseignements.

Le reportage ci-dessous, daté du 5 mars 2004, montre une copie de l'une des premières lettres envoyées par le groupuscule, publiée par le journal « Le Monde ». Il s'agit d'un texte dactylographié, avec en guise d'entête le sigle AZF souligné d'une flèche. Dans cette lettre, le groupe AZF se présente comme « un groupe de pression à caractère terroriste ». Il n'y est pas encore question de rançon.

Autres éléments tangibles sur lesquels peuvent travailler les enquêteurs : les bombes. Ce reportage décrit celle retrouvée sous le ballast de la ligne Paris-Toulouse : « Deux kilos et demi d'explosifs couplés à un détonateur ingénieux (...). Cette bombe, découverte le 21 février, portait le numéro 18, date à laquelle elle aurait dû exploser, conformément à ce que AZF annonçait dans une lettre datée du 13 février. »

Y a-t-il d'autres bombes comme l'affirme le groupe ou était-ce du bluff ? Dans ses lettres anonymes le groupe d'action armé qui signe à AZF, affirme avoir disposé dix bombes sur le réseau de chemin de fer, prêtes à exploser si une rançon de quatre millions de dollars et un million d'euros ne leur est pas versée.

Après la découverte de la bombe, le chantage est pris au sérieux par la police. La SNCF décide d'inspecter les 32 000 km de voies du réseau, comme le montre l'archive ci-dessous. L'affaire est entre les mains des juges antiterroristes de Paris.

Menace AZF, réaction de la SNCF
2004 - 01:49 - vidéo

Par groupe de deux, les agents de la SNCF ratissent l'ensemble du réseau. De leur côté les passagers sont fatalistes.

L'ARCHIVE.

L’archive en tête d'article date également du 3 mars 2004, elle a été diffusée dans le 20 h de France 2 et résume les faits tels qu’on les connaissait à l'époque. Au total six lettres anonymes ont été postées à Paris et dans sa région. La menace est sérieuse. Nicolas Sarkozy qui est alors ministre de l'Intérieur dirige une cellule de crise. Le feu vert est donné aux enquêteurs pour prendre contact avec les maîtres chanteurs, d'abord via le réseau Internet, conformément à leurs instructions. Ensuite, par le biais de petites annonces publiées dans le journal Libération. C'est le cas le 19 février. Les autorités s'adressent au maître chanteur en langage codé : « Mon gros loup, ne prenons pas de risques inutiles. Le plus tôt sera le mieux. Donne-moi tes instructions. Signé Suzy. »

Le lendemain de la publication des lettres, Nicolas Sarkozy prend la parole publiquement tout en appelant à la prudence : « Écoutez, je comprends les impératifs de la presse, mais je n'ai qu'une chose à dire en l'état actuel des choses, c'est qu'il faut laisser la police et la gendarmerie travailler. Parce que c'est de ça dont on a besoin. Mais la menace est réelle. »

AZF donne ses instructions deux jours plus tard. Une femme contacte la police depuis une cabine téléphonique à Solterre, dans le Loiret. Elle demande à ce que l’argent soit déposé près de Montargis, sous une bâche bleue, accrochée dans un champ à proximité de l’autoroute. Un hélicoptère survole la zone, mais ne voit pas de traces de la bâche. L'opération est un échec. La police envoie un nouveau message au groupe AZF, via Libération: « Mon gros loup, pas vu ton foulard bleu. Fais-moi signe. Suzy. » L'archive ci-dessous retrace cet échec.

Groupe AZF, échec de la remise de rançon
2004 - 01:39 - vidéo

Les semaines suivantes, les enquêteurs cherchent à savoir qui se cache derrière le mystérieux groupe, sans résultat. L'archive suivante énumère les différentes pistes de recherche.

La tension monte

Le 24 mars 2004, une deuxième bombe est retrouvée par un agent SNCF sous les rails de la ligne reliant Paris à Bâle (Suisse), près de Troyes. L'engin explosif qui était à demi-enterré entre le ballast et le rail, contenait du nitrate fioul, un fil était désolidarisé. Il est rapidement neutralisé par les démineurs et la zone bouclée. Les forces de l'ordre tentent de retrouver le moindre indice le long des voies.

Cette fois, c'est le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui prend la parole pour rassurer la population : « Pour l'instant, nous n'avons pas d'information quant à la dangerosité de cet objet. J'invite tout le monde à la sérénité, tant que nous n'avons pas la fin des expertises. ». Prudent, le ministre ne confirme pas qu'il s'agisse d'AZF, bien qu'il existe des similitudes avec la méthode utilisée par le groupuscule.

AZF s'évapore

Contre toute attente, 24 heures après cette découverte, AZF envoie un courrier au ministère de l'Intérieur dans lequel il annonce une trêve et que les menaces d'attentats sont suspendues jusqu'à nouvel ordre, le temps de remédier à ses « faiblesses » technologiques. L'enquête se poursuit afin d'identifier les auteurs de ce texte. Mais elle n'avance pas et l’identité des membres du groupe reste toujours aussi opaque.

Le 26 mars, trois personnes sont mises en garde à vue, deux hommes et une femme. Rien n'indique leur participation dans l'affaire. Plusieurs éléments sont à décharge. Il s'agit pour les policiers de « fermer des portes », c'est-à-dire éliminer les pistes les unes après les autres.

Le 15 mars 2005, le mystérieux groupe AZF envoie un nouveau courrier aux autorités dans lequel il annonce qu'il reprendra son action le 3 mai. Les enquêteurs et la police judiciaire prennent les choses au sérieux, mais « la menace est relativisée ». Une cellule de crise est tout de même installée au ministère de l'Intérieur. Un enquêteur donne les trois pistes suivies. « À ce jour, le mystère AFZ demeure entier », conclut le commentaire.

Et le mystère va durer plusieurs années durant lesquelles l'enquête s'est poursuivie, toutes les pistes restant infructueuses. Jusqu’à la confession inattendue de l’ancien compagnon de Perrine R., en 2017. Le 26 juin 2018, les médias annoncent la mise en garde à vue de trois personnes inconnues de la police, une femme de 56 ans et deux hommes de 61 et 65 ans, soupçonnés d'avoir appartenu à ce groupe jamais identifié jusque-là.

Durant l'instruction qui suivit Michel D. a expliqué qu'il s'agissait d'une « fausse entreprise terroriste » et que ses motivations étaient purement financières, car sa société avait été mise en liquidation judiciaire en octobre 2003. Sa complice, Perrine R. l'aidait « à poster des lettres » et à « téléphoner » aux policiers. « La stratégie était d’avoir l’air plus gros que la réalité », a-t-il insisté. Depuis la qualification terroriste a été abandonnée.

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