Reconnaissance de l'indépendance du Sénégal par la France

Reconnaissance de l'indépendance du Sénégal par la France. (Transmission par ondes courtes affectée de nombreux parasites). - Correspondance à Dakar par un journaliste non identifié (par téléphone) : reconnaissance de la souveraineté de la République du Sénégal par le gouvernement français trois semaines après la "révolution" du 20 août 1960. Réception au Palais de la présidence de la République de Mr Claude HETTIER DE BOISLAMBERT, haut représentant de la France au Sénégal, accompagné du Consul de France à Dakar, d'un conseiller diplomatique et du chef de la mission de coopération, par le Président du Sénégal Léopold Sédar SENGHOR accompagné du chef du gouvernement, du Ministre sénégalais des Affaires étrangères, du Ministre de l'Information et du chef d'état-major de l'armée. A 1'29'' : discours de Mr. Claude HETTIER DE BOISLAMBERT : "Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi, avant de vous remettre les lettres de créance, que de vous apporter la reconnaissance par la République française de la République du Sénégal. Puissions-nous, en associant l'oeuvre internationale de nos pays, unis par des liens de longue amitié et ceux de la communauté, concourir à l'oeuvre de paix et de bonne entente de tous les peuples, à laquelle la France s'attend, et à laquelle chaque jour s'attend le Général DE GAULLE. Nous avons certes, la volonté de coopération amicale avec tous et l'espoir de voir tout différend passager ayant été écarté, l'Afrique de l'ouest continuer sa marche vers le progrès et la prospérité en harmonie avec ses vrais amis dans le monde. Monsieur le Président, voici la lettre de Mr. Le Premier ministre de la République française reconnaissant le Sénégal au nom de la France, et voici aussi les lettres de créance qui m'accréditent auprès de votre Excellence et auprès du Sénégal. (1'17'') A 2'59'' : réponse du Président de la République du Sénégal Mr. Léopold Sédar SENGHOR : "Monsieur le Haut représentant, en cette année 1960, en cette année de l'Afrique, chaque mois, chaque semaine, chaque jour se fait historique. En tous cas, ce dimanche 11 septembre l'est pour nous peuple sénégalais. Car la reconnaissance en ce jour de notre indépendance par la France est la consécration de cette même indépendance. Je le sais et je m'en réjouis. Cette reconnaissance n'est pas un geste inamical pour le peuple frère du Soudan. Il est la constatation d'un fait qui est la volonté unanime du peuple sénégalais de recouvrer sa souveraineté internationale, celle-là même que lui avait transférée personnellement la France à sa demande. Nous ne nous posons pas en vainqueur, loin de là. Et le regret subsiste au fond de nos coeurs, de n'avoir pu réaliser l'idéal de la Fédération [Africaine du Mali]. Mais les réalités africaines sont là, contre lesquelles ne peut prévaloir aucun idéal si noble soit-il qui les ignore. Soyez mon interprète auprès du Général DE GAULLE, Président de la République Française et Président de la communauté, pour lui dire combien le peuple Sénégalais et moi-même avons été sensibles à son geste. Car voilà renoués, les liens d'amitié et de coopération qui depuis des siècles unissent nos deux peuples. Vous pouvez lui assurer que le Sénégal restera fidèle à ses engagements ; son passé d'honneur et de loyauté en est le plus sûr garant. Vous permettrez à l'ancien combattant volontaire de la résistance que je suis de rendre en même temps hommage à l'homme du 18 juin qui fut l'initiateur en France de la décolonisation. Vous savez, les hommes politiques sénégalais ont été parmi les premiers en Afrique noire à combattre pour cette décolonisation. C'est pourquoi précisément, ils ont surmonté le ressentiment de l'ancien colonisé. C'est pourquoi nous entendons aujourd'hui étendre la coopération franco-sénégalaise à l'Europe de l'Atlantique à l'Oural. Nous sommes pour la coexistence pacifique et la coopération effective. Nous ne pensons pas que la coopération externe africaine empêche la coopération inter-africaine qui est pour nous un impératif moral, politique, économique, surtout par la coopération entre états de la communauté rénovée. Monsieur le Haut représentant, nous sommes heureux de vous retrouver représentant de France auprès de la République du Sénégal. Nous avons su en quelques mois apprécier vos éminentes qualités, votre franchise, votre loyauté, votre calme courage qui est celui de l'ancien combattant des Forces françaises libres. Vous êtes un diplomate doublé d'un patriote. Vous avez ici toujours servi votre patrie : la France. Vous avez défendu avec rigueur ses intérêts et nous, Sénégalais, nous ne vous l'avons jamais reproché. Mais vous l'avez fait, et c'est ce qui nous touche, dans un esprit de coopération franco-africaine. Monsieur le Haut représentant, je salue en votre personne les plus hautes vertus du peuple ami de France". (5'19'')