Le 4 février 1993, dans l'émission Le cercle de minuit de Michel Field, Emmanuelle Béart qui joue alors le rôle de Camille dans la pièce de'Alfred de Musset, accepte d'évoquer ce morceau d'anthologie et son propre rôle, alors qu'elle sort tout juste de scène.
"On est dans une époque particulièrement violente où l'on se sent un peu perdu"
Elle décrit d'abord la modernité du texte mis en scène de Jean-Pierre Vincent, "j'avais l'impression que la pièce parlait à notre génération, avec ses peurs et ses angoisses. De cette différence qu'il y a entre les hommes et les femmes. Et plus je la joue, plus j'ai l'impression que les gens sont touchés, la salle est émue. Parce qu'on parle d'eux, on parle de nous tous. Qui dans la salle peut dire : je n'ai pas ressenti ça à une époque de ma vie ? (…) Je parle de génération, mais en fait c'est complètement con, c'est toutes les générations"!
La comédienne précise néanmoins pourquoi sa génération se sent particulièrement touchée selon elle, "on est dans une époque particulièrement violente où l'on se sent un peu perdu et où on a terriblement envie de s'accrocher, à l'amour par exemple.
"Je la vois un peu comme une fleur qui aurait poussé dans le fumier"
De son personnage de Camille, elle dit : "je la vois un peu comme une fleur qui aurait poussé dans le fumier. Je la vois comme quelqu'un qui débarque avec un mystère, une douleur qui n’apparaît pas au début. Elle paraît plutôt un peu rêche, un peu sèche. Et puis, petit à petit, on se rend compte que c'est quelqu'un qui a vécu dans un état de schizophrénie totale. Quelqu'un qui a totalement mal vécu cette éducation religieuse. Quelqu'un de totalement frustré. Quelqu'un qui a été blessé et que tout ça, petit à petit va se développer au fur et à mesure de la pièce. Et puis, son cœur qui va se mettre à battre. Et puis, son corps qui va se mettre à s'ouvrir, sa chair. Et en même temps, il y a la confusion entre l'amour de l'autre et l'amour de soi, c'est-à-dire l'orgueil.
"Elle me rend folle !"
Complètement pénétrée de son personnage, elle poursuit, "c'est quelqu'un qui évolue tout au long de la pièce et qui devient d'une violence, d'une violence comme on peut le devenir quand on est désespéré. C'est vraiment la violence du désespoir. Elle voudrait tant que cet homme lui dise qu'il va l'aimer pour toute la vie et en même temps, elle a déjà le côté désabusé de la chose. Elle sait déjà que ce n'est pas possible donc c'est une contradiction permanente. Elle me rend folle ! Elle me rend folle !".