L'ACTU.
C'est la fin d'un règne en Syrie. Dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, le 8 décembre 2024, le groupe rebelle Hayat Tahrir al-Sham a renversé le régime de Bachar el-Assad. Surnommé le « boucher de Damas », ce dernier dirigeait le pays depuis un quart de siècle. En 2011, il avait réprimé dans le sang l’émergence d'un Printemps arabe en Syrie. Depuis le pays était en état de guerre civile.
En 2000, quand il est élu après la mort de son père, Bachar el-Assad a l'image d'un réformateur. Jacques Chirac le rencontre à plusieurs reprises. Mais après l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri pour lequel la Syrie est accusée, Jacques Chirac rompt les relations diplomatiques avec lui.
À son arrivée au pouvoir en 2007, Nicolas Sarkozy choisit la rupture avec son prédécesseur et voit en Bachar el-Assad une clé de la paix au Proche-Orient. Il ouvre en grand les portes de l'Élysée, l'accueillant à plusieurs reprises, puis se rend par deux fois en Syrie. En 2008, le président français invitait même le dictateur syrien au défilé du 14 juillet. Retour en archives sur une visite controversée.
LES ARCHIVES.
« L'un des dirigeants les plus controversés du Proche-Orient, soupçonné d'avoir commandité l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, au nom de la "realpolitik", Nicolas Sarkozy l'invite à Paris au sommet de l'union méditerranéenne le 13 juillet et surtout au défilé du 14 juillet ». En juillet 2008, l'Union pour la Méditerranée, destinée à renforcer les relations des pays du pourtour méditerranéen, était fondée à Paris. Parmi les pays membres, la France et la Syrie, mais aussi le Liban et Israël.
Présents pour l'occasion à Paris, les présidents libanais et syrien, annonçaient le 12 juillet depuis l'Élysée leur volonté de normaliser leurs relations diplomatiques. En plus d’accueillir ces différents événements, Nicolas Sarkozy, alors président, invitait ceux des dirigeants sur place qui le voulaient à profiter du défilé du 14 juillet, événement majeur en France. Décrit comme « un personnage clé pour la paix au Proche-Orient » dans l'archive en tête d'article, Bachar el-Assad se tenait à quelques mètres du premier ministre israélien Ehud Olmert, dont les relations se réchauffaient tout juste après des années de rupture.
Une présence en débat
Pour autant, la présence du dirigeant syrien faisait largement débat. Et en premier lieu, chez les spectateurs du défilé : « Bachar el-Assad, ce n'est pas le roi des droits de l'homme », rappelait un Français. Et un touriste américain d'ajouter : « Aux États-Unis il ne serait pas le bienvenu, mais c'est la différence avec la politique de votre président ». Ce jour-là, des membres de Reporters sans frontière étaient interpellés. L'un d'entre eux, Vincent Brossel affirmait : « C'était légitime d'être là pour le 14 juillet alors que l'on reçoit monsieur Bachar el-Assad qui est un dictateur. À la place de célébrer les valeurs de la révolution française. C'est quand même la prise de la Bastille, c'est-à-dire la chute de l'autoritarisme ».
La position était partagée par le premier secrétaire du Parti socialiste de l'époque et futur Président, François Hollande dans l'archive ci-dessous : « Le 14 juillet, c'est la fête nationale, ce sont les droits de l'homme, la démocratie. C'est donc difficile à comprendre, pour ne pas dire davantage, que d'inviter un dictateur qui a commis ou fait commettre des actes graves au Liban et pas simplement au Liban ».
D'autres défendaient la nécessité d'une « realpolitik ». Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères argumentait, malgré son inconfort : « Je crois qu'il est important de parler avec les gens qui s'opposent, (...) Ça ne me remplit pas d'aise, mais c'est comme ça qu'il faut faire ». Et Jack Lang d'ajouter : « Je pense que c'est une diplomatie qui depuis quelques semaines va dans le bon sens. Je suis heureux qu'on ait renoué avec la Syrie qui est un pays de haute culture entre parenthèse, un pays francophile, un pays laïque, il me semble important que la France soit pionnière, avant-gardiste sur le chemin de la paix ».
Bachar al Assad invité au défilé du 14 Juillet : les réactions politiques
2008 - 02:15 - vidéo
En 2011 et 2012, alors que Bachar el-Assad réprimait violemment le Printemps arabe syrien et obtenait son surnom de « boucher de Damas », la France rompait de nouveau avec le pays et fermait son ambassade de Damas. « Il y a plus de 8 000 morts, dont des centaines d'enfants et la ville de Homs qui risque d'être rayée de la carte, c'est absolument inacceptable », avait alors dénoncé Nicolas Sarkozy.