40 ans d'enquête chaotique ont laissé entier le mystère du meurtre de Grégory Villemin, retrouvé noyé le 16 octobre 1984 dans une rivière des Vosges. L'enquête est toujours instruite en 2024. La procédure comprend plus de 17.000 pièces. Il y a eu sept magistrats instructeurs au cours de ces quatre décennies. Et le coupable n'est toujours pas officiellement identifié.
Le 16 octobre 1984, le corps noyé du «petit Grégory», 4 ans, est découvert ligoté dans la Vologne, une rivière des Vosges. «Voilà ma vengeance - Pauvre con», revendique une lettre anonyme adressée au père par un «corbeau» qui harcèle depuis plusieurs années la famille de Jean-Marie Villemin, 26 ans, et son épouse Christine, 24 ans.
Sous la pression de journalistes, Jean-Michel Lambert, juge d'instruction d'Épinal de 32 ans, veut briller pour son premier poste. Et il fait vite : moins de trois semaines après la mort de Grégory, Bernard Laroche, un cousin du père, est inculpé.
Le coupable semble découvert. À tel point que le père de Grégory en est persuadé et le tue, en mars 1985, alors que son cousin a été relâché quelques semaines plus tôt.
Peu avant cet assassinat, la belle-soeur de Bernard Laroche, Murielle Bolle, une adolescente de 15 ans un peu perdue, avait retiré ses déclarations accusant Laroche. Les enquêteurs s'étaient d'ailleurs déjà tournés vers la mère de l'enfant, Christine. Inculpée le 5 juillet 1985, son procès aux assises est ordonné fin 1986. Mais la Cour d'appel de Dijon, à qui a été transférée l'enquête en 1987, après les erreurs de celle de Nancy, prononce en 1993 un non-lieu en sa faveur.
«La justice a été complètement lamentable. Le juge d'instruction était incompétent», résume aujourd'hui Thierry Moser, avocat historique des époux Villemin. Le juge Jean-Michel Lambert ne peut pas répondre, il s'est donné la mort le 11 juillet 2017.
Le changement de parquet ne suffira pas à éviter les couacs. En 2017, c'est au tour de Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory, d'être mis en examen, tout comme Murielle Bolle. Moins d'un an plus tard, ces mises en examen sont annulées pour vices de forme.
Aujourd'hui, l'enquête tente de rebondir. En mars 2024, de nouvelles expertises ont été ordonnées : sur des ADN mais aussi sur les appels téléphoniques du corbeau. L'enquête se poursuit donc, depuis 40 ans...
Retrouvez ci-dessous une sélection d'archives liées à cette affaire.
Le corbeau
L'homicide est revendiqué par un appel téléphonique anonyme peu après la disparition de l'enfant. C'est la voix du «corbeau» qui harcèle la famille depuis près de trois ans. Les Villemin reçoivent également une lettre de revendication les jours suivants.
Les suspects
Le témoignage de l’adolescente Muriel Bolle incrimine Bernard Laroche, le cousin germain de Jean-Marie Villemin. Ils auraient enlevé l'enfant ensemble, puis Bernard Laroche aurait fait disparaitre le garçon.
Enquête assassinat GREGORY
1984 - 01:38 - vidéo
Bernard Laroche sort de prison
Le 5 novembre 1984, Bernard Laroche est inculpé d’assassinat et incarcéré. Coup de théâtre : Muriel Bolle se rétracte. Le suspect est libéré le 4 février 1985 après 91 jours de détention. Le lendemain, il répond à une interview exclusive.
Nouveaux soupçons
Le 20 mai 1985, Christine Villemin, la mère de Grégory, est suspectée à son tour. Le juge Lambert en charge de l'affaire lance une commission rogatoire.
Christine Villemin inculpée
Les experts en écriture désignent la mère de Grégory comme étant l’auteur des lettres du corbeau. Elle est inculpée de l’assassinat de son fils puis renvoyée par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Nancy devant la cour d’Assises des Vosges.
Portrait Christine VILLEMIN
1985 - 03:12 - vidéo
Villemin tue Laroche
Le 29 mars 1985, Jean-Marie Villemin excédé par la tournure des évènements, toujours persuadé que son cousin Bernard Laroche est l’assassin de son fils se rend à son domicile et l'abat.
