En 2007, en pleine année polaire internationale : huit hommes - Un néo-Zélandais, deux Russes et trois Français - se laissent emprisonner pour deux ans à bord d'un bateau, au milieu d'un glacier. Un brise-glace russe leur a ouvert la voie. Leur objectif est d'étudier la banquise. L'équipe est constituée d'un marin, un médecin et de plusieurs scientifiques qui se succéderont tout au long de la mission. Sans oublier deux chiens de traîneaux chargés d'éloigner les ours polaires.
"En six heures, on est passé de - 16 à - 36°c."
Le bateau est une goélette scientifique qui répond au joli nom de Tara. Pour mieux étudier de réchauffement, les chercheurs installent un laboratoire de pointe à - 40°c et du matériel pour mesurer en permanence les températures de la glace. Sous la banquise mais aussi à sa surface, avec une station météo ou dans les airs, avec un ballon stratosphérique. Au gré des saisons, de la fonte et de la reconstitution de la banquise, le bateau va se laisser dériver.
"Elle faisait, il y a vingt ans, 3 mètres et un peu plus. Maintenant, elle fait deux mètres et un peu moins. Il y a un mètre qui a foutu le camp !" Explique Jean-Claude Gascard, spécialiste océan polaire et climat.
Avec l'hiver polaire, impossible de travailler plus de dix minutes dehors et il faut protéger le matériel. Seul lien avec le QG parisien : le téléphone et une seule obsession : la météo.
Etienne Bourgeois, le responsable de la mission "Tara Artic" souligne que : "Les condition de glace deviennent parfois très violentes. On la l'impression d'un château hanté où la glace vient se fracasser, glisser sous le bateau. C'est un bateau tout en métal. C'est très sonore.
Les conclusions de la mission
Finalement Tara ne restera que 507 jours en mer, en rentrant au port six mois avant la date prévue de la fin de mission... En cause, la fonte beaucoup plus rapide que prévue de la couche de glace le l'Arctique. L'équipe est heureuse mais préoccupée... C'est une confirmation: la fonte des glace est de plus en plus inquiétante...
Vincent Hilaire, membre de l'expédition s'extasie devant la solidité du bateau : "C'est un bateau extraordinaire parce que franchement il est passé dans des endroits, sur des glaçons. Faut le voir pour le croire. Il résisté à des pressions de la glace qui engendre des bruits dans les cabines ! On croit que les tôles vont céder mais elles ne cèdent pas!"
Le 23 février 2009, après 20 mois de mission, Tara rentre à Lorient. C'est entouré d'une petite flottille que le navire rejoint son port d'attache. La foule amassée sur les quais acclament les "glacionautes". Le chef d'expédition Grant Redvers confirme : "C'est vrai qu'on a dérivé deux fois plus vite que prévu !". Les constatations sont inquiétantes souligne Jean-Claude Gascard, coordinateur scientifique de la mission : "Certains modèles prédisent que toute cette glace de mer disparaîtrait en été dans les 15 ou 20 années qui viennent. C'est beaucoup plus rapide que ce que l'on pensait il y a encore quatre ou cinq ans."
"La disparition totale de la banquise l'été risque de se produire plutôt vers les années 2030, ou avant, mais pas 2050."
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En novembre 2008, Tara, telle une rock star est reçue en grande pompe à Paris. Amarrée sur les quais se Seine, on lui consacre même une exposition. Le "Taranaute" Grant Revers revient sur les moments tendus de la traversée. Trois équipes scientifiques se sont succédées à bord. L'analyse de l'eau, de l'air et de la glace a révélé une accélération de la fonte de la banquise. Jean-Claude Gascard l'affirme désormais : "La disparition totale de la banquise l'été risque de se produire plutôt vers les années 2030, ou avant, mais pas 2050."
Les observations satellites confirment les relevés de Tara et la fonte estivale a représenté une superficie comme trois fois la France en 2007-2008. La prochaine mission de Tara sera d'observer pendant trois ans le comportement du plancton occasionné par le réchauffement.
La mission 2017-2018
Pour sa onzième expédition, du canal de Panama à l’archipel du Japon (2016-2017), puis de la Nouvelle-Zélande jusqu’en Chine (2017-2018), la goélette a ausculté les zones littorales les plus urbanisées du Pacifique comme les récifs les plus isolés de la planète. Avec plus de 36 000 échantillons prélevés, Tara Pacific est la campagne la plus vaste encore jamais entreprise sur les récifs coralliens. Durant près de 3 ans, les équipes embarquées ont prélevé rigoureusement 40 sites, de la même façon, à la recherche de 3 espèces de coraux, d’une espèce de poisson de récifs, tout en associant le plancton environnant. Leur objectif ? Percer le mystère de la biodiversité invisible des récifs, cette part microbienne des organismes qui sont à l’origine des grands équilibres de l’écosystème marin.