Samedi 16 octobre, Emmanuel Macron a présidé au pied du pont de Bezons, à Colombes, une cérémonie à la mémoire des Algériens assassinés par la police française lors du rassemblement du 17 octobre 1961. Dans un communiqué publié par l’Elysée après cette cérémonie historique, la première d’un président de la République sur les lieux de la tragédie, le chef de l’Etat a dénoncé « les crimes commis cette nuit-là sous l'autorité de Maurice Papon [comme] inexcusables pour la République ».
Selon l’historien Jean-Luc Einaudi, l’un des premiers à dévoiler l’ampleur du massacre de civils algériens des mains de la police française, avec son livre publié en 1991 : La Bataille de Paris : 17 octobre 1961 (Le Seuil), le bilan humain se chiffrait à au moins 200 morts, loin des trois décès reconnus par le bilan officiel de l’époque. Et c’est donc Maurice Papon, haut-fonctionnaire de l’Etat français, qui dirigeait alors la préfecture de police, depuis 1958.
Collaboration
Sous l’Occupation, Maurice Papon, haut-fonctionnaire du régime de Vichy, avait été Secrétaire général de la préfecture de la Gironde de 1942 à 1944. Une collaboration qui n’avait pas empêché la poursuite de sa carrière, après guerre, dans la haute fonction publique (notamment en Corse, au Maroc ou encore en Algérie), et sa décoration des mains du général de Gaulle, en juillet 1961, avec la prestigieuse Légion d’honneur.
Préfet de police de Paris jusqu’en 1967, Maurice Papon poursuivait ensuite sa carrière dans la politique, en devenant notamment président de la commission des finances de l’Assemblée nationale en 1972, et ministre du budget entre 1978 et 1981 dans le gouvernement de Raymond Barre.
Complicité de crimes contre l'humanité
En 1981, il était rattrapé par son passé vichyste, avec une plainte pour crimes contre l’humanité, qui entraînait son inculpation en 1983 pour son rôle dans la déportation de 1600 Juifs de Bordeaux vers Drancy. Le procès, quant à lui, devait attendre dix-sept ans de longues batailles juridiques pour ne commencer qu’en 1997.
Le 2 avril 1998, Maurice Papon était condamné à une peine de 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l'humanité par la cour d'assises de la Gironde. Sa Légion d’honneur lui était retirée. Il était finalement libéré après trois ans de prison, en raison de son état de santé.
Maurice Papon mourait à l’âge de 96 ans, le 17 février 2007. Le lendemain, le journal télévisé de France 2 (l'archive placée en tête d'article) rendait compte de la polémique autour de sa Légion d’honneur, que Maurice Papon avait dit vouloir emporter dans la tombe. Une volonté jugée indécente par la classe politique. Ainsi, Bernard Accoyer disait sa confiance au président de la République Jacques Chirac : « Je ne doute pas une seconde qu’en tant que grand chancelier de l’ordre de la légion d’honneur, [le chef de l'Etat] veillera tout particulièrement à ce que d’une part la loi soit respectée, et surtout que rien ne vienne entacher cette distinction particulièrement emblématique de la République ». Même avis à gauche, où François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste, disait voir comme une « une provocation que de vouloir enterrer Maurice Papon avec les insignes de la Légion d’honneur qui lui ont été retirés à la suite de son procès ». Le premier secrétaire considérait la dernière volonté de Papon comme un « acte indécent à l’égard des familles des victimes ».
Malgré cet avis concordant de l’UMP et du PS, Maurice Papon était bien enterré, le 27 février 2007, avec sa Légion d’honneur. Même après son procès et sa condamnation à la complicité de crimes contre l’humanité, il n’avait à aucun moment témoigné de regrets ou demandé pardon aux familles de ses victimes. Quant à sa responsabilité pour le massacre du 17 octobre 1961, Maurice Papon n’eut jamais à en répondre devant la justice.