Le 11 janvier 2002, quelques mois après le déclenchement par les Etats-Unis de la guerre contre le terrorisme en Afghanistan, un avion de l'US Air Force atterrissait sur la base américaine de Guantanamo, sur l'île de Cuba. A son bord, les premiers détenus de ce qui allait vite devenir le camp de prisonniers le plus célèbre du monde. Entièrement vêtus d'une combinaison orange, les yeux le plus souvent bandés et les mains liées, ces prisonniers, isolés dans des cellules qui s'apparentaient plus à des cages, symbolisaient la face sombre de la lutte contre le terrorisme entreprise par l'administration Bush : une détention massive - en 2003, il y a aura près de 600 prisonniers dans le camp de Guantanamo - sans respect du droit américain ou international, Guantanamo étant une enclave extra-territoriale.
En 2007, au milieu du deuxième mandat de G. W. Bush, France 2 consacrait un sujet aux critiques internationales faites aux Etats-Unis vis-à-vis de leur non-respect des droits de l'homme à Guantanamo. A l'époque, il y avait encore 395 prisonniers dans la base, mais déjà, ils étaient plus de 700 à y avoir été détenus.
Libéré sans procès
Le reportage, diffusé le 11 janvier 2007, donnait la parole à Mourad Benchellali, un Français né à Villeurbanne en 1981 et fait prisonnier par les Américains en 2001 au Pakistan, alors qu’il venait de passer deux mois dans un camp d’Al-Qaïda en Afghanistan, juste avant le déclenchement des bombardements américains. Emprisonné de 2002 à 2004 à Guantanamo sur la base de soupçons, il était libéré sans procès au bout de deux ans et demi et renvoyé en France. A son arrivée, il était mis en examen par la justice française pour association de malfaiteurs et emprisonné dix-huit mois à Fleury-Mérogis, avant d’être finalement relaxé par la justice en 2009.
Auteur du livre Voyage vers l’Enfer, en 2006, dans lequel il relatait son expérience à Guantanamo, Mourad Benchellali évoquait dans le sujet de France 2 « deux types de souffrance, psychologique et physique ». « Le pire c’est le psychologique, parce qu’on est enfermé 24h sur 24h dans une cage. Et c’est l’incertitude de l’avenir, on ne sait pas combien de temps ça va durer, et puis il y a le sentiment d’être oublié aussi ».
Toujours ouvert
2007, une année où la mobilisation internationale contre le camp de Guantanamo était importante. Jennifer Daskal, directrice de programme Human Rights Watch, dénonçait ainsi une situation illégale : « 400 personnes sont toujours détenues à Guantanamo, aucune charge précise ne pèse contre elles, et elles n’ont pas la possibilité juridique de contester leur détention. » Même virulence dans la charge de la part de Michael Ritter, président américain du centre pour les droits constitutionnels : « L’idée que vous pouvez détenir des gens sans aucune visite de leur famille ou d’un avocat de leur choix, sans jamais les poursuivre pénalement tout en les torturant dans un enclos, devrait être rejeté de tout pays civilisé dans le monde ».
Selon le reportage de France 2, depuis son ouverture en 2002, « 380 personnes [avaient] été renvoyées dans leur pays, sans qu’aucune charge ne soit retenue contre elles. » L’administration américaine disait déjà vouloir fermer la prison dès que possible, une promesse répétée par le président Barack Obama, sans réussite.
Aujourd’hui, le camp de Guantanamo est toujours ouvert, et abrite une quarantaine de détenus.