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L'argent de poche, une question importante dans les familles depuis les années 60

L'argent de poche, une question importante dans les familles depuis les années 60

Une étude réalisée par l’institut CSA sur les adolescents et l’argent en juin 2023 dévoile que l’argent de poche donné aux garçons est plus élevé que celui reçu par les filles. Une inégalité qui débute tôt, alors même que cet argent dépend entièrement des parents. Derrière l'argent de poche se cache presque un tabou, celui de savoir comment parler d’argent en famille. 

Par Florence Dartois - Publié le 03.10.2023
Combien? L'argent de poche des enfants - 1961 - 06:54 - vidéo
 

L'ACTU.

Une étude réalisée par l’institut CSA sur les adolescents et l’argent pour le magazine Julie, un magazine destiné aux jeunes de 10 à 14 ans, dévoile une inégalité en matière d’argent de poche. Dans cette étude réalisée en juin 2023 auprès de 1101 adolescents âgés de 10 à 15 ans et de 804 parents, il apparait que l’argent de poche donné aux garçons est plus élevé que celui reçu par les filles : 44 euros par mois pour les garçons, contre 38 euros pour les filles. Autre inégalité : l'argent de poche arrive plus tard pour les filles que pour les garçons. 48% des garçons âgés de 10 à 12 ans en perçoivent déjà, contre 40% des filles du même âge.

Des différences entre filles et garçons apparaissent dans la manière de dépenser cet argent : 56% des garçons achètent des jeux vidéo ou de la musique tandis que 47% des filles achètent des vêtements. Dans 55% des cas, les adolescents mettent de côté leur argent de poche.

Du côté des parents, l’argent de poche versé est vu comme un moyen de leur faire mesurer la valeur de l’argent (58%) et de leur apprendre à gérer un budget (55%).

LE CONTEXTE.

De manière étonnante, les choses n'ont pas beaucoup bougé depuis le début des années 1960, période à laquelle la question de l’argent de poche apparait dans les archives. Une apparition directement liée à l’émergence de la société de consommation et à l’allongement des études. La jeunesse s’émancipe et la télé interroge, aussi bien les enfants, souvent adolescents, que leurs parents sur leur relation à l'argent de poche. Avec l’allongement de la scolarité et le développement des études supérieures, l’âge de l’entrée dans le monde du travail est repoussé. De fait, les enfants se retrouvaient dépendants de leurs parents, alors qu'autrefois, ils entraient en apprentissage ou travaillaient, souvent dès 14 ans, acquérant ainsi une certaine autonomie financière. Un changement de société qu’expliquait d’ailleurs très bien Françoise Dolto en 1969 dans la courte interview à découvrir ci-dessous.

Françoise Dolto sur les enfants et l'argent dans le magazine « Psychologie » (3 juillet 1969)

La célèbre psychanalyste avait d’ailleurs raconté en 1963 comment personnellement, elle avait réglé cette question de l'argent de poche avec ses propres enfants. Dans le magazine « L’avenir est à vous », elle voyait dans cette démarche une manière d’autonomiser les adolescents, un moyen de leur faire acquérir une certaine maturité et de les familiariser avec la gestion de l’argent. Dans l’archive ci-dessous, elle décrivait comment, elle et son époux, s'étaient partagés la tâche.

L’ARCHIVE.

En février 1961, le journal télévisé consacrait un long reportage à l’argent de poche alloué aux enfants. Dans cette archive à découvrir en tête d’article, l’argent de poche était présenté comme un sujet à traiter avec sérieux, à l’image de l’intervenante en fil rouge, la directrice du Centre de recherches des budgets familiaux. Elle prônait « la juste mesure » et déplorait que certains parents allouent des sommes trop importantes par rapport à leur propre budget.

Tout comme Françoise Dolto évoquée plus tôt, la directrice interrogée associait la valeur de l’argent de poche à l’apprentissage des réalités. Un point souvent mis en avant, encore aujourd'hui. Si elle trouvait, tout comme la psychanalyste, que cela pouvait donner le sens des responsabilités aux jeunes et favoriser une certaine émancipation, elle alertait cependant les parents car trop d’argent de poche pouvait créer, selon elle, chez les enfants, de futures difficultés d’adaptation, allant même jusqu’à présager des difficultés conjugales... L’argent restait tabou et en confier aux enfants n’allait pas encore de soi.

Cette archive est intéressante, car l'intervenante reliait clairement l’avènement de l’argent de poche à celui de la société de consommation qui créait de nouveaux besoins aux enfants de plus en plus confrontés à « l’appel des étalages et de la publicité ». L’argent de poche ne représentait en somme qu'un symptôme de la prédominance de l’argent dans la nouvelle société. Elle appelait à privilégier l’effort gratuit ou à maîtriser ce besoin d’argent pour qu’il devienne un « serviteur » plutôt qu’un « maître ».

Ses propos étaient illustrés par un micro-trottoir de parents, dont beaucoup étaient d'ailleurs réfractaires à l’idée de donner de l’argent de poche. Des enfants et adolescents étaient également questionnés sur la manière dont ils dépensaient cet argent. Enfin, une commerçante décrivait les goûts de cette nouvelle clientèle.

Une dizaine d’années plus tard, cette « diabolisation » de l’argent de poche n’avait pas tout à fait disparu. En 1973, le magazine « La vie est là » menait une enquête auprès de jeunes et de leurs parents. Nous avons sélectionné deux passages représentatifs de cette émission à regarder ci-dessous.

Dans la première archive, une mère de famille, aux côtés de sa fille Pascale, évoquait l'argent de poche qu'elle donnait à ses quatre enfants en fonction de leur âge. D'un milieu aisé, elle expliquait ne pas vouloir donner trop d'argent à ses enfants au grand dam de l'adolescente. Sa mère l'encourageait plutôt à faire des petits boulots pour connaître la valeur de l'argent.

Même défiance vis-à-vis de l’argent dans cette famille modeste également interrogée en 1973. Françoise, adolescente, son petit frère et leur mère évoquaient le sujet. La jeune fille n'en recevait pas, pour elle l'argent n’était pas important. La mère estimait qu'en donner aux enfants les empêchait de connaître sa valeur. D'un milieu ouvrier, elle souhaitait avant tout que ses enfants privilégient le travail. Des arguments toujours cités par les parents en 2023.

Une famille modeste et l'argent de poche
1973 - 04:36 - vidéo

Plus près de nous, en 1995, la tranche des 12-18 ans possédait un réel pouvoir d’achat. Les ados dépensaient essentiellement pour s’habiller, aller au cinéma ou acheter des cigarettes… Le sujet diffusé dans le 13 heures de Jean-Pierre Pernaut ressemblait beaucoup à notre archive de tête. De manière assez frappante, les jeunes dépensaient toujours leur argent de poche un peu de la même manière, les friandises et les jeux restaient en tête de leurs achats. Quant aux parents, ils s’interrogeaient encore sur la somme à verser, comme dans nos archives. Côté caution scientifique, Dominique Lassare, professeure de psychologie sociale à Reims, expliquait le rôle de l’argent de poche, qu'elle assimilait désormais à une sorte de rite d’entrée dans la société de consommation.

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