Cinéaste et écrivain, Jean-Jacques Beineix est mort vendredi 14 janvier à l’âge de 75 ans. Le réalisateur a connu un grand succès dans les années 1980, avec ses films Diva, La Lune dans le caniveau et 37°2 le matin qui reçurent un succès du public et de la critique.
L'archive en tête d'article présente les essais de Béatrice Dalle pour ce long métrage, alors qu'elle était totalement inconnue. Le 21 janvier 1986, l'émission «Cinémas cinéma» diffusait une pépite. Devant la caméra de Dominique Besnehard, directeur de casting et vidéaste, Béatrice Dalle faisait son premier bout d'essai pour devenir actrice. Très naturelle, elle répondait à des questions plutôt personnelles. Sans filtres, elle racontait par exemple les « plans bidons » traversés pour devenir modèle et gagner sa vie. La jeune fille évoquait aussi ses petits copains, ses histoires d'amour ratées et son arrivée à Paris et bien-sûr son rêve de devenir comédienne.
C'est grâce à cette séquence qu'elle sera finalement engagée par Jean-Jacques Beineix pour interpréter Betty l'héroïne passionnée et névrosée de 37°2 le matin. Nous assistons ensuite à quelques scènes réalisées au cours du tournage entre Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade son partenaire.
Le film, adapté du roman éponyme de Philippe Djian, publié l'année précédente, sortira en avril 1986. Ce titre énigmatique fait référence à la température d'une femme enceinte au réveil.
Un réalisateur et sa révélation
Le 4 avril 1986, dans Antenne 2 Midi, le cinéaste et son actrice présentaient le long métrage. France Roche, la journaliste cinéma de A2, semblait conquise et demandait au cinéaste pourquoi il avait choisi d'adapter ce roman. Pour Jean-Jacques Beineix, c'était une évidence née de son admiration pour l'écriture de Philippe Djian. Il fallait aussi incarner ses personnages littéraires, un challenge pour lui : « La passion, c'est ce qui sous-tend tout le livre et il fallait trouver des équivalents cinématographiques pour pouvoir traduire chaque mot, chaque ligne. ». Et Betty s'était incarnée dans les traits de Béatrice Dalle par la magie du cinéma.
L'actrice semblait plutôt détendue pour cette première apparition à la télé, elle confiait même avoir toujours su qu'elle deviendrait célèbre : « Ma tireuse de cartes m'a dit que j'allais être connue (...) j'ai fait confiance parce que tout le reste s'est réalisé ».
L'évidence d'un talent naissant
Dans la suite de cette interview, Béatrice Dalle expliquait qu'elle ne savait pas comment elle serait dans le film, (elle ne l'avait alors pas encore vu au moment de l'interview, une volonté du cinéaste) : « Il ne voulait pas qu'on voit les rushs et moi non plus. Je me suis tellement trouvée moche dans mes essais que je me suis dit : "c'est pas la peine ! Je vais prendre une bonne claque dans la gueule mardi soir". »
Jean-Jacques Beineix confirmait qu'il n'avait pas eu besoin de beaucoup la faire travailler : « C'est la chose que les téléspectateurs peuvent constater, là, maintenant. C'est-à-dire que quand il y a un bonheur, une grâce, une spontanéité telle que Béatrice l'a, le reste ce n'est plus qu'une question de ménager des situations, de les gérer et d'essayer de placer sa caméra au meilleur endroit pour obtenir ce qui de toute évidence se passe. »
A la fin de l'entretien, Noël Mamère lui demandait s'il aimerait retourner avec elle. C'était une évidence pour lui : « Quand on regarde une femme avec autant de bonheur que ça, on a envie de tourner avec elle. »
Ils ne tourneront finalement jamais à nouveau ensemble et se recroiseront très peu. Le film sera nommé aux Oscars, sans le recevoir.