Emmanuel Macron a signé à Rome vendredi 26 novembre le traité du Quirinal, du nom du siège de la présidence de la République italienne. Près de 60 ans après la signature historique du traité franco-allemand de l'Elysée, la France compte ainsi marquer avec son partenaire italien, autre pays fondateur de l'Europe et économie sensiblement proche de la sienne, l’étroitesse d’une coopération sur de nombreux plans. Selon l'Élysée, ce traité « favorisera la convergence des positions françaises et italiennes, ainsi que la coordination des deux pays en matière de politique européenne et étrangère, de sécurité et de défense, de politique migratoire, d'économie, d'enseignement, de recherche, de culture et de coopération transfrontalière ».
Partis anti-système
Le traité du Quirinal, qui a été pensé pour la première fois en septembre 2017 au sommet de Lyon, symbolise l’excellente tenue actuelle des relations franco-italiennes, après une crise sans précédent en 2019. Une crise née de la victoire aux élections législatives italiennes du 4 mars 2018 des partis anti-système et eurosceptiques. La coalition de centre-droit emmenée par la Ligue d’extrême droite de Matteo Salvini recueille alors 37% des voix et le Mouvement des 5 étoiles, emmené par Luigi di Maio, 32% des voix. Les deux nouveaux hommes forts de l’Italie deviennent vice-présidents au sein d'un gouvernement dirigé par le juriste indépendant (et proche du Mouvement 5 étoiles) Giuseppe Conte.
Alors que la France est empêtrée depuis novembre 2018 dans la crise des Gilets jaunes, auxquels les deux vice-présidents italiens ont apporté leur soutien, les relations entre les deux pays se tendent encore plus le 21 janvier 2019 après une déclaration de Luigi di Maio. Dans le contexte d’une nouvelle crise migratoire qui touche le littoral italien, le dirigeant populiste accuse devant les caméras « la France [d’]empêche[r] le développement des états africains et [de] contribue[r] ainsi au départ des migrants qui meurent en mer ou arrivent sur nos côtes ». Colère de Paris, qui convoque l'ambassadrice d'Italie au Quai d'Orsay.
Le lendemain, Matteo Salvini surenchérit. Dans une vidéo postée sur son profil Facebook, le chef de la Ligue et partisan déclaré de Marine Le Pen en France, déclare : « J’espère que les Français vont se libérer de leur très mauvais président, et l'occasion est celle du 26 mai (les élections européennes) quand finalement le peuple français pourra reprendre en main son avenir et son destin, son orgueil mal représentés par un personnage comme (Emmanuel) Macron ». La tension est d’autant plus forte qu’elle dépasse la rivalité politique. Un sondage réalisé durant cette période en Italie montre que 38% des Italiens désignent la France numéro 1 des pays qu'ils rejettent.
Décision grave
Finalement, la crise atteint son paroxysme le 7 février 2019. Le journal télévisé de France 3 fait ce jour-là état d’une « décision grave et sans précédent entre deux pays de l’Union européenne ». Paris vient de rappeler son ambassadeur à Rome, Christian Masset. Une première dans les relations entre les deux pays depuis la Seconde Guerre mondiale, et la première fois depuis 1945 avec un pays de l'UE.
La raison du courroux français est une photo, publiée sur le compte Twitter de Luigi di Maio. Au milieu d’une délégation de Gilets jaunes à Montargis dans le Loiret, le vice-président du Conseil italien se tient aux côtés, notamment, de Christophe Chalençon, l’une des figures du mouvement. Une rencontre que le chef du mouvement 5 étoiles, se faisant le porte-voix des Gilets jaunes, commente sur le réseau social par ces mots lourds de sens : « Le vent du changement a traversé les Alpes ».
Provocation
Pour Paris, c’est la provocation de trop. L’Italie est accusée d’ingérence. Interviewée sur France Info, Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des Affaires européennes chargée des Affaires européennes, déclare : « Il y a eu de la part d’un membre du gouvernement italien un comportement que nous avons considéré comme inhabituel et inamical et qui vient après une série de déclarations italiennes dont nous avons du mal à comprendre en quoi elles aident à la relation franco-italienne […] ». Commentant le rappel de l’ambassadeur de France, la ministre ajoute : « Je vois des comportements ou des propos tenus par certains hommes politiques italiens qui ne correspondent pas à la qualité de notre relation. C’est donc une manifestation de mauvaise humeur de notre part ».
Cette crise fait les gros titres des journaux italiens. Après une semaine de forte tension, le président Emmanuel Macron et son homologue italien Sergio Mattarella choisissent l’apaisement. Le 15 février 2019, l’ambassadeur Christian Masset regagne le palais Farnèse, siège de l’ambassade de France à Rome.
Le 13 février 2021, l’ancien gouverneur de la banque centrale européenne Mario Draghi est devenu le nouveau président du Conseil italien, soutenu par une vaste coalition comprenant Forza Italia, le Parti démocrate, le Mouvement 5 étoiles, la Ligue et Italia Viva.