C'est l'histoire de Milou, joué par Michel Piccoli, un sexagénaire hédoniste et rêveur, qui vit dans la grande propriété familiale aux côtés de sa mère (Paulette Dubost) et de sa maîtresse Adèle (Martine Gautier), la domestique. Mais cette vie tranquille va être bouleversée par deux événements concomitants : le décès de la maman et la révolte de Mai 1968 qui paralysa la France...
Le 24 janvier 1990, la chronique cinéma du 12-13 Midi-Pyrénées était consacrée à ce film tourné l'année précédente dans la région. Pipe en bouche, le réalisateur Louis Malle confie qu'avec ce film il avait souhaité à nouveau tourner dans le Sud-Ouest, région où il avait déjà tourné deux films (Lacombe Lucien et Black moon). Le tournage s'est déroulé au Château du Calaoué, dans le Gers. C'était aussi pour lui l'envie de raconter l'histoire d'une famille, "la fin d'une famille, la fin d'une maison, un peu inspirée par La Cerisaie de Tchekov".
Michel Piccoli tient le rôle principal et confirme que son personnage, Milou mène une vie tranquille, qu'il "vit dans l'enfance, dans sa maison, il se promène, il connait la nature..."
Miou Miou (Camille) reconnait que si Mai 68 "c'est vraiment la toile de fond du film", le plus important c'est "l'état d'esprit d'une famille, le portrait d'une famille de province et ses réactions face à un héritage. C'est ça le plus important".
Louis Malle s'est en effet servi de Mai 68 et du blocage de la France comme prétexte au récit, celui d'une grand-mère qui meurt et qu'on ne peut pas enterrer, "ils ne peuvent pas bouger parce qu'ils sont complètement bloqués. Il n'y a pas d'essence, il n'y a pas de transports. Toute la France est arrêtée et ils ne peuvent même pas l'enterrer ! Donc, elle est là au milieu de tout le monde dans la bibliothèque et puis leurs comportements se décalent... il y a une espèce de libération, d'utopie fouriériste si vous voulez. Il y a des intrigues amoureuses. Ça a un côté Comedia del' Arte, un peu Marivaux aussi…"
Le réalisateur confie aussi que le personnage de Milou a été écrit pour Michel Piccoli. L'acteur évoque ce que cela lui a apporté, "ça aide quand quelqu'un travaille sans vous, mais pour vous, et puis ça me changeait un peu des personnages pervers, diaboliques sulfureux ou douteux".
Michel Duchaussoy joue pour sa part, le "vieux petit frère" de Milou, un rôle fraternel qui l'a touché "on a perdu notre maman, on a beau avoir 50 et 60 ans, on se retrouve tous les deux, les deux frangins (…) je me retrouve en sécurité à partir du moment où je retrouve mon grand frère. Moi, je n'ai vu que ce côté-là du personnage".
Quant à Miou Miou, Louis Malle avoue l'avoir choisie de "manière paradoxale", il ajoute "comme c'est un personnage qui aurait pu être un peu antipathique et que je ne voulais pas qu'il le soit, j'ai pensé que Miou Miou apporterait une vivacité, un humour et une sincérité qui la rendrait très comique et elle a fait un travail formidable".
Et pour Miou Miou, jouer c'est justement s'amuser : "être comédien, c'est jouer. Acteur, c'est jouer. Je trouve que ça devient un peu trop sérieux en ce moment. Dans le cinéma, on est là pour s'amuser, pour faire toute sorte de personnage, à partir du moment qu'on joue !".
Même constat du côté de Michel Piccoli sur l'importance du plaisir de jouer : "si on s'amuse en faisant ce qu'on fait, le public sent qu'il y a un amusement, un plaisir fantastique et c'est un plaisir qui se communique."
A la fin du tournage, les acteurs avaient créé une parfaite osmose et c'est dans un éclat de rire que Michel Duchaussoy conclut l'interview : "je ne voulais pas vendre la maison. Je voulais rester avec mon grand frère !"
Il est à noter que Jean-Claude Carrière était co-scénariste sur ce long métrage. Milou a remporté plusieurs trophées aux César de 1991 : César du meilleur second rôle féminin (Dominique Blanc) et nomination au César du meilleur acteur (Michel Piccoli), meilleure actrice (Miou-Miou) et meilleur second rôle masculin (Michel Duchaussoy) en 1991.
Florence Dartois