Un revirement
L'enquête bascule dans le chaos. Le principal témoin à charge (Muriel Bolle) revient sur ses déclarations. Elle explique avoir été menacée par les gendarmes. Les deux expertises en écriture et une expertise audio sont annulées pour vice de procédure.
Une instruction contestée
D’octobre 1984 à décembre 1986, le juge Jean-Michel Lambert mène l'instruction : manquements à la procédure, annulations successives de pièces réduisent le dossier en miettes.
Le procès de Christine Villemin
9 décembre 1986, Christine Villemin est envoyée devant la cour d’assise des Vosges.
Christine Villemin
1986 - 03:03 - vidéo
La presse accusée
Finalement le juge Lambert va être démis du dossier pour erreur de procédure. Le Président de la chambre d’accusation de Dijon, le juge Maurice Simon, reprend tout le dossier à zéro et muselle la presse qu'il juge en partie responsable du fiasco de l'enquête précédente.
Christine Villemin innocentée
Le 3 février 1993, et alors que le juge Simon a été démis, une décision de non-lieu est prise en faveur de Christine Villemin.
Jean-Marie Villemin jugé
Novembre 1993. La cour d’assise de Dijon ouvre le procès très médiatisé de Jean-Marie Villemin, plus de huit ans après le meurtre de Laroche.
PROCES VILLEMIN
1993 - 01:47 - vidéo
Jean-Marie Villemin condamné
Le 16 décembre 1993, Jean-Marie Villemin est reconnu coupable et condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis. Il est condamné sur le plan civil, à verser 908.000 francs de dommages et intérêts à Marie-Ange Laroche et aux deux fils de Bernard Laroche.
PROCES VILLEMIN/LE VERDICT
1993 - 02:04 - vidéo
De nouvelles expertises
Dès 1985, l'analyse de l'ADN permettrait d'établir le profil génétique d'éventuels suspects. Le juge Lambert met de côté cette possibilité d'analyser la salive présente sur le timbre de la lettre de revendication du crime.
Entre novembre 1999 et juin 2010. De nouvelles expertises sont demandées. Malheureusement, il reste peu d'éléments exploitables sur le timbre trop manipulé.
Factuel : affaire Grégory
2000 - 02:37 - vidéo
De nouvelles analyses demandées
En 2008, les Villemin demandent cette fois que les vêtements de Grégory ainsi que les cordelettes soient analysées.
Affaire Grégory, réouverture de l'enquête
2008 - 02:47 - vidéo
Déception
Trois ADN sont retrouvés sur la lettre… mais non identifiés.
Affaire Gregory ADN
2009 - 01:44 - vidéo
Nouvelles expertises
Le 30 juin 2010, la justice examine une nouvelle d'analyse demande des parents de Grégory qui réclament de nouvelles analyses de traces, empreintes et enregistrements vocaux.
Aujourd'hui, en 2024, les époux Villemin vivent en région parisienne. Ils ont trois enfants et sont grands-parents. Jean-Marie Villemin, 66 ans, est à la retraite. En 1984, il était contremaître dans l'usine d'un sous-traitant automobile. Il a écrit la préface d'un roman graphique, Grégory (Les Arènes), qui évoque l'affaire sous le prisme de son procès en 1993. Il y raconte combien le couple a «souffert de la médiatisation» de l'affaire. Christine Villemin, 64 ans, travaille toujours, à Paris. Ils ont fait dire par leur avocat qu'ils étaient «extrêmement soucieux de leur anonymat». Ils ne sont plus apparus dans les médias depuis un passage à la télévision en 1994.
Marie-Ange Laroche, elle, va mal. Depuis le 29 mars 1985, date de l'assassinat de Bernard Laroche, elle n'a jamais pu faire son deuil, puisqu'à intervalles réguliers, il y a une réouverture de l'enquête, selon son avocat, Gérard Welzer. Âgée de 67 ans, elle vit toujours dans la vallée de la Vologne, où elle a travaillé dans un établissement public. Elle a quatre enfants, dont deux de Bernard Laroche.
Sa petit soeur, Murielle Bolle, a joué un rôle central, racontant dans un premier temps avoir été au côté de Bernard Laroche lors de l'enlèvement de Grégory, avant de se rétracter. Âgée de 55 ans, elle vit toujours dans les Vosges. Elle a eu trois garçons et est grand-mère.