Le 11 mai 1997, coup de tonnerre dans le monde feutré du jeu d’échecs. Le Russe Garry Kasparov, champion du monde incontesté des échecs, celui qu’on surnomme « l’Ogre de Bakou », succombe aux coups imprévisibles d’un redoutable rival, l’ordinateur Deep Blue. Cette machine d’IBM, que Kasparov connaît bien pour l’avoir déjà battue, de justesse, un an plus tôt, et avoir contribué lui-même à la corriger, se révèle ce jour-là plus fort que lui. Un tournant aux yeux des spécialistes de l’intelligence artificielle, révélant toutes les potentialités de rapidité de calcul de la machine.
Nous avons retrouvé dans les archives un sujet qui relate ce match historique. Un reportage de France 3 qui donne la parole à Jean-Claude Loubatière, président de la Fédération française d’échecs. Ce dernier se veut plutôt conciliant quant aux potentialités du champion russe, malgré sa défaite inédite : « Il semble que Kasparov n’ait pas voulu jouer son jeu habituel, il a eu peur. C’est un joueur d’attaque, il a joué strictement défensif, il a joué des jeux qui sont différents [de ceux auxquels] il joue d’habitude. » Pour ce spécialiste des échecs, la machine n’a pas dit son dernier mot : « Deep Blue aurait pu être battu, c’est clair. Il n’a pas du tout démontré qu’il est meilleur que l’homme, il a démontré que pour l’instant il y a match entre l’homme et lui. »
Sang-froid et maîtrise
Propos optimistes tempérés par le commentaire de la journaliste Nicole Gibelin, auteure du reportage. D’autant plus qu’à la 2e partie du jeu, le champion russe semble vraiment perdre son sang-froid et sa maîtrise habituelles, face à « un coup à donner la nullité au champion russe. Celui-ci ne tente rien, on se demande comment un joueur de son niveau ne s’est pas battu. Mais pouvait-il le faire ? » Conclusion du reportage, « voilà une partie qui a laissé l’homme perplexe : Kasparov honteux a déclaré avoir eu peur de l’ordinateur, il a même prédit qu’un jour les ordinateurs tueraient le jeu d’échecs… »
Après cette deuxième manche remportée par la machine, Garry Kasparov et Deep Blue ne se sont plus jamais affrontés. Kasparov, considéré comme l'un des plus grands joueurs d'échecs de tous les temps, s'est engagé en politique au milieu des années 2000 en tant qu'opposant à Vladimir Poutine. En 2012, il deviendra président de l'ONG Human Rights Foundation, qui promeut les droits de l'homme dans le monde